AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782070407156
141 pages
Gallimard (02/02/1999)
3.68/5   796 notes
Résumé :
J'ai toujours eu envie d'écrire des livres dont il me soit ensuite impossible de parler, qui rendent le regard d'autrui insoutenable. Mais quelle honte pourrait m'apporter l'écriture d'un livre qui soit à la hauteur de ce que j'ai éprouvé dans ma douzième année. A.E.
Que lire après La HonteVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (94) Voir plus Ajouter une critique
3,68

sur 796 notes
Honte : « Sentiment pénible excité dans l'âme par la conscience d'une faute commise et la confusion, le trouble qu'on en ressent ».

Premier livre d'Annie Ernaux que je lis et mes impressions sont mitigées, à l'image de cette confusion entre ce que je m'attendais à lire et ce que j'ai lu. L'auteure se souvient d'une drame survenu dans sa maison familiale en juin 1952, j'aurai imaginé que la suite allait tourner dans la honte de cette image mais l'auteure part dans les souvenirs des années cinquante. Elle pointe du doigt les us et coutumes de cette époque sans lien apparent avec le 15 juin 1952. Quelque chose m'échappe et me dérange dans ce récit. Où est la honte d'avoir habité une époque et de la voir évoluer, grandir avec son temps. Il n'y a pas vraiment de jugement, juste une suite de moralité, de bonne conduite, de schéma propre à ces années. Chaque temps a ses avantages et inconvénients. le tout est d'avoir le recul nécessaire pour vivre en accord avec soi-même.

En conclusion, je n'ai pas compris où voulait en venir Annie Ernaux, honte à moi! Quant à la plume, elle m'a plutôt laissée de marbre, je n'ai pu m'attacher au récit ni aux images, une espèce de litanie en arrière sans réel rapport avec la honte telle que je la définis moi personnellement.
Commenter  J’apprécie          10128
Croisée il y a quelques temps à la télé, cette femme détonnait. Envie de lire à quoi ressemblait ce qu'elle écrivait. Mais l'auto-fiction, ce n'est pas vraiment mon truc. Finaud, j'en ai choisi un pas épais, écrit gros.

Et puis ce matin, je la découvre prix Nobel. Alors pour ne pas avoir l'air sot dans les salons de Babelio, j'ai lu La honte. Où elle raconte en détail l'année de ses douze ans, quand elle a découvert à son désavantage les différences sociales.

Déjà, elle est pas gênée celle-là, elle nous raconte sa petite cuisine d'écrivain en train de faire son livre. Ce sont des paragraphes intercalés, mis entre parenthèses. Qu'est-ce que j'm'en fous, moi, j'veux qu'on m'raconte une histoire, pas comment on l'a écrit.

Mais ce n'est pas si bête, finalement, cela nous rapproche de la fillette qu'elle fut en nous rapprochant de sa difficulté à s'en souvenir plus de quarante ans après.
Mine de rien, elle atteint une précision impressionnante, entre les détails factuels et les souvenirs de sentiments qu'ils font remonter. Dans un style sans affect, le plus neutre possible en apparence. Et pourtant, on finit par ressentir les émotions de cette fillette.
Remarquable.

