Qui a envie de s'intéresser à sa mort ?
Qui a envie de penser à ses derniers moments ?
Personne. Si ce n'est une démarche volontaire ou si la santé affecte à ce point le corps que l'être se sent « en partance » et attise la peur de la grande faucheuse.
Et pourtant, c'est notre lot à tous de passer de vie à trépas.
A l'hôpital Timone de Marseille, service d'oncologie et de soins palliatifs, il existe une équipe pluridisciplinaire formée spécialement pour faciliter ce passage vers l'inconnu. Sans obligation aucune, sans a priori philosophique, sans forcer les croyances ou démonter les certitudes, pour que le patient puisse faire part de ses ressentis, de ses craintes, de ses interrogations, de son refus de poursuivre un traitement qui retarde quelque peu l'échéance et qui ne soulage plus.
Ce livre est écrit par le psychologue et la sophrologue qui ont créé l'Unité de Soins et de Recherche sur l'Esprit (USRE) et accompagnent les patients en fin de vie ou qui suivent un long traitement de chimiothérapie, contraignant, douloureux et qui ne sert souvent qu'à prolonger la vie. Avec comme priorité absolue le bien-être du patient et de sa famille.
Leur longue expérience de l'approche de la mort, les témoignages recensés, les nombreuses lectures décrivant la sortie du corps, le passage dans une sorte de tunnel qui s'ouvre sur une lumière blanche et accueillante, la sensation de bien-être absolu de ces personnes revenues « de loin », permettent à
Eric Dudoit et
Eliane Lheureux d'accompagner les malades en leur proposant des temps de paroles, notamment après la vision du film « Faux départ » de Sonia Barkallah, des massages relaxants, un apprentissage à la méditation ou un renforcement de cette pratique spirituelle qu'il faut entendre comme une ouverture de conscience et non comme une sorte de religion. Ils utilisent aussi les mythes qui fondent notre culture occidentale et qui ont été créés pour aider l'Homme à mieux vivre en comprenant son humanité, c'est-à-dire en contactant le divin en chacun.
La première partie du livre ouvre sur quelques cas cliniques : diagnostic médical de l'oncologue ou du chirurgien, traitement suivi, évaluation de la durée de vie, entretien avec le psychologue, puis avec la sophrologue et rapport de chacun.
La deuxième partie parle essentiellement de la démarche humaine faite par les auteurs face au vide psychologique que rencontrent souvent les malades hospitalisés, lourdement médicalisés, qui savent que la clinique est leur dernière demeure. Les auteurs traitent le sujet de la fin de la vie avec pudeur, réserve et questionnement infini (plus de questions que de réponses). Ils s'efforcent de repenser le concept du « bien mourir » au XXIe siècle.
Ils se rendent compte « comme il est difficile [pour un médecin], après neuf ou douze ans d'université et l'écriture d'une thèse, de se rendre compte que parfois un rebouteux ou un medium est plus utile que tant de concepts appris… » (p. 123). Bien entendu, ils ne se prennent ni pour des rebouteux ni pour des mediums, ni pour des « connaissants » mais, bien au contraire, pour des personnes qui cherchent, qui s'interrogent sur les méandres de la psyché, sur la meilleure manière d'apporter un tant soit peu d'apaisement aux malades, mais aussi sur des soucis beaucoup plus pratiques d'acceptation de leurs méthodes par les médecins, de la reconnaissance de leur travail et avant tout de l‘utilité de trouver autant de temps et d'énergie vis-à-vis de mourants en puissance.
Tout le respect, la simplicité et la confiance dans l'homme qu'ont les auteurs, laisse néanmoins entrevoir les difficultés qu'ils peuvent rencontrer dans la clinique, notamment en ce qui concerne une sorte de concurrence face à la toute-puissance de la médecine ancrée dans ses traditions et ses statistiques. Un grand pas en avant est réalisé par la clinique de la Timone en acceptant de joindre à ses services des soins alternatifs qui aident à l'éveil de la conscience de l'ici et maintenant. « le travail élaboré en confiance permet de se laisser guider par l'intention de l'instant sans stratégie préméditée, sans peur de perdre un pouvoir quelconque ou vouloir acquérir une notoriété aux dépens de ses collègues » (p. 61).
Livre dur par son sujet bien sûr, mais empreint de belle humanité, qui privilégie une approche douce et plus sereine vers cet autre monde dont nous ne savons rien.
Mille mercis à Colimasson d'avoir attiré mon attention sur le travail d'
Eric Dudoit et
Eliane Lheureux auxquels j'adresse mes souhaits les plus vibrants de bonne et saine continuation au sein de l'équipe de la Timone. A Bruxelles, il existe de telles équipes multidisciplinaires mais c'est la première lecture que je fais par des praticiens au quotidien.
A recommander au même titre que ceux de
Raymond Moody et d'
Elisabeth Kübler-Ross. Afin que les témoignages de délocalisation de la conscience de millions de personnes de par le monde ne soient plus considérés comme des hallucinations dues aux médicaments ou à une imagination par trop débordante.