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Citations sur La fille que j'ai abandonnée (13)

Je m'assis sur le tatami et enfilai mes chaussettes humides, puis ma chemise. Cela m'exaspérait de parler avec Mitsu. Si j'avais pu, je serais parti tout seul respirer l'air frais sous la pluie.
"C'est la dernière fois que je couche avec elle ! Une fois ça suffit."
Trente minutes plus tard, nous nous séparions à la gare de Shibuya. Elle essaya de m'égayer et de rompre le silence dans lequel je m'étais enfermé, et me suivis comme un petit chien jusque sur le quai pour attendre le train pour Yoyogi, où j'avais un changement. Mais je ne desserai pas les lèvres. Je n'avais pourtant pas de raison particulière de haïr cette fille, une fois mon désir assouvi, mais je ne pouvais supporter de passer une seconde de plus avec cette midinette.
Une voix dans le haut-parleur demanda aux voyageurs de se placer derrière la ligne blanche, puis le train bondé entra lentement en gare. Les portes s'ouvrirent juste devant moi.
Sans même lui dire au revoir, ni lui faire un signe de la main, je montai dans le wagon.
"Oh..."
J'entendis sa voix crier quelque chose dans mon dos.
"...Quand se revoit-on...?"
Mais les portes se refermèrent avant qu'elle ait pu terminer sa phrase. "Qui voudrait te revoir ? Tu m'es complètement étrangère maintenant, au même titre que les gens dans le compartiment qui me bousculent ou me marchent sur les pieds."
Alors que le train s'ébranlait lentement, j'éprouvai une joie cruelle en me retournant vers la fenêtre. Mitsu, la bouche ouverte, incrédule, trottait le long du quai, une main à moitié levée en l'air. Elle courut le long du wagon jusqu'à ce qu'elle m'eût perdu de vue. Bientôt son visage encadré de deux tresses, son nez épaté se rapetissèrent et ses yeux de chien battu disparurent dans le lointain. La tête appuyée contre la fenêtre, en écoutant le bruit cadencé du train, la chanson que la danseuse fredonnait, me revint brusquement en mémoire.

