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Critique de Pavlik


D'abord il y a ce titre, éminemment poétique et qui convie mythe et réalité à se rencontrer, s'apprivoiser, pour finir par se transcender. C'est un peu ce qui se passe quand les visions de l'artiste rencontre la matière de la création. Quand le burin de Michel-Ange rencontra le marbre de Carrare et en fit le David, ce chef-d'oeuvre de la sculpture.

Alors que l'Europe, à commencer par les états italiens, a depuis quelques décennies entamer la mue qui la fit passer du moyen-âge à la renaissance, Michelangelo di Lodovico Buonarroti Simoni, dit Michel-Ange, est déjà un immense artiste, reconnue pour ses sculptures et ses peintures. Il est l'égale de Léonard de Vinci, de vingt ans son aîné, et le grand rival de Raphaël et de Bramante.

En 1506, alors qu'il travaille à la réalisation du tombeau du pape Jules II, il décide de répondre favorablement à l'invitation de Bayezid II, dit le juste, Grand Turc et sultan de l'empire Ottoman. Méprisé par "le pape guerrier", qui tarde à le payer et ne lui fournit pas l'aide matérielle nécessaire à son travail, Michel-Ange se rend à Constantinople, plus par esprit de vengeance que par intérêt pour la commande qui lui est faite. le Grand Turc souhaite, en effet, que l'artiste dessine les plans d'un pont qui reliera les parties asiatique et européenne de la ville. Quelque année auparavant le grand Léonard s'y était essayé mais le projet n'avait pas été retenu...Trop ambitieux, trop difficile techniquement. Comme le perçoit d'emblée Michel-Ange, de Vinci n'avait pas comprit la nature symbolique, voire politique d'un tel ouvrage.

Bien sur, ce voyage n'est que pure fiction (bien qu'il existe un dessin d'un pont réalisé par Michel-Ange). C'est en effet à Florence que l'artiste se réfugia, après la brouille avec le pape, et non à Constantinople. Pour autant, Mathias Enard se sert de ce prétexte pour nous faire découvrir, sensuellement, presque charnellement, une des plus grande cité de l'époque. Encore fortement imprégnée de culture grecque et latine, refuge des musulmans chassés de la péninsule ibérique, suite à la Reconquista, et, désormais, occupée par les turcs, Constantinople présente un aspect cosmopolite, à cheval entre orient(s) et occident que l'auteur rend à merveille. Une autre réussite est la vision de "son" Michel-Ange, travailleur, disgracieux mais génial, austère et étranger à l'amour. C'est pourtant bien l'amour qu'il va découvrir sur les rives de la Corne d'Or : l'amour d'une ville d'abord, et l'amour charnelle ensuite, dans les bras d'une belle danseuse andalouse.

Bien que l'auteur s'attache à mettre en lumière le caractère tolérant et cultivé de l'Islam, tel qu'il est conçu à l'époque, les tensions restent vives entre musulmans et chrétiens, à tel point que, bien que reconnue, tout le monde ne voit pas d'un bon oeil qu'un "infidèle" soit l'architecte de ce pont. Mais Michel-Ange, enfermé qu'il est dans ses visions et son art, reste aveugle et sourd aux machinations politiques et c'est in extremis qu'il se sortira indemne de ce voyage aux frontières de deux mondes.

Doté d'une écriture fluide et très poétique ce roman, à l'instar d'une douce rêverie, se révèle agréable à lire bien qu'il pêche, par moment, par excès de symbolisme.

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