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Citations sur Le perdant radical : Essai sur les hommes de la terreur (9)

On est conduit à penser que ce que voulaient profondément Hitler et ses fidèles, c'était moins la victoire que la radicalisation et la perpétuation de leur statut de perdants. Certes, la rage accumulée s'est déchaînée dans une guerre d'extermination sans précédent contre tous ceux qu'ils tenaient pour responsables de leurs propres défaites - il s'agissait d'abord d'anéantir les Juifs et le camp qui avait imposé sa loi en 1919 -, mais ils ne songeaient pas un seul instant à épargner les Allemands. Leur véritable but n'était pas la victoire, mais l'extermination, l'effondrement, le suicide collectif, la fin dans l'effroi. Il n'y a pas d'autre explication au fait qu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale les Allemands ont continué à se battre à Berlin, jusqu’au dernier bâtiment en ruines. Hitler lui-même a confirmé ce diagnostic en affirmant que le peuple allemand ne méritait pas de survivre. Au prix de sacrifices inouïs, il a obtenu ce qu'i voulait : perdre. Mais malgré tout, les Juifs, les Polonais, les Russes, les Allemands et tous les autres sont encore là.
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Le fait que l'énergie destructrice des activistes islamistes se tourne essentiellement, au contraire de ce que semble croire l'Occident, contre les musulmans eux-mêmes n'est donc de ce point de vue ni une erreur tactique ni un "dommage collatéral". Rien qu'en Algérie, leurs actes terroristes ont coûté la vie à au moins 50 000 de leurs concitoyens ; d'autres sources évoquent jusqu'à 150 000 assassinats, auxquels toutefois ont également participé les militaires et les services secrets. En Irak et en Afghanistan aussi, le nombre des victimes musulmanes dépasse largement celui des victimes étrangères. D'ailleurs, la susceptibilité hystérique dont ils font preuve dans leurs rapports au monde extérieur disparaît comme par enchantement lorsqu'il s'agit de conflits internes au monde arabe. Lorsqu'en Irak, au Tchad, au Darfour ou en Afghanistan des musulmans tuent d'autres musulmans, on s'en soucie comme d'une guigne, pas l'ombre d'une fatwa ne se profile à l'horizon. Tout comme l'unité panarabique, la solidarité de l'oumma conjurée dans le Coran se révèle être un pieux mensonge.

Le projet des perdants radicaux consiste, comme en ce moment en Irak ou en Afghanistan, à organiser le suicide de toute une civilisation. Il est peu probable qu'ils réussissent à étendre indéfiniment et à perpétuer leur culte de la mort. Leurs attentats représentent un risque toujours présent en arrière-plan, comme la mort quotidienne sur les routes, à laquelle nous sommes habitués. Il faudra bien qu'une société globalisée, qui dépend de combustibles fossiles et qui produit constamment de nouveaux perdants en prenne son parti.
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En ce qui concerne la liberté politique, les États arabes se retrouvent à la dernière place de toutes les régions du monde, y compris derrière l'Afrique noire. Constat d'échec similaire pour l'économie. Même en tenant compte des énormes revenus du pétrole, les pays arabes arrivent avant-derniers ; il n'y a qu'en Afrique que la situation est pire. Les dépenses de recherche et de développement des États arabes représentent tout juste 0,2% de leur produit national brut, ce qui est sept fois moins que la moyenne mondiale. On est également frappé par un déficit dans le transfert des connaissances. Les livres imprimés dans le monde arabe représentent 0,8% de la production mondiale. Le nombre total de livres traduits à partir d'autres langues depuis le règne du calife Al-Mamoun (813-833), c'est-à-dire au cours des douze derniers siècles, correspond au nombre de traductions d'une seule année en Espagne aujourd'hui. Le rapport relève des blocages similaires concernant la place des femmes dans la société. Là aussi, l'écart avec les autres régions du monde est conséquent ; seuls certains indicateurs de l'Afrique noire sont encore inférieurs à ceux des États de la Ligue arabe ; ainsi, une femme sur deux ne sait ni lire ni écrire.