Bon, cela fait et cela dit, je retourne aux oeuvres complètes de Flannery O'Connor qui ont beaucoup plus d'intérêt à mes yeux.
Commenter  J’apprécie          8325
C'est un livre tout petit, tout modeste et que j'ai apprécié et dévoré très rapidement, trop sans doute car je pense reprendre cette lecture en réfléchissant à tout ce qui y est dit. La honte, c'est ce sentiment que beaucoup d'entre nous ( génération 50/60) connaissent, quand on a été élevé par des parents très moralistes, et dans des institutions où le "péché" occupe la plus grande place: Honte de son corps, honte de la modestie de ses parents, honte des faits dont on est témoin et qui ne nous sont pas expliqués au moment où cela devrait être. Cette "honte" a fait très rapidement place à la culpabilité... Annie Ernaux s'en fait le porte parole. un très beau livre.
Commenter  J’apprécie          740
L'idée d'Annie Ernaux est que le fait d'écrire est une action interdite devant entrainer un châtiment. Peut être celui de ne plus pouvoir écrire quoi que ce soit ensuite.
La pub, quoi, c'est interdit, donc je le fais.
On est tous pendus à ses lèvres : va-t-elle y arriver, ou non ?
Sauf que depuis qu'elle a réussi à écrire ce récit, elle a l'impression qu'il s'agit d'un événement banal, plus fréquent que l'on ne pense dans les familles : son père a voulu tuer sa mère quand elle avait 12 ans.
Pas cool pour celle qui veut choquer en écrivant.
Peut-être le récit, tout récit, rend normal n'importe quel acte, y compris le plus dramatique. Alors là, bam, ce qu'elle va écrire serait-il normal ?
Vous avez dit normal ?
Le récit ne crée pas la réalité, il la cherche, les mots doivent se plier dans cet acte auto-ethnologique qui est de chercher sa propre vérité.
Le sentiment de honte (social, un peu beurk, la chemise de nuit pleine d'urine de sa mère) est aussi un sentiment de honte éprouvée à 12 ans, : il lui a été impossible d'en parler, et sans doute aucun livre n'arrivera à être à la hauteur de ce que la petite Annie a éprouvé.
Lorsque le père s'emporte, et elle se sent responsable : « il n'y avait de faute ni de coupable nulle part. Je devais seulement empêcher que mon père tue ma mère et aille en prison. »
Comme d'habitude, ce qui l'intéresse en premier lieu c'est le fait non de l'avoir vécu, mais de pouvoir l'écrire.
Or personne ne peut entendre une chose aussi énorme, la possibilité d'un meurtre. Écrire, c'est rendre normal n'importe quel acte même dramatique.
« J'ai toujours eu envie d'écrire des livres dont il me soit ensuite impossible de parler, qui rendent le regard d'autrui insoutenable. Mais quelle honte pourrait m'apporter l'écriture d'un livre qui soit à la hauteur de ce que j'ai éprouvé dans ma douzième année. »

Elle se fait pour cela l'ethnologue d'elle-même, son unique souci, et de son milieu, citant les expressions, qu'elle croit être «  de son milieu » alors qu'elles sont «  de notre temps. »
La honte, pour un ethnologue, ne pas savoir de quoi elle parle, avoir honte d'un passé pas du tout honteux (à part son histoire d'essai de meurtre) bref essayer de nous faire pleurer sur ce monde d'avant la consommation.
Nous ne coupons pas à l'évocation des règles désirées et des serviettes hygiéniques, c'est un grand leit motiv de notre autrice préférée et, qui sait, le secret succès vis-à-vis des jurés du Nobel ?
Allez savoir.


Commenter  J’apprécie          5040
Je poursuis mon exploration de l'oeuvre d'Annie Ernaux par ce récit publié en 1997.

Encore un exemple parfait de ce que Ernaux sait faire mieux que nulle autre, mêler ses souvenirs personnels et la vie sociale, ambition qu'elle résume dans cette dernière phrase formidable de son Discours de réception du Prix Nobel 2022 « Pour inscrire ma voix de femme et de transfuge social dans ce qui se présente toujours comme un lieu d'émancipation, la littérature. »

En exergue de ce livre, elle met ces deux phrases de Paul Auster, auteur que j'aime tant et dont je viens d'apprendre avec tristesse qu'il lutte contre le cancer.
Des phrases si belles et éclairantes sur le travail littéraire d'Annie Ernaux:
«Le langage n'est pas la vérité. Il est notre manière d'exister dans l'univers. »

Ce récit débute par cette révélation très dure.
« Mon père à voulu tuer ma mère, un dimanche de juin, en début de l'après midi ».
Suit alors la relation de l'événement, dans toute sa brutalité, la stupeur de l'enfant qui avait alors douze ans en 1952, et la cassure qu'il a provoquée chez elle.
Et puis l'incompréhension, l'impossibilité de mettre des mots sur ce qui est survenu ce dimanche de juin 1952.

