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EAN : 9782070407163
115 pages
Gallimard (02/02/1999)
3.78/5   260 notes
Résumé :
Ma mère a été atteinte de la maladie d'Alzheimer au début des années 80 et placée dans une maison de retraite. Quand je revenais de mes visites, il fallait que j'écrive sur elle, son corps, ses paroles, le lieu où elle se trouvait. Je ne savais pas que ce journal me conduirait vers sa mort, en 86.
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Critiques, Analyses et Avis (36) Voir plus Ajouter une critique
3,78

sur 260 notes
« Je ne suis pas sortie de ma nuit » est la dernière phrase que ma mère a écrite. »

Annie Ernaux dévoile ici les mots qu'elle a écrit entre 1983 et 1986, année de la perte de sa mère. Journal d'une dissolution dans l'oubli d'Alzheimer. Journal de la perte à petit feu d'une mère. Journal d'une destruction terrible.

Je me remets à lire Annie Ernaux. Je l'ai lu, beaucoup, il y a des années de cela. Une petite éternité. Hier. Elle m'a manqué. Je la retrouve. Par bribes, et dans le désordre, je veux la relire, (re)découvrir ses écrits. Ses mots de femme. Libre et honnête, avec elle-même, avec les autres. Aves ses mots.

Annie Ernaux est une plume qui écrit juste. Et Dieu qu'elle me touche. Elle effleure ces choses insondables qui nous constituent. Elle a de la magie au bout de la plume et une infinie classe, une magnifique pudeur en racontant tout. Une délicatesse qui va droit au but, sans fard. Sans trompettes. Avec tambour.

Annie Ernaux écrit l'autobiographique avec la fulgurance d'une grande romancière. Avec la vérité toute crue parfois difficile à lire. Elle décrit le trivial, le difficile et le bouleversant. Une finesse brute. Brutale parfois.

Elle raconte les derniers jours de cette mère. le pathétique. le douloureux. L'irracontable. le réel. Elle raconte le chemin de la maladie, puis la perte. Elle écrit comme on dit vrai. Comme on confesse. Elle incendie l'intime, elle gêne le lecteur. Mais ne ment pas.

Elle raconte ses douleurs comme des batailles perdues au quotidien devant celle qui lui a donné la vie. La honte, les remords, la gêne et l'insoutenable.

Annie Ernaux écrit l'amour. Puissant et dévastateur pour cette mère qui s'enfuit déjà.

Annie Ernaux écrit. La vie.

Je relis Annie Ernaux. Et...