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Le projet des perdants radicaux consiste comme en ce moment en Irak ou en Afghanistan, à organiser le suicide de toute une civilisation. Il est peu probable qu'ils réussissent à étendre indéfiniment et à perpétuer leur culte de la mort.Leurs attentats représentent un risque toujours présent en arrière-plan, comme la mort quotidienne sur les routes, à laquelle nous nous sommes habitués. Il faudra bien qu'une société globalisée, qui dépend de combustibles fossiles et qui produit constamment de nouveaux perdants, en prenne son parti.
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On remarque également que très peu de terroristes sont issus de milieux fondamentalistes. Cela éclaire le rôle idéologique de la religion. En tant qu'observateur extérieur, on ne peut risquer ici que des hypothèses. De nombreux éléments laissent toutefois supposer que l'attachement religieux des terroristes n'est pas si profond que cela. "Une telle foi chancelante se double toujours de l'exhortation à l'obéissance la plus stricte. Elle ne connaît pas de compromis et se vexe d'un rien. Comme elle n'est pas tout à fait sûre d'elle-même, elle doit s'appuyer sur l'autorité ou le passage à l'acte." (Wolfgang Sofsky, "Mob der Frommen", in Die Welt, 15 février 2006).
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On oublie souvent que le terrorisme moderne est une invention européenne datant du XIXe siècle. Ses ancêtres les plus représentatifs se trouvent dans la Russie tsariste, mais en Europe occidentale aussi, il peut se prévaloir d'une longue tradition. Ces derniers temps, sa principale source d'inspiration a été le terrorisme d'extrême gauche des années 1960 et 1970. Les islamistes lui empruntent de nombreux symboles et de nombreuses techniques. Le style de leurs communiqués, l'utilisation d'enregistrements vidéo, la signification emblématique de la kalachnikov, leurs mimiques, leurs postures et leurs habits même révèlent tout ce qu'ils ont retenu des modèles européens. De plus, les outils techniques du terrorisme, de l'explosif au téléphone satellitaire, de l'avion à la caméra vidéo, ont tous une origine occidentale.
À l'instar de leurs précurseurs européens, les combattants islamistes se rattachent à un nombre très limité d'autorités canoniques. Le Coran remplace Marx, Lénine et Mao, et au lieu de se réclamer de Gramsci, on cite Sayyid Qutb. Ce n'est plus le prolétariat international qui fournit le sujet révolutionnaire, mais l'oumma ; ce n'est plus le Parti qui fait figure d'avant-garde et représentant auto-désigné des masses, mais le réseau clandestin et largement ramifié des combattants islamistes. Si le mouvement islamiste reprend parfois à son compte une rhétorique plus ancienne, qui peut paraître grandiloquente et prétentieuse, il doit nombre de ses idées fixes à l'ennemi communiste : l'histoire est soumise à des lois inébranlables, la victoire est assurée, partout il s'agit de démasquer les dissidents et les traîtres, qu'on couvre, suivant la bonne vieille méthode léniniste, d'insultes rituelles.

La liste des adversaires préférés ne recèle guère plus de surprises : l'Amérique, l'Occident décadent, le capital international, le sionisme. On la complète avec les infidèles, c'est-à-dire les 5,2 milliards d'êtres humains qui restent. À cela s'ajoutent les musulmans considérés comme dissidents, les chiites, ibadites, alevis, yazidis, zaydites, ahmadis, hanafites, druzes, soufis, kharidjites, ismaéliens et autres courants religieux.
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[A propos des nazis ] Le sentiment intolérable d'apparaître comme un perdant ne pouvait être compensé que par une fuite en avant dans la mégalomanie.
