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Critique de Horsdutemps


J'achève ce week-end dans un état d'extase incomparable... Une étreinte fougueuse? Une lecture réjouissante? Un chouette ciné?

Ben non, j'ai aspiré. Pas de la coke. de la poussière. Des poils (les miens, ceux de mon chat... pas sûr que les siens gagnent en nombre). Des saletés.

Je suis amoureuse de mon aspirateur. Pour expliquer un peu mon état, il faut savoir que suis dans une phase très bizarre de complusion ménagère. Vous vous dites que c'est toujours mieux que les compulsions alimentaires mais, comme pour les poils, c'est pas bien sûr.

Ca a commencé mollo avec l'achat d'un balai à serpiller où il n'y a plus à essorer la serpillère mais juste à pousser sur le bras du balai qui se plie en deux et essore tout seul la lavette . Incroyable. J'adore. Ca m'a comblée une semaine.

Et puis l'excitation est retombée. J'ai commencé à loucher sur les aspirateurs. Extase : un Silent Force Rowenta .SILENT FORCE, ce qui veut dire que si je le mets au minimum, je dois m'assurer qu'il est en marche et si je le mets au maximum, je peux écouter la radio en aspirant. Ca veut surtout dire que je peux le passer à des heures indues : le matin à 7 heures, le soir à 23 heures. En plus d'être Silent Force, il est tellement puissant qu'il a délatté mon parquet. Je l'aime. J'avoue qu'il m'est arrivé de renverser des trucs exprès pour pouvoir le sortir...

Vous savez ce que c'est la drogue... Il en faut toujours plus... du coup, je me suis penchée sur le cas de ma machine à laver... 18 ans d'âge, carcasse rouillée, un côté dessoudé, plus de fond. Bonne pour la casse... J'ai acheté une "FAURE faite dans le Vercors". Je l'ai attendue une semaine... Lorsque le jour de livraison est arrivé, je ne tenais plus en place. Les livreurs ont procédé à l'échange. Ils ont poussé la vieille et mis la jeune à la place (Le monde des machines à laver est très similaire au notre). C'est quand ils ont incliné la vieille pour la faire passer sur le palier que j'ai résolu le mystère de la chaussette manquante. Sauf que dans mon cas, c'était pas des chaussettes mais des strings. Des vieux. Ceux qu'on ne prend même pas la peine de mettre dans le petit filet protecteur. Ma machine s'est mise à vomir des strings. J'en ai ramassé trois pendant que les vendeurs, qui faisaient semblant d'être gênés, regardaient ailleurs. le pire, car il y a pire, c'est que certains étaient coincés en dessous, j'ai dû me mettre à quatre pattes sur le palier (bien-sûr, c'était jour de ménage et l'employé de ménage a fait sa pause syndicale en me regardant) et tirer sur ceux qui étaient coincés en dessous.

Je fais donc désormais partie des anecdotes qu'on raconte aux apéros entre livreurs : "Tu te souviens la nana en pyjama qu'a été obligée de récupérer ses strings sous la machine?" (je précise que ce n'était pas un pyjama mais un survêt pyjama très classe, très sobre, en pilou gris à peine déformé) (il est loin le temps où je m'habillais pour recevoir les gens de l'extérieur)(le temps où je me maquillais, c'est genre la préhistoire.)

Bref, deux choses à retenir, primo, les vieilles machines ont une âme et vous font payer l'abandon, deuxio, les strings et chaussettes disparaissent entre le tambour et la carcasse de la machine (merci Stokholm de m'attribuer le Nobel de sciences 2011).

Tout ça, ça a gâché l'effet recherché par l'achat. du coup, la semaine suivante, qui était la semaine dernière, je me suis souvenue de Kévin (le prénom n'a pas été modifié). Kévin m'avait appelée en novembre pour me vendre une porte. Il s'était fait jeter en beauté. Je l'ai rappelé, je lui ai dit "Kevin, laisse tomber la porte, ramène-toi avec des fenêtres". Il est arrivé ventre à terre avec tout son attirail de VRP, m'a sorti le grand jeu ("Je vais te les prendre tes fenêtres, Kévin, épargne moi toutes tes conneries de VRP".) et la grande facture.