La fille que j'ai abandonnée
Est-elle encore en vie ?
Que fait-elle ?
Je n'en sais rien, et pourtant...
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A cet instant, une petite ombre se dessina près de la porte du café. C'était Mitsu, un parapluie à moitié cassé à la main, l'air hébété. Avec ses cheveux et son visage mouillé, on aurait dit un chat abandonné sous la pluie. Elle ne portait pas d'imperméable et avait aux pieds des socques. Elle était comme par le passé coiffée avec des nattes.
Son regard me revint à la mémoire. C'était le même que sur le quai en gare de Shibuya, au moment de la fermeture des portes, lorsqu'elle avait couru à petites foulées, en me cherchant des yeux, désespérément.
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En arrivant près du magasin Saegusa, son regard changea subitement de direction et elle pressa le pas en passant devant la vitrine. Mais ce cardigan doux comme de la ouate, auquel elle avait renoncé après l'avoir tant désiré, lui resterait à jamais gravé dans la mémoire.
"C'est comme ça, on n'y peut rien."
Mitsu connaissait la résignation depuis l'enfance, elle n'était pas du genre à se rebeller contre la destinée, mais plutôt à l'accepter.
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C'était la première fois qu'on lui parlait de la sorte et même si elle n'avait pas entièrement compris, elle était toujours prête à tendre la main aux malheureux pour les décharger de leurs souffrances. Aussi en entendant la religieuse lui décrire l'accueil chaleureux des autres patients, la joie lui fit monter les larmes aux yeux et elle se détesta pour les avoir rejetés et s'être effrayée de leur apparence rebutante. Leur infortune lui apparut brusquement si intolérable qu'elle en oublia sa propre détresse et, après avoir posé son ouvrage sur ses genoux, elle demanda :
"Si ces gens sont bons, pourquoi doivent-ils souffrir ?
- Je sais", répondit la soeur en regardant la jeune fille droit dans les yeux. "Les nuits où je ne peux pas dormir, j'y pense. Dans ce monde, plus le coeur des hommes est bon, plus ceux-ci connaissent la misère, la maladie. Dans quel but Dieu nous met-il ainsi à l'épreuve ? Je médite beaucoup sur ce sujet. Vous seriez surprise par le grand nombre de malades ici, dont l'âme est pure. Avant de venir ici, ils n'avaient pas commis le moindre mal. Alors pourquoi sont-ils les seuls à être atteints, lâchés par leur famille et condamnés à pleurer toutes les larmes de leur corps ? Dans ces moments-là, j'en viens mêmes jusqu'à douter de l'existence du Dieu en qui je crois. Et puis je change d'avis : cette souffrance a certainement une signification !
- Vraiment ?"
Mitsu poussa un gros soupir, un oeil distrait posé sur la fenêtre mouchetée par les rayons de soleil. Elle repensait à sa vie. Jusqu'à présent, elle n'avait jamais fait de mal à personne ; lorsque son père était venu avec sa nouvelle femme à la maison, elle était partie à Tokyo, afin de ne gêner personne. Puis à la fabrique, elle avait travaillé de son mieux. Et en dépit de son amour pour Yoshioka, elle l'avait quitté, malgré son chagrin, pour ne pas l'encombrer. Et pourtant cette horrible maladie s'était emparée d'elle. Elle avait tout perdu et maintenant soeur Yamagata lui disait qu'il y avait un sens à tout cela !
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Quoi qu'il en fût, plus je pensais à Mariko, plus la relation d'un soir, nouée avec Mitsu, me semblait lointaine et stérile. C'était comme si elle n'avait jamais existé. Ce que j'ignorais pourtant, c'est que quels que soient les liens qu'on noue avec les autres, ils ne disparaissent pas comme neige au soleil. Même si on essaye d'oublier à tout prix des êtres qu'on a connus, leur souvenir ne peut s'effacer complètement et laisse toujours une empreinte dans le tréfonds de notre âme.
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Le lendemain, la pluie avait cessé et il faisait beau à nouveau. J'avais oublié Morita ainsi que la vague de sensiblerie qui s'était emparée de moi.
"Au travail! Tu n'as rien à voir avec cette fille dont l'existence s'est effondrée comme une montagne de petits cailloux", semblaient me dire le ciel limpide et le soleil éclatant.
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Sans raison aucune, je repensai brusquement avec mélancolie au travail de M. Kim et à moi, en train de distribuer ces prospectus et ces affiches dégoulinant d'encre sur lesquels le nom de Enoken avait été adroitement transformé en Enokeso. sur le moment, cela m'avait amusé, mais en y réfléchissant, c'était moi qui les avais apportés, dans ces villages, ce jour d'automne. De même que le vrai Enoken avait été changé en Enokeso, j'allais tromper cette jeune fille avec des mots d'amour.
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Pour Yoshioka, son aventure d'une nuit avec la naïve et fragile Mitsu est sans lendemain. Il l'abandonne et ne se préoccupe plus que de réussir dans la vie.
Mais après quelques années, peu à peu, l'idée de la revoir l'obsède. Il va la rechercher dans tout Tokyo et découvrir son tragique destin...

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Cependant j'avais un secret que Mariko ne connaissait pas. Deux ou trois fois après nos rendez-vous, je me rendis dans le quartier chaud de Tokyo, pour voir les "dames des rues". Il fallait bien assouvir le désir que la jeune fille avait provoqué en moi. Je ne voyais aucune contradiction à garder intact le corps de ma fiancée tandis que j'apaisais mes envies avec des prostituées. Je n'avais pas l'impression de la trahir, mais, bien entendu, elle ne sut rien de ces escapades, je craignais qu'une demoiselle comme elle ne pût comprendre les besoins physiques d'un homme. Elle les qualifierait, à tort, de "sales". En fait, j'avais divisé les femmes en deux catégories : celles du groupe A avec qui on ne pouvait rien se permettre et celles du groupe B avec qui on pouvait tout faire. Mariko Miura appartenait à la première, les prostituées et Mitsu Morita, à la seconde.
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Trop de compassion aurait eu un résultat psychologique contraire à l'effet souhaité sur les nouveaux arrivants .Il fallait non seulement lutter contre la maladie , mais aussi posséder une violente envie de vivre et du courage pour surmonter le désespoir .Cela ne pouvait venir des autres,il fallait l'avoir en soi.
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