« Les larmes me viennent. C'est à cause du temps. »
Lien : https://labibliothequedejuju..
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Beaucoup de bons retours et de très bonnes critiques, et en dépit du titre ( aucun mauvais jeu de mots ), j'ai consacré la fin de ma soirée à la lecture de ce livre.
Je ne connais pas les chiffres, mais il n'est pas difficile de déduire de par nos lectures, de par ce qu'en rapportent les médias, des témoignages d'amis ou d'amis d'amis, notre ou nos expériences personnelles que cette cochonnerie de maladie n'est ignorée de personne.
Mes défunts père, tante maternelle et oncle paternel, sont entrés un jour dans cette nuit dont ils ne sont jamais sortis.
Un sujet que je connais bien, hélas !...
Que pouvais-je donc attendre des trois ans vécus par Annie Ernaux auprès de sa mère frappée par un mal qui m'est devenu familier ?
Rien en fait, si ce n'est la confirmation que les mêmes causes produisent les mêmes effets.
Sur les malades.
Sur leur entourage proche.
Sur les structures qui les "accueillent" et sur les "aidants" dont quelques-uns s'efforcent, et dont beaucoup d'autres sont dépassés.
Une heure à lire ces notes prises après chaque visite pendant trois ans.
Du tripal, de l'émotion brute ( non travaillée, non cérébralisée, non travestie )... livrée comme nous le sommes tous à " la grande conjoncture pathétique ..."
Rien donc de "littéraire" dans ce petit bouquin, juste le besoin de mettre des mots sur l'incompréhensible qui s'impose... et comme le dit Ernaux : " Quand j'écris toutes ces choses, j'écris le plus vite possible ( comme si c'était mal ), et sans penser aux mots que j'emploie."
Ceux qui veulent avoir une "approche" de ce qu'est cette maladie, de ce qu'elle génère, de ce qu'elle emporte... c'est un témoignage.
Ceux qui ont eu affaire dans leur vie à cet affreux mot : Alzheimer... ils n'apprendront rien de plus qu'ils ne savent déjà.
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Etrange chose que ce livre, où Annie Ernaux raconte la longue détérioration des fonctions cognitives de sa mère, atteinte de la maladie d'Alzheimer dès 1983. Pour ce faire, elle se base sur les notes qu'elle prenait à l'époque pour consigner l'évolution de la maladie, et elle les retranscrit ici sans filtre.
C'est donc un texte brut, plein d'une douleur rentrée : "Eviter, en écrivant de me laisser aller à l'émotion", preuve qu'on est bien chez Ernaux. Un texte violent également : "Elle est ma vieillesse, et je sens en moi menacer la dégradation de son corps", et c'est ce que je me dis aussi parfois en regardant ma grand-mère (mais en espérant, si j'atteins un jour son âge, lui ressembler tant elle est belle). Un texte court, qui choque, claque et dérange, mais n'est jamais impudique car ce n'est pas Annie Ernaux que nous observons, mais nous-mêmes, avec nos peurs, nos révoltes, notre impréparation et notre impuissance.
Ce n'est donc pas la lecture la plus gaie de l'année, mais étrangement, elle fait se sentir moins seul face à la vieillesse, la maladie et la mort en rappelant leur universalité. Et sur un plan plus concret, elle permet d'apprécier le progrès que représentent les EHPAD (même si tout n'y est pas parfait), par rapport aux anciens services de gériatrie hospitaliers et malgré le professionnalisme du personnel soignant.
Carpe diem, quand même.
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Finissant un déménagement... en réinstallant ma bibliothèque... je revisite mes auteurs de prédilection dont fait partie Annie Ernaux. Je relis, les passages soulignés, retenus à ma première lecture. Cela fait une drôle d'impression. Des passages interpellent toujours aussi intensément, d'autres non retenus nous sautent au visage, en ne comprenant pas pourquoi, on ne les avait pas retenus à l'époque...

Ce journal des visites à sa maman, vieillissante, atteinte de la maladie d'Alzheimer est un écrit poignant, bouleversant, tellement l'interrogation est universelle: la panique de voir nos proches "fondateurs" s'affaiblir, vieillir et surtout disparaître à jamais. Annie Ernaux utilise ce qu'elle connaît de mieux: l'écriture, pour conjurer la future absence, la maladie, la peur de devoir concevoir et assumer la mort imminente de la Mère....les souvenirs, leurs complicité, leurs différents, l'énergie de cette mère d'origine modeste, bagarreuse, et fière, fascinée par les études et par l'obsession de ne plus être pauvre et s'élever dans l'échelle sociale, à travers la réussite de sa fille unique.

Ayant monté avec son époux une épicerie-bar... elle n'oubliait pas qu'il existerait un autre monde pour sa fille, lorsqu'elle aurait réussi ses études...
..."-"Acolyte" un mot qu'elle aimait employer en parlant des compagnons de beuverie de certains clients. Montrer qu'elle connaissait des mots difficiles. C'est une femme qui n'a jamais supporté d'être humiliée" (p.46)

L'auteure dit son malaise d'écrire sur sa mère... dans de telles circonstances.

"Fin 85, j'ai entrepris un récit de sa vie, avec culpabilité. J'ai l'impression de me placer dans le temps où elle ne serait plus. Je vivais aussi dans le déchirement d'une écriture où je l'imaginais, jeune, allant vers le monde, et le présent des visites qui me ramenait à l'inexorable dégradation de son état" (p.11)

En dépit des déchirements que peut provoquer l'acte d'écrire en de telles circonstances... cet acte de mémoire reste le meilleur antidote au désespoir, et le plus fabuleux hommage à ceux qu'on aime le plus et que l'on refuse de voir disparaître.
Je finirai sur ce passage du livre, positif et émouvant, où la maman était toute enthousiaste d'annoncer à sa fille, dans son enfance, qu'elle avait de la visite.