Alors, l'autrice se livre à une sorte de quête cathartique sur ces années-là, pour essayer de saisir, de donner un sens à l'innommable qui s'est produit ce jour-là.
S'en suit la description précise de la vie de son quartier pauvre au sein de cette petite ville nommée Y. (Il s'agit d'Yvetot), la vie de ses parents, et surtout de sa vie dans une école privée, où sa mère, croyante fervente, a voulu l'inscrire, dans l'idée de lui donner une éducation et un avenir d'une vie meilleure que la sienne. Et le récit parle aussi des relations, au sein de l'école privée,avec les camarades de classe issues de la bourgeoisie de la ville.
C'est une description prodigieusement juste que nous donne Annie Ernaux de la vie du début des années 50, et, bien qu'étant un peu plus jeune, mais ayant vécu dans les années 50 au sein d'un quartier ouvrier, certes du Nord de la France et non en Normandie, cette évocation a réveillé en moi les conditions de vie de cette époque, que j'ai côtoyées sans pour autant qu'elles aient été si dures que celles de la narratrice.

Cette analyse minutieuse de ce monde passé, va aboutir à ce constat très dur. Je reproduis une partie de ces phrases exceptionnelles de lucidité:
«J'ai mis au jour les codes et les règles des cercles où j'étais enfermée. J'ai répertorié les langages qui me traversaient et constituaient ma perception de moi-même et du monde. Nulle part, il n'y avait de place pour la scène du dimanche de juin……..
Nous avons cessé d'appartenir à la catégorie des gens corrects, qui ne boivent pas, ne se battent pas,….
Je suis devenue indigne de l'école privée, de son excellence et de sa perfection. Je suis entrée dans la honte. »

Annie Ernaux raconte dans cette dernière partie du livre, de façon dure et cruelle, les multiples faits, façons de se vêtir, de se parler avec violence, coutumes familiales, bref façon d'être, mais aussi ces épisodes de la vie, relations de ses parents avec l'école, voyage avec son père à Lourdes et Biarritz, etc…qui signifiaient un sentiment de déclassement, ou plutôt d'appartenir à une classe inférieure.
Et d'aboutir à ce constat sans complaisance:
« Il était normal d'avoir honte, comme d'une conséquence inscrite dans le métier de mes parents, leurs difficultés d'argent, leur passé d'ouvriers, leur façon d'être. »

Ce constat pessimiste très dur, sans complaisance, ne sera à la fin compensé par aucune note d'optimisme.
Annie Ernaux y fera simplement le constat que le seul lien qui l'unit à ce qu'elle fut alors, réside dans ce terrible dimanche du mois de juin 1952.
Et fidèle à l'un de ses choix d'écriture qu'elle explique dans son discours extraordinaire de réception du Prix Nobel, « d'une langue charriant colère et dérision, voire grossièreté », elle nous lance cette dernière phrase au goût de provocation:
« C'est elle (i.e. la scène du dimanche de juin 52) qui fait de cette petite fille et de moi la même, puisque l'orgasme où je ressens le plus mon identité et la permanence de mon être, je ne l'ai connu que deux ans après. »

Au plus j'avance dans la lecture des livres d'Annie Ernaux, au plus je suis admiratif de la force de sa démarche, de la dimension féministe et sociale de son oeuvre, et de l'exceptionnelle adéquation entre son choix d'écriture et son projet littéraire. Et bien triste de constater les reproches que l'on fait à son absence de style, à son propos qualifié d'égocentrique, voire de nombriliste.
Ce n'est pas du tout cela. L'oeuvre d'Annie Ernaux, elle se résume dans les trois mots qu'elle a choisi pour le titre du Quarto Gallimard qui rassemble une grande partie de ses textes: « Écrire la vie ». « La vie avec ses contenus qui sont les mêmes pour tous, mais que l'on éprouve de façon individuelle…. »
Et cette vie, c'est aussi ma vie, mon histoire, la vie de celles et ceux de ma génération et des générations suivantes, mais aussi la vie des femmes, celle du monde des déclassés, etc… En cela, les récits d'Annie Ernaux ont une portée universelle.
Commenter  J’apprécie          319

Citations et extraits (91) Voir plus Ajouter une citation
En juin 52, je ne suis jamais sortie du territoire qu'on nomme d'une façon vague mais comprise de tous, "par chez nous", le pays de Caux, sur la rive droite de la Seine entre le Havre et Rouen. Au-delà commence déjà l'incertain, le reste de la France et du monde que "par là-bas" avec un geste du bras montrant l'horizon, réunit dans la même indifférence et inconcevabilité d'