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L'une des questions les plus intéressante de l'historiographie africaine contemporaine est celle de la collaboration des africains à ce trafic. Certes il y a toujours eu quelques raids ou razzias conduits par les blancs. Mais, contrairement à ce que l'imagerie populaire a longtemps voulu faire croire, les peuples de la côte disposent de modes d'organisation politique stables et élaborés: ils ne sont pas prêts à tolérer une ingérence étrangère sur leurs territoires. Aussi pour s'approvisionner en esclaves, les européens doivent-ils passer rapidement des accords avec des indigènes. Ceux-ci commencèrent par se débarrasser à bon compte des criminels et des mauvais sujets. Comme la demande se fait plus forte, il faut recourir à la violence. Les chefs africains comprennent vite qu'ils ne peuvent sans risque puiser dans leur propre vivier: l'économie en serait déstabilisée et surtout, leur peuple risquerait de se révolter. Aussi prennent-ils bientôt l'habitude de lancer des raids dans les contrées voisines, atteignant ainsi un triple but: rallier leurs propres sujets par l'appât d'une activité lucrative, affaiblir les peuples voisins, souvent ennemis, et répondre aux besoins des européens. En échanges des esclaves, les acheteurs donnent des produits recherchés, tels que les tissus européens, de armes à feu utiles pour les razzias, mais aussi des miroirs, des bijoux de pacotille et des produits manufacturés, très en vogue en Afrique et dont la possession répond davantage au besoin de paraître qu'à une réelle nécessité. On voit certains marchands accumuler chez-eux de ces richesses, qu'ils exhibent volontiers à l'état neuf. Pour les négriers européens, il s'agit là du poste de dépense le plus important, qui représente jusqu'aux deux tiers de l'investissement total, d'où la rentabilité parfois aléatoire de la traite. D'ailleurs des recherches assez récentes ont montré que les négriers pouvaient obtenir, en moyenne, 10 pour 100 de bénéfice par rapport au capital investi, un rapport comparable à celui d'autres activités économiques. À mesure que les côtes se dépeuplent...et elles se dépeuplent vite, les pilleurs entrent plus profondément à l'intérieur du continent, atteignant la boucle centrale du Niger, l'Afrique centrale et le haut Zaïre. Les guerres cèdent le pas à des razzias pures et simples. Les rabatteurs, chargés de ramener des esclaves sur la côte, organisent de grandes expéditions, au cours desquelles ils enlèvent les voyageurs, attaquent les villages, rafflent les habitants, tuent les vieillards et nourrissons invendables, brûlent maisons et les champs pour ôter à leurs captifs tout espoir de retour. On enlève sensiblement plus d'hommes que de femmes, parce que les marchés d'outre- Atlantique exigent une main-d'oeuvre masculine. En revanche les femmes sont plus demandées par les clients d'Afrique du Nord.
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