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EAN : SIE79786_722
Hachette (30/11/-1)
4.08/5   6 notes
Résumé :
Le. Blocus, c'est le récit du siège de Phalsbourg par les Alliés en 1814. Il relate les scènes dont la petite ville lorraine fut le théâtre, , le pittoresque tragique de la rue ou des remparts, les ravages du bombardement, les souffrances héroïquement acceptées de la population.
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– Puisque tu veux connaître le blocus de Phalsbourg en 1814, me dit le père Moïse, de la rue des Juifs, je vais tout te raconter en détail.
Je demeurais alors dans la petite maison qui fait le coin à droite de la halle ; j’avais mon commerce de fer à la livre, en bas sous la voûte, et je restais au-dessus avec ma femme Sorlé et mon petit Sâfel, l’enfant de ma vieillesse.
Mes deux autres garçons, Itzig et Frômel, étaient déjà partis pour l’Amérique, et ma fille Zeffen était mariée avec Baruch, le marchand de cuir, à Saverne.
Outre mon commerce de fer, je trafiquais aussi de vieux souliers, du vieux linge, et de tous ces vieux habits que les conscrits vendent en arrivant à leur dépôt, lorsqu’ils reçoivent des effets militaires. Les marchands ambulants me rachetaient les vieilles chemises pour en faire du papier, et le reste, je le vendais aux paysans.
Ce commerce allait très bien, parce que des milliers de conscrits passaient à Phalsbourg de semaine en semaine, et de mois en mois. On les toisait tout de suite à la mairie, on les habillait, et puis on les faisait filer sur Mayence, sur Strasbourg ou bien ailleurs.
Cela dura longtemps ; mais, vers la fin, on était las de la guerre, surtout après la campagne de Russie et le grand recrutement de 1813.
Tu penses bien, Fritz, que je n’avais pas attendu si longtemps pour mettre mes deux garçons hors de la griffe des recruteurs. C’étaient deux enfants qui ne manquaient pas de bon sens ; à douze ans, leurs idées étaient déjà très claires, et, plutôt que d’aller se battre pour le roi de Prusse, ils se seraient sauvés jusqu’au bout du monde.
Le soir, quand nous étions réunis à souper autour de la lampe à sept becs, leur mère disait quelquefois en se couvrant la figure :
– Mes pauvres enfants !… mes pauvres enfants !… Quand je pense que l’âge approche où vous irez au milieu des coups de fusil et des coups de baïonnette, parmi les éclairs et les tonnerres !… Ah ! mon Dieu !… quel malheur !…
Et je voyais qu’ils devenaient tout pâles. Je riais en moi-même… Je pensais :
« Vous n’êtes pas des imbéciles… Vous tenez à votre vie… C’est bien !… »
Si j’avais eu des enfants capables de se faire soldats, j’en serais mort de chagrin ; je me serais dit :
« Ceux-ci ne sont pas de ma race !… »
Mais ces enfants grandissaient en force, en beauté. À quinze ans, Itzig faisait déjà de bonnes affaires ;il achetait du bétail pour son compte dans les villages, et le revendait au boucher Borich, de Mittelbronn, avec bénéfice ; et Frômel ne restait pas en arrière, c’est lui qui savait le mieux revendre la vieille marchandise que nous avions entassée dans trois baraques, sous la halle.

J’aurais bien voulu conserver ces garçons près de moi. C’était mon bonheur de les voir avec mon petit Sâfel, – la tête crépue et les yeux vifs comme un véritable écureuil, – oui, c’était ma joie ! Souvent je les serrais dans mes bras sans rien dire, et même ils s’en étonnaient, je leur faisais peur ;mais des idées terribles me passaient par l’esprit, après 1812. Je savais qu’en revenant à Paris, l’Empereur demandait chaque fois quatre cent millions et deux ou trois cent mille hommes, et je médisais :
« Cette fois, il faudra que tout marche…jusqu’aux enfants de dix-sept et dix-huit ans ! »
Comme les nouvelles devenaient toujours plus mauvaises, un soir je leur dis :
– Écoutez !… vous savez tous les deux le commerce et ce que vous ne savez pas encore, vous l’apprendrez. Maintenant, si vous voulez attendre quelques mois, vous tirerez à la conscription, et vous perdrez comme tous les autres ; on vous mènera sur la place ; on vous montrera la manière de charger un fusil, et puis vous partirez, et je n’aurai plus de vos nouvelles !
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Pendant le déjeuner, je dis à ma femme :
– Tout a bien été ! Nous allons être enfermés quelque temps, jusqu’à ce que l’Empereur ait remporté la victoire ; mais on ne tirera plus sur nous, on se contentera de nous bloquer ; le pain, le vin, la viande, les eaux-de-vie deviendront plus chers. C’est le bon moment pour nous de vendre ; autrement il pourrait nous arriver comme à ceux de Samarie, lorsque Ben-Haddad assiégeait leur ville : il y eut une grande famine, la tête d’un âne se vendait jusqu’à quatre-vingts pièces d’argent, et la quatrième partie d’un kad de fiente de pigeon, cinq pièces. C’était un bon prix ; malgré cela les marchands attendaient encore, lorsqu’un grand bruit de chariots, de chevaux et d’armée venu du ciel fit sauver les Syriens avec Ben-Haddad ; et le peuple ayant pillé leur camp, le sac de fine farine ne valut plus qu’un sicle, et les deux sacs d’orge un sicle. Tâchons donc de vendre quand les choses ont un prix raisonnable ; il faut s’y prendre de bonne heure.
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La gloire des uns est aussi grande que celle des autres. Voilà pourquoi, quand on parle d'Austerlitz, d'Iéna, de Wagram, il n'est pas question de Jean-Claude ou de Jean-Nicolas mais de Napoléon seul ; lui seul risquait tout, les autres ne risquaient que d'être tués.
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Étant donc montés sur le talus, nous vîmes d’où venait l’attention de ce monde. Tous les ennemis, Autrichiens, Bavarois, Wurtembergeois, Russes, cavalerie et infanterie, mêlés ensemble, se répandait autour de leurs retranchements comme des fourmilières, s’embrassant, se serrant la main, levant les shakos au bout des baïonnettes, agitant des branches d’arbres, qui commençaient à verdir.
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Le lendemain, la nouvelle de l’entrée des alliés à Paris était affichée aux portes de l’église et aux piliers de la halle. On n’a jamais su par qui. Dans ce temps on parla de M. de la Vablerie et de trois ou quatre autres émigrés, capables d’avoir fait le coup, mais rien n’était certain.
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