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Très peu de collectifs de perdants agissent à l'échelle mondiale jusqu'à présent, même s'ils peuvent déjà s'appuyer sur des flux financiers internationaux et sur des marchands d'armes. En revanche, il y a pléthore de groupes qui privatisent la guerre et dont les leaders sont appelés "commandants" ou "chefs de guerre". Leurs soi-disant milices et factions paramilitaires se parent volontiers du titre d'"organisation de libération" ou d'autres attributs révolutionnaires. Il y a des médias qui les désignent sous le nom de "rebelles", un euphémisme qui devrait les flatter. "Sentier lumineux", MLC, RCD, SPLA, ELA, LTTE, LRA, FNL, IRA, LIT, KACH, DHKP, FSLN, UVF, JKLF, ELN, AUC, FARC, PLF, GSPC, MILF, NPA, PKK, MODEL, JI, CPNML, UDA, GIA, RUF, LVF, SNM, ETA, NLA, FPLP, SPM, LET, ONLF, SSDF, PLJ, JEM, SLA, ANO, SPLMA, RAF, AUM, PGA, ADF, IBDA, ULFA, PLFM, ULFBV, ISYF, LURD, KLO, UPDS, NLFT, ATTF…– "de gauche" ou "de droite", c'est bonnet blanc et blanc bonnet. La plupart de ces factions armées se financent à travers le banditisme, le chantage et le trafic de drogue. Elles se présentent comme des armées, se vantent de former des brigades et des commandos, essaient d'attirer l'attention en rédigeant des communiqués au ton bureaucratique et des revendications ampoulées, et se font passer pour les représentants d'hypothétiques masses. Puisqu'en tant que perdants radicaux ils sont persuadés que leur vie n'a aucune valeur, celle des autres leur est également indifférente ; l'idée que la vie mérite d'être préservée leur est étrangère. Et peu importe qu'il s'agisse de leurs ennemis, de leurs partisans ou de personnes extérieures. Ils enlèvent et tuent de préférence ceux qui essaient de soulager la misère des zones qu'ils terrorisent, ils assassinent sauveteurs et médecins, et brûlent la dernière clinique de la région qui fournissait encore un service médical de base ; car ils ont du mal à distinguer mutilation et auto-mutilation.
En revanche, aucune de ces meutes n'a pu suivre le rythme de la mondialisation. C'est dans la logique des choses, dans la mesure où leur domaine est l'exploitation de conflits nationaux ou ethniques. Or, depuis l'effondrement de l'Union soviétique, même les groupes qui se réclament d'une tradition internationaliste ont perdu le relais de propagande et le soutien logistique que pouvait leur proposer une superpuissance. Sous la pression d'un capitaliste opérant à l'échelle globale, ils ont abandonné leurs fantasmes de conquête du monde et n'ambitionnent plus désormais que défendre les intérêts de leur clientèle locale.
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Au-delà de de l'histoire du concept, l'humanité ne semble jamais avoir envisagé que sa propre existence devait être considérée comme son bien le plus cher. Toutes les religions premières accordaient de la valeur aux sacrifices humains ; plus tard, ce sont les martyrs qu'on vénérait. (Selon la maxime implacable de Blaise Pascal, il ne faut "croire que les témoins qui sont prêts à se faire égorger".) Dans la plupart des cultures, c'est par leur mépris de la mort que les héros s'assuraient la gloire et l'honneur. Jusqu'aux affrontements mécanisés de la Première Guerre mondiale, les élèves des lycées devait apprendre par cœur le célèbre vers d'Horace selon lequel il est doux et honorable de mourir pour la patrie. D'autres affirmaient qu'il était bien moins nécessaire de vivre que de s'engager dans la marine, et même pendant la guerre froide il y eut encore des gens pour s'exclamer : "Plutôt mort que rouge !" Et que dire, en période de paix, des funambules, des sportifs de l'extrême, des pilotes de course, des aventuriers du Grand Nord et des autres candidats au suicide ?
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