Et bien ce livre est une magnifique VISITE à l'image d'une mère dure à la peine, mais combien vaillante , aimante, même si avec beaucoup de maladresse. "Elle disait, heureuse: "Annie! Tu as de la visite!", quand une camarade venait me voir. L'importance de la "visite" pour elle. Preuve d'amour, signe qu'on existe pour les autres" (p.67)


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J'ai choisi de lire ce livre pour trois raisons.
La première, c'est Annie Ernaux elle-même. Cette auteure m'a déjà interpellée longuement lors de mes lectures précédentes. Sans être des coups de coeur, La place, Passion simple, Une femme m'ont marquée profondément par leur finesse, leur simplicité et leur complexité en même temps. Les mots d'Annie Ernaux touchent... au coeur.
La deuxième raison, c'est le titre. "Je ne suis pas sortie de ma nuit"... Ce cri du coeur d'une femme envahie petit à petit par une maladie sournoise qui ôte ce que l'homme a de plus précieux : les mots, la mémoire, les souvenirs, la réflexion...
La troisième raison, c'est le thème de ce livre : le départ d'une maman que l'on a accompagnée depuis longtemps. J'y ai vu un lumineux clin d'oeil à mon histoire personnelle. Ma maman qui s'en est allée il y a un peu moins d'un an, que j'ai accompagnée durant de longues années, faisant mes petits deuils à chaque fois qu'elle perdait une de ses facultés. Inexorablement.
Je ne suis pas sortie de ma nuit... mais je suis entrée dans la lumière.
Telle aurait pu être la suite de l'histoire qu'aurait pu écrire ma maman, tant son départ a été paisible, serein, partagé.

Ce livre, c'est un condensé d'émotions, de petites révoltes et de grands émerveillements. C'est un remerciement pour les moments partagés et un cri douloureux face à l'absence de celle qu'on aime.
C'est le journal intime d'une proche aidante, d'une proche aimante.
C'est un livre simplement... bouleversant.
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Citations et extraits (68) Voir plus Ajouter une citation
Elle est morte. J'ai une peine immense. Depuis ce matin, je pleure. Je ne sais pas ce qui est en train de se passer. Tout est là. Les comptes sont arrêtés, oui. On ne peut pas prévoir la douleur. Ce désir de la voir encore. Ce moment est arrivé sans que je l'aie imaginé, prévu. Je la préférais folle que morte.
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Le plus souvent, je ne pense à rien, je suis auprès d'elle, c'est tout. Il y a pour moi, toujours sa voix. Tout est dans la voix. La mort, c'est l'absence de voix par dessus-tout. (p.80 / Gallimard, collection blanche, 109)
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J’ai partout cherché l’amour de ma mère dans le monde. Ce n’est pas de la littérature ce que j’écris. Je vois la différence avec les livres que j’ai faits, ou plutôt non, car je ne sais pas en faire qui ne soient pas cela, ce désir de sauver, de comprendre, mais sauver d’abord.
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"c'est ma mère, ce n'était plus la femme que j'avais toujours connue au-dessus de ma vie, et pourtant, sous sa figure inhumaine, par sa voix, ses gestes, son rire, c'était ma mère, plus que jamais"
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Nous avons attendu deux heures aux urgences, ma mère couchée sur un brancard. Elle a fait pipi. Un garçon avait voulu se suicider aux barbituriques. Nous sommes entrées dans la pièce des consultations, ma mère a été allongée sur la table. L'interne a relevé sa chemise jusqu'au ventre. Ses cuisses, son sexe blanc, quelques vergetures. D'un seul coup, ce fut comme si c'était moi, exibée ainsi.
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Vidéo de Annie Ernaux
En 2011, Annie Ernaux a fait don au département des Manuscrits de la BnF de tous les brouillons, notes préparatoires et copies corrigées de ses livres publiés depuis "Une femme" (1988). Une décennie et un prix Nobel de littérature plus tard, elle évoque pour "Chroniques", le magazine de la BnF, la relation qu'elle entretient avec les traces de son travail.
Retrouvez le dernier numéro de "Chroniques" en ligne : https://www.bnf.fr/fr/chroniques-le-magazine-de-la-bnf
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