C'est un très beau roman dense, complexe, prenant, un peu austère qui nous transporte vraiment dans la dernière partie mais elle est bien amenée et maîtrisée comme la plupart des ouvrages des Éditions
Actes Sud.
Anna Enquist est une écrivaine Néerlandaise que je connaissais déjà.
Suzanne, anesthésiste endort les patients, son mari Peter travaille en psychiatrie.
Il est responsable de la formation en psychothérapie.
Dirk,le frère de Suzanne est psychothérapeute.
Tous deux endorment les consciences et plongent dans l'inconscient des êtres.
Tous deux traitent de la Douleur Humaine.
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Les endormeurs" se passe dans le milieu médical: pour qui ne connaît pas le monde hospitalier, le luxe des détails liés aux opérations chirurgicales peut paraître rébarbatif....
Mais l'auteur sait de quoi elle parle, elle même a exercé le métier de psychanalyste, elle a observé pendant plusieurs mois de très prés le monde des hôpitaux et s'y est immergée,elle décrit le travail des anesthésistes avec minutie en référence à celui de Suzanne à l'hôpital.
Les détails techniques abondent, les sentiments, l'apparence physique et l'attitude des patients opérés disséqués.
Drik vient de perdre son épouse Hanna du cancer.Suzanne et Drik ont perdu leur mère enfants....elle est tombée d'une falaise... le père de Drik, atteint de démence sénile est dans dans une maison de retraite médicalisée.
Une personne, un étudiant Allard Schuurman, désireux de se former à la psychotérapie auprès de Drik viendra tout bousculer ........
Ce roman tente de montrer de belle maniére , car on s'attache très vite aux personnages et aux situations que ceux qui traitent de la douleur des autres ne parviennent pas à traiter leurs propres névroses...
Car il me semble que le point commun à tous les acteurs de cet ouvrage est la Névrose .....mais je ne veux pas en dévoiler plus...
Pour Suzanne:"C'est la lutte contre la souffrance qui lui procure le plus de satisfaction. L'anesthésiste apporte la délivrance.
On est comme le gardien de but d'une équipe de foot, on attend, on observe, on surveille pendant l'opération, très longtemps, les choses se passent de l'autre côté derrière la toile mais la menace se rapproche et la balle passe dans notre camp.
Et là, il faut assumer, intervenir, procéder à un sauvetage adéquat avec une concentration maximum, c'est la lutte contre la souffrance qui lui procure le plus de satisfaction.....le patient se détend,le calme se répand, la boule de feu se résorbe, un sourire s'épanouit alors sur ses lèvres...."
Pour Drik qui analyse sa profession :"Nous, les psys, nous sommes des diseurs d'histoires et notre meilleure histoire est celle que nous assénons aux oreilles du patient. C'est l'histoire sur laquelle nous nous mettons d'accord en cours d'analyse, celle qui deviendra la vérité vers laquelle convergeront toutes nos émotions et toutes nos fantaisies."
"Celle qui permet l'apaisement, et une structuration des pensées du patient sur l'image qu'il se fait de lui même, et alors, nous pouvons préparer la phase d'adieu. Je tourne autour du pot en philosophant sur ma profession."....
Cet ouvrage interroge et nous porte à réfléchir à propos de l'éthique et du rôle de deux corps médicaux face à la douleur.
Il ne m'a pas été facile d' écrire sur ces sujets austères, c'est la première de couverture , un majestueux cygne endormi, la tête dans les plumes qui m'avait attirée......