Donc voilà, j'en suis là... Un trousseau électroménager flambant neuf et pas un seul mari potentiel à l'horizon, presque propriétaire de fenêtres isolantes en thermique et en phonique ("70 Décibel, Madame Bouboule, 70!")(Ouais, Kévin, est-ce vraiment une bonne nouvelle ? ça va juste me couper un peu plus du monde...). Endettée pour huit ans et déjà désoeuvrée, déjà en quête.

Et pourquoi j'en suis venue à vous parler de ça? Je refais le chemin à l'envers. C'est l'obsession de Faye Travers pour un tambour qui m'a fait penser qu'on pourrait écrire un roman sur moi, parce que moi aussi j'ai été un peu obsédée par mon tambour de machine à laver (c'est fou, le cheminement de la pensée quand on y réfléchit, mais peut-être que je réfléchis trop).

Bon ok, l'héroïne de Louise Erdrich n'est obsédée ni par le tambour de sa machine à laver ni par un vulgaire tambour de la fête à Neuneu.

Elle, elle donne dans le tambour porteur de l'histoire du peuple indien. Dans le tambour magique qui crée le lien entre les vivants et les morts. C'est un peu plus classe, mais à peine.

Ce livre. Une révélation. Faye, l'obsédée du tambour, a une entreprise singulière, elle procède aux inventaires des maisons de défunts dans le cadre de successions, fait le tri, propose la vente ce qu'il y a à vendre. C'est à cette occasion qu'elle découvre un tambour qui produit sur elle un attrait tel qu'elle le rapporte chez elle. le tambour lui parle, influe sur ses rêves... Elle sait qu'elle a fait une découverte extraordinaire et décide d'en savoir plus sur l'histoire de ce tambour.

Et nous remontons le fil des récits pour arriver à l'origine de ce tambour.

Je ne trouverais pas les mots. le seul qui me vienne est "puissant". La prose d'Erdrich est puissante et l'intrique est puissante. le résultat est bouleversant.

La partie concernant Faye, m'a fait pensé à "Best Love Rosie", l'art de mêler le quotidien et les réflexions plus profondes sur la filiation, le destin, l'amour, la solitude. le mélange de poésie, de modernité et d'humour. Les pépites. Les passages de pure poésie, ces passages que l'on relit plusieurs fois pour s'en imprégner. Ceux sur sa soeur, son père, l'amour...

La partie concernant l'histoire du tambour est différente mais tout aussi puissante. La voix narrative change, l'intrigue est forte, on suit réellement une histoire. Et quelle histoire... Elle m'a vidée émotionnellement, sa lecture m'a réjouie et éprouvée ("le châle"). La question de la transmission est également présente. Et tous ces trucs indiens, c'est tellement nouveau pour moi que je suis émerveillée : les loups, la nature...

Il y a donc dans ce livre tout ce que j'attends de la littérature. Je me suis souvent arrêtée dans ma lecture pour relire certains passages et essayer de comprendre le "comment". Louise Erdrich fait partie des auteurs dont je me demande comment ils font, comment ils font pour écrire aussi bien. Est-ce un don ? D'où ça vient? C'est du travail, beaucoup de travail mais à la base, il y a bien quelque chose. Ce paragraphe est très con, j'en ai conscience mais c'est une question que je me pose réellement. Ce souffle, d'où vient-il ? Cette imagination (même si ici, l'auteur s'est inspirée dun mythe Ojibwe), c'est quand même fabuleux quand on y pense. Je suis en admiration totale. Et heureuse parce qu'il y en a plein d'autres à lire.


Lien : http://horsdutemps.hautetfor..
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