Ce tome comprend les épisodes 7 à 18 de la série "Punisher MAX" écrite par
Garth Ennis, épisodes initialement parus en 2004/2005.
- Kitchen Irish (épisodes 7 à 12, dessins de
Leandro Fernandez) -
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Frank Castle est tranquillement assis dans un bar de Hell's Kitchen en train de prendre un café et un hamburger avec des frites quand une bombe explose dans le pub irlandais d'en face. Sans hésitation, il se précipite pour essayer d'aider quelques victimes et il finit par aider un pompier un peu jeunot. du coup il est encore sur place quand arrive la police ; l'un de leurs experts reconnaît immédiatement le résultat d'une bombe fabriquée par un multirécidiviste ayant surtout travaillé pour l'IRA. Pendant ce temps là, Finn Cooley (le poseur de bombes) explique à
Michael Morrison et Peter Cooley (son neveu) qu'il souhaite surtout mettre la main sur l'héritage de Pops Nesbitt (l'ancien chef de clan de la branche irlandaise du crime organisé à New York, maintenant décédé).
Or il y a 3 autres factions qui poursuivent le même but : les époux Tomy et Brenda Tonner (chefs du clan des Westies), les frère et soeur Polly et Eamon (responsables d'un groupe de pirates aux abords de New York) et Maginty, un grand black né en Irlande. Cependant la traversée de l'Atlantique par Finn Cooley n'est pas passée inaperçu et Yorkie Mitchell (un policier anglais qui a connu Castle au Vietnam), assisté de Andy Lorimer (le fils d'un policier victime d'un attentat à la bombe) demandent l'aide de Frank Castle pour mettre un terme aux carnages perpétrés par Finn Cooley.
À la lecture de ce récit, il y a une première surprise : le Punisher n'a qu'un second rôle et le dénouement aurait très bien pu se dérouler sans sa présence. Deuxième surprise :
Garth Ennis construit son histoire sur la base de la violence engendrée par des années de guerre en Irlande. Il est facile de voir que ce conflit a profondément marqué ce scénariste qui est né en Irlande du Nord. Ennis donne une interprétation sans appel des criminels d'ascendance irlandaise installés à New York. Il ne s'agit ni plus ni moins que de voyous des rues sans envergures ni jugeote qui se prennent pour des caïds qu'ils ne seront jamais. Pops Nesbott (le vieux émigré d'Irlande) est consterné par la génération suivante composée de crétins qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez. Derrière la violence, la cruauté et le sadisme des uns et des autres, se trouve une abyssale vacuité et une bêtise atterrante.
Garth Ennis déroule une suite d'horreurs, de massacres, de tortures et d'exécution sommaires qui créent une spirale d'autodestruction sans but, qui se nourrissent d'eux-mêmes sans aucun objectif.
Il faut avoir le coeur bien accroché pour lire cette histoire.
Garth Ennis n'y va pas de main morte et il a à nouveau concocté quelques moments qui provoquent des hauts le coeur incontrôlables (en particulier quand Castle mord un autre adversaire). Mais le conflit oppose des petites frappes sans envergure, incapables de s'extraire du cercle infernal de la violence. Aucune tuerie n'est gratuite ; elles servent toutes la mise en évidence implacable et sans appel de l'imbécillité des protagonistes.
Pour les illustrations,
Lewis Larosa a laissé la place à
Leandro Fernandez. Il utilise un style beaucoup plus clair avec des cases aérés, et des visages plus ronds. le contraste avec son prédécesseur n'est pas trop choquant dans les premières pages. Frank Castle est toujours aussi massif et son visage reste marqué par les rides. Chaque personnage dispose d'une physionomie particulière, plus ou moins développée. Fernandez met en scène des adultes qui adoptent des postures d'adultes, par opposition à des adolescents attardés qui gesticuleraient sans fin. Les illustrations du carnage après l'explosion de la bombe dans le pub prouvent tout de suite au lecteur que Fernandez se situe bien dans un registre adulte, malgré le simplisme de certaines cases. Son style lui permet de faire passer au lecteur l'horreur des corps déchiquetés des victimes et la destruction aveugle causée par l'explosion. le visage de Finn Cooley (dépourvu de peau suite à un autre attentat) créé un malaise à trop le regarder. La carrure et la gueule de Maginty génèrent une sensation de malaise et de crainte. le regard de Napper French (spécialiste des disparitions de cadavres encombrants) est hanté par les atrocités qu'il a commises, ainsi que par l'état de détachement dans lequel il se met pour se livrer à son art de dépeçage. Malgré tout, j'ai eu du mal à adhérer complètement aux graphismes de Fernandez qui se contente souvent d'un visage bien croqué au milieu d'une case de la largeur de la page sans aucun décor. Ce choix de mise en scène fait perdre de l'intensité visuelle au récit.
Après "Au commencement" qui présentait Frank Castle comme incapable de faire autre chose que de l'abattage en série de criminels,
Garth Ennis nous présente des criminels pour qui tuer et torturer sont devenus l'activité centrale de leur vie. Il est possible d'y voir une comparaison avec Castle pour qui les exécutions de criminels ne sont qu'un moyen pour atteindre une fin, et non une fin en soi. Et puis
Garth Ennis dit au lecteur le fond de sa pensée sur la criminalité qu'a engendré l'Irlande.
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- Mère Russie (épisodes 13 à 18, dessins de
Dougie Braithwaite) -
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Frank Castle est en train de se restaurer dans un petit bar de quartier peu fréquenté où est également accoudé au comptoir un vieux russe en train de se plaindre de l'état de son pays d'origine en sirotant une mauvaise vodka. Il s'attire en plus la colère de quelques gros bras en critiquant ouvertement Leon Rastovitch un malfrat local d'origine russe également. Il s'agit justement de l'homme que Castle recherche. Il commence par s'assurer que le petit vieux ne subira pas les conséquences de ses déclarations, puis il questionne les gros bras avant de les abattre froidement. Il se rend à la planque de Rastovitch et massacre quelques truands de plus. En sortant de la planque qu'il a incendié, il tombe nez à nez avec Nick Fury (et ce n'est pas un hasard). Ce dernier tente de faire réactiver le SHIELD avec les fonds nécessaire. Pour parvenir à ses fins, il a accepté la demande de quelques généraux américains. Une souche d'arme bactériologique est conservée précieusement dans une base militaire russe, par l'armée russe.
Les États-Unis souhaitent récupérer cette arme bactériologique létale avant que les russes ne réussissent à l'analyser et la dupliquer. Ils ont chargé Fury de trouver l'homme de la situation. Fury propose un marché à Castle que ce dernier accepte. Il va donc accomplir cette mission de récupération en Russie, accompagné par Martin Vanheim, un soldat de la Delta Force (une unité secrète des forces armées américaines). 2 soucis : cette base abrite des missiles nucléaires, et Nikolai Alexandrovich Zakharov prend en charge la défense de cette base.
Avec cette histoire,
Garth Ennis continue d'emmener le lecteur dans une direction peu prévisible. Après avoir étêté le crime organisé à New York (Au commencement), puis aidé un ancien compagnon d'armes contre le terrorisme irlandais (Kitchen Irish), Castle accepte de travailler pour l'un des rares hommes qu'il respecte et indirectement pour l'armée américaine. Même s'il ne travaille pas vraiment pour son compte, il est beaucoup plus moteur que dans le tome précédent. À 50 ans et quelques, avec son expérience, il traite Vanheim comme un bleu (avec raison). Cette fois encore, le Punisher se tire de situations impossibles avec une inexorabilité qui renvoie à chaque fois au pacte passé par Ennis dans Born : il est invincible et indestructible. Ennis joue sur plusieurs registres à la fois. Il continue d'insérer des éléments de politique étrangère (l'héritage de la guerre froide pour les vieux soldats) et il concocte une situation désespérée (Castle et Vanheim coincés dans le sous-sol d'une base ennemie avec une seule sortie possible et couverte par les russes). Il sort le Punisher de son environnement urbain pour une action commando avec une fin à grand spectacle. le récit permet de mettre en avant le code moral de Castle, ses motivations profondes et son sens de la stratégie, le tout dans des effusions de sang toujours aussi sadiques et inévitables.
Avec cette histoire, le lecteur découvre encore un nouveau dessinateur sur la série :
Dougie Braithwaite qui a également travaillé dans un autre registre avec
Alex Ross pour Justice, avec des encrages de
Bill Reinhold. J'ai trouvé que ce tandem a un style bien adapté pour ce Punisher plus réaliste. Tous les visages sont marqués par des rides, avec des expressions déterminées. Castle et Fury ont des masques de poker ce qui sied bien à leur manque d'émotivité et d'empathie. Cette histoire se déroule dans un monde presqu'exclusivement masculin avec des hommes habitués au combat et à la guerre. Chaque visage fermé renvoie à la détermination et l'entraînement du soldat. le lecteur souffre également avec Castle devant son visage tuméfié.
Pour être honnête, il faut bien avouer que ce mode de représentation des visages atteint ses limites quand ils l'appliquent à une petite fille. le niveau de détails des décors est satisfaisant. Braithwaite et Reinhold prennent le temps d'insérer des détails qui permettent que chaque endroit soit différent, que les bars ne soient pas des copier-coller les uns des autres, que les souterrains de la base russe donnent l'impression de s'intégrer dans un plan d'étage cohérent et que l'avant dernière séquence (dans la neige) transmette la désolation du paysage.
Ennis continue d'envoyer Castle au combat, boucherie après carnage, sans qu'il n'y ait d'impression de répétition. Au contraire, l'adjonction d'un soldat surentraîné mais avec moins d'expérience met en évidence que Castle sait que le prix à payer est élevé et qu'il l'a déjà payé plusieurs fois. La relation entre Fury et Castle apporte également un éclairage différent sur ce que Castle juge digne de respect et de confiance.