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« L'alcool et la nostalgie, voilà tout ce qui reste. » Jeanne et Mathias, le narrateur : deux amis parisiens. Elle est partie vivre à Moscou, il l'y a rejointe quelques mois plus tard. Elle lui a présenté Vladimir. Ensemble, ils ont formé un trio d'amants, une femme pour deux hommes. Ensemble, ils ont sombré dans l'héroïne, dans la vodka, dans la débauche. Ils se sont aimés, déchirés, séparés. Mathias est rentré en France, Jeanne et Vladimir sont restés à Moscou. Mais voilà que l'ami est mort, et Mathias rejoint Moscou – et Jeanne – pour accompagner la dépouille de Vladimir jusqu'à son village natal, en Sibérie. Un voyage au long cours, à bord du Transsibérien, en tête à tête solitaire avec le corps de l'ami décédé, deux mille huit cent quatorze kilomètres depuis Moscou – soit une centaine de jours de cheval, à l'époque de Tolstoï ou de Pasternak. Des heures et des heures seul dans ce train, avec l'ami qui désormais se tait, avec les souvenirs, avec les grands auteurs qui peuplent de leurs présences les immensités russes – Axionov, Tchekhov, Gogol, Dostoievski… -, avec le fantôme des amours mortes, des amitiés perdues, des blessures et des complicités, avec la tendresse et les regrets, avec l'ombre des années noires de l'histoire de la Russie. Avec l'alcool. Et la nostalgie. Dans ce très court roman autobiographique (?), adaptation d'une fiction radiophonique conçue dans le cadre de l'Année France-Russie de France Culture, Mathias Enard nous convie, dans le huis-clos de ce voyage transsibérien, à un moment d'intimité poétique, mélancolique et bouleversant. Comme toujours avec Mathias Enard, l'écriture est superbe et le texte est profond, intelligent, sensible et percutant. Un petit roman (pour ce qui est du nombre de pages) que je ne connaissais pas, et un grand livre d'un grand écrivain, que je vous recommande. [Challenge MULTI-DEFIS 2019] + Lire la suite |