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Finir cette année avec un titre pareil, je sais, il faut vraiment être un peu cynique. Cela me ressemble si peu... Un roman qui prend pour décor Les Deux Sèvres en plein hiver, The place to be, qui interroge le destin et la mort, c'est idéal pour les fêtes non ? Pour donner un petit côté terroir à sa thèse consacrée à la vie à la campagne au 21ème siècle, un ethnologue en devenir quitte Paris et sa petite amie pour un petit village paumé et ses autochtones. le Lévi-Strauss sédentaire enfile son jean et part à la découverte de la France profonde avec son bistrotier et ses dinosaures du zinc, son curé et ses veuves, ses agriculteurs besogneux, son médecin qui fait les trois huit, ses retraités anglais qui trouvent que la pluie mouille moins par chez nous et ses lotissements dortoirs pour travailleurs banlieusards. Au contact des sauvages, la thèse avance moins vite que le taux de cholestérol de l'éternel étudiant qui trouve peu à peu sa place dans le microcosme, aidé par une zadiste forcément rebelle et un maire très accueillant, bien que directeur d'un établissement de pompes funèbres, lequel ne connait pas la crise grâce à une pyramide des âges pharaonique. Matthias Enard aurait pu se limiter à cette plaisante chronique qui ne manque pas d'humour, qui a le mérite de ne pas être condescendante et qui tente de rendre hommage à son pays natal. Il faut dire que depuis que Houellebecq avait déclaré que Niort était une des villes les plus laides de France dans Sérotonine, le blason avait besoin d'une nouvelle couche de dorures. Pas sur néanmoins que le standard de l'office du tourisme du coin explose après ce roman qui est loin d'être le meilleur à mes yeux de l'auteur. Je trouve que ce romancier érudit est plus doué pour l'exotisme, les récits d'exploration culturelles qui traversent les pays et les âges. Ses précédents titres m'avaient fait voyager et rêver d'Orient. Cet opus ne m'a pas fait léviter de mon confinement. En fait, je ne suis pas entré dans cette histoire pour les raisons qui m'avaient conduit à la découvrir. C'est ballot. D'abord, le journal de bord du thésard s'interrompt d'un coup pour laisser place au récit rabelaisien de la fameuse confrérie des fossoyeurs qui se réunissent pendant trois jours sur place pour leur séminaire gourmand. C'est une orgie de charcutaille et une beuverie qui obéit à certaines règles, notamment celle qui incite chaque participant à conter une histoire. C'est brillant, grivois et drôle durant une vingtaine de pages mais je me suis vite lassé du menu et j'ai sauté quelques plats et quelques pages. Nul ne peut égaler Pantagruel ou la Grande Bouffe dans le genre. Légère indigestion. Ensuite vint l'astuce de la métempsychose qui traverse le roman, doctrine selon laquelle une âme est recyclable ce qui lui permet de se transvaser à chaque trépas vers un nouveau corps humain, animal ou végétal. Autant dire que les mauvaises actions se paient cher et que les brebis galeuses se retrouvent vite à l'état de lombric ou de nuisibles pour plusieurs générations. La réincarnation discount. Ainsi, le narrateur se fait parfois curé puis sanglier, le bourreau devient gibier de potence dans une autre vie, le boucher mute en filet mignon, etc… et quand le récit remonte parfois à des vies antérieures, on comprend que l'auteur ne décrit pas l'histoire d'un personnage mais celui d'une âme dans un territoire. Une vie sans chronologie. C'est déroutant, souvent inégal mais original. Cet artifice permet de découvrir les secrets de famille du village mais cela segmente encore plus l'histoire. Les pièces du puzzle se mélangent et j'ai fini par inverser certaines pièces.. Récit fourre-tout, gratin à la niortaise, qui déborde d'idées mais que Mathias Enard semble avoir assemblé de façon un peu artificielle. J'ai parfois eu l'impression qu'il avait écrit son roman comme je remplis la malle de ma voiture avant un départ en vacances : rangement clinique des premières valises et on tasse les derniers sacs comme on peut pour caser la caisse du chat et les boules de pétanque. J'ai été content de retrouver l'étudiant en fin de roman, ligne de vie cette histoire qui donne le vertige pour un happy end qui fleure bon le retour à la nature, l'exode urbain et le règne du brocolis. Meilleurs voeux. + Lire la suite |