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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Sur un ton moqueur, Érasme fait parler la folie et très vite son propos se précise :
Oui je suis la douce-folie pétrie de spontanéité, d'insouciance, de gaité qui mène chaque Homme à la condition qu'il me laisse m'exprimer. Tout me souris car je suis le doux esprit, la source de tous ses progrès, de tout ce qui l'élève et le différencie des autres animaux.
Mais comme dans l'univers tout est équilibre, s'il y a la douce-folie il y a aussi et malheureusement, la démence.
La démence, une sorte de douce-folie dénaturée, orgueilleuse qui habite ces messieurs de si grande importance qui ne sont que de dangereux fous-furieux ; des fous de prétention, de pouvoir, de fanatisme, de savoir et de ce qu'ils croient être la sagesse.

Ce que nous pouvons comprendre à travers les propos d'Érasme qui passe allègrement de la douce-folie à la démence, c'est qu'il ne nous parle que de la même chose. En parodiant quelque peu Montaigne, je dirais qu'entre le douce-folie et la démence, il n'y a pas de différence de nature mais une différence de degré.
La folie habite chaque homme, elle lui est intimement liée, je me demande même si elle ne fait pas partie intégrante de sa nature.

Si au XVIème siècle d'Érasme la démence modelait l'esprit des philosophes, des médecins, des théologiens, des grammairiens, le texte garde toute sa pertinence car on ne peut s'empêcher de l'imaginer dénonçant nos déments contemporains : Personnages souvent publics se gargarisant de leur audience et de la vénération tout aussi démentielle que celle de leurs aficionados. Prétentieux dans l'attente de vénération, dirigeants de tous ordres abusant de leur pouvoir fallacieux sur leurs subordonnés assujettis par la démence sociale et ses formatages

Comme cette façon, finalement dichotomique, de voir la vie me plait et colle bien à la réalité avec les déments et ceux qui les suivent, admirent, encensent et se rendent esclaves ; et les fous doux-dingues qui vivent, avancent, créent, jubilent, tirent l'Homme vers le haut.

Oui, l'insensé produit du sens.

Publié en 1509, rédigé sous forme de très courts chapitres pouvant être déclamés, le texte d'Érasme nécessite un bon bagage classique afin d'apprécier les nombreuses citations et références livresques et mythologiques qui le parsèment.
Mais on peut aussi passer outre.

Incroyablement contemporain et servi par une traduction vivante de Claude Barousse, sans notes de lecture autres que le strict nécessaire, il en demeure un livre plaisant qui sous des aspects légers a « dégommé » et « dégomme » toujours pas mal de vérités établies.
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Lorsqu'Érasme alias Desiderius Erasmus Roterdamus campe pour se distraire le rôle de la folie, on obtient ce bel Éloge de la folie (1509). Moria pour les Grecs ou Stultitia pour les Latins (cf. p.7), cette entité déifiée par l'auteur rivalise sans complexes avec les Dieux de l'Olympe. Espiègle et même moqueuse, la folie est bien consciente que sans elle, le monde serait d'une morosité à toute épreuve. Partout où la raison n'est pas, nous affirme Érasme, sévit la folie. D'ailleurs, n'est-il pas vrai que tout ce qui touche à l'irrationnel relève de son emprise ? Fantaisie, frivolité, rire, euphorie, tels sont les attributs majeurs que lui reconnait volontiers Érasme et qui compensent largement ses aspects moins luisants tels la démence ou la démesure. Parce qu'il n'y a pas de folie sans hommes et pas d'humanité sans folie, cet éloge qui tire en réalité plus vers la satire que la farce, ne manque pas de piquant. Sujets privilégiés de la Moria, les femmes, les vieillards et les enfants ont ainsi les faveurs de la déesse même si celle-ci se rend accessible à tous dans son immense générosité. Gare pourtant à ceux qui la dénient ou la raillent car son pouvoir est étendu pour ne pas dire omniprésent. Que ceux qui en doutent encore se souviennent de cette maxime de Cicéron (en 4e de couverture) : "La terre est pleine de fous"...

Qu'on ne s'y trompe pas : en dépit de son ton badin, cet éloge dresse entre autres, une joyeuse et acerbe caricature des théologiens, religieux, orateurs ou autres grammairiens qui se refusent à la dérision. Selon l'auteur, user de sa raison ou mimer la sagesse pour rester sain d'esprit est vain. Connu pour ses textes satiriques, l'auteur écorne méchamment au passage toutes les couches de la société. S'appuyant sur la personnification de la folie, Érasme, à force d'user de la langue de bois, s'égare parfois et ses digressions finissent par dissimuler maladroitement l'intention première du texte. le ton change en effet au fur et à mesure que le discours avance et si le texte me semblait au premier abord loin du pamphlet, il en prend toutes les allures en seconde partie. Fondant son argumentaire sur de grands auteurs antiques comme Homère, Cicéron, Horace et bien d'autres, Érasme fait une apologie sans concessions de la folie ("S'il est un seul endroit sur la terre où je n'eusse point d'adorateurs, c'est que cet endroit ne serait point habité par des hommes." p.99). Sans pour autant adhérer complètement à ses théories (exemples et démonstrations parfois capillotractées et vision trop manichéenne), je conviendrai toutefois que l'humanisme d'Érasme est très louable. Et si le ton mais aussi le contenu du texte m'ont quelquefois surpris, je me dis que si l'on pense que le texte a été rédigé au début du 16e siècle, on ne peut qu'applaudir l'ouverture d'esprit et les éclairs de lucidité dont fait preuve Desiderius. Cette satire n'est-elle d'ailleurs pas encore très actuelle ? Sympathique découverte donc, servie dans une belle édition (Le Castor Astral), richement illustrée par les dessins ciselés de Hans Holbein (1523) et brillamment préfacée par Rufus sous la forme d'un truculent dialogue fictif entre Érasme et Vasco de Gama...

Sinon, pour le plaisir des yeux, rendez-vous sur la page dédiée aux dessins de Hans Holbein sur le site Spirit of the ages. L'éloge de la folie en comporte 205 !!!
Lien : http://embuscades-alcapone.b..
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Sous couvert d'un éloge allégoriquement narré par la Folie même, Erasme se plaît à dresser un tableau peu reluisant d'une humanité orgueilleuse et arrogante. Ce qui est surprenant, c'est qu'il nous prouve que rien n'a foncièrement changé au XXIe siècle ! La folie gouverne toujours aussi bien les hommes. Par folie, Erasme entend plus que ce que l'on croit. Les personnes dites déréglées mentalement ne couvrent en effet qu'une très minime partie de l'humanité. le terme englobe donc toutes les personnes qui agissent couramment sans faire appel à leur raison. Ceux qui se laissent guider par les sens, les pulsions, et les instincts. Il se trouve alors bien peu de personnes qui peuvent se targuer de ne pas faire partie de cet ensemble. Ce que l'on remarque surtout, c'est que les gens d'église y figurent en grand nombre et qu'Erasme leur fait une place de choix. On comprend pourquoi, au récit accablant du vénérable clergé catholique de l'époque, la Réforme menées par Luther a eu autant de succès. Mais Erasme n'en égratigne pas moins les réformés, qui usent des mêmes procédés et se laissent, eux aussi, gouverner par leur corps plutôt que par leur tête.
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Quand la folie se met à parler des humains, elle a beaucoup de choses à dire, et personne n'est épargné, pas même ceux qui se croient les plus savants, ces théologiens d'antan qui détenaient l'interprétation unique de la vérité divine ou ces spécialistes tous azimuts d'aujourd'hui qui nous bassinent de leurs discours creux. Ce qui est donc intéressant dans ce petit livre qui cherche à ne pas se prendre au sérieux, c'est la peinture des travers d'une société, celle De La Renaissance, en crise et en transition, comme la nôtre. Si bien souvent les pointes sont émoussées par la disparition de leurs cibles, on se prend à rêver d'un nouvel éloge de la folie, qui montrerait les ridicules de notre temps, mais le livre prendrait sans doute des dimensions beaucoup trop importantes. La folie est humaine, elle est le propre de l'homme depuis toujours, et elle donne vie à l'existence, en l'embellissant, en cachant la merde sous le tapis, en donnant de l'importance à ce qui n'en a pas mais qui encombre notre quotidien. La folie est plus nécessaire que la sagesse, dit Erasme. Soyons donc fou, et croyons-le.
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Il faut bien évidemment lire l' « Eloge de la folie » comme une satire volontairement outrancière et provocatrice destinée à provoquer un électrochoc dans les moeurs de son époque.

Qualifié de philosophe humaniste, Erasme était en réalité lui même un prêtre théologien et un fin connaisseur des philosophes antiques qu'il avait beaucoup étudiés.

Rejetant en apparence toute sophistication théorique, tout artifice philosophique ou théologique, Erasme prône donc un retour à une vie plus simple fondée sur les plaisirs de la nature (avec leurs excès) tout en se référant aux textes des Evangiles, qu'il juge plus en accord avec la nature humaine.

Même si j'ai beaucoup apprécié le style brillant, agréable, fluide et souvent très drôle d'Erasme, il m'a été difficile de voir tournés en ridicule Platon, Aristote et Sénèque, philosophes que j'admire beaucoup.

Le livre d'Erasme repose donc la question fondamentale de savoir si l'homme doit se laisser gouverner par la folie de ses passions ou par ses capacités intellectuelles qui le poussent à la réflexion et à la sagesse.

Être corporel mais néanmoins pensant et capable d'abstraction, l'homme ne peut pour moi se soustraire à aucune de ces deux influences.
Lien : https://lediscoursdharnois.b..
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Vive les théologiens... ou pas. Intéressante lecture, même si je manque cruellement de culture littéraire classique et de culture religieuse chrétienne pour bien appréhender ce livre. Rhétorique sérieuse qui m'a plu davantage dans la lettre de réponse aux critiques de Dorpius, que dans l'éloge lui-même.
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Lecture complexe, bourrée de références que je ne pouvais pas toutes saisir (malgré les pieds de pages conséquents) qui ont alourdies ma lecture. Cependant, j'en ai tout de même retenu qu'Erasme a pris des risques incroyables afin de publier cet ouvrage, passant pour un hérétiques aux yeux de ses paires, tout ça pour nous dire simplement qu'il faut vivre avec un peu d'humour et de légèreté ! Il y a, certes une critique de la société, mais Erasme rappelle au lecteur que malgré tous les défauts de n'importe quelle tranche de la population (il passe tout de même tout le monde au peigne fin !) il vaut mieux ne pas trop se prendre au sérieux. Bref, pour reprendre ses mots: "pète un coup, frère, la vie, c'est fun!"
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Érasme a intitulé l'un de ses colloques :

Les pis qu'ont rien
Les Picon-bières
L'Epicurien
Les pis curieux
Et puis plus rien !
Le pis vaut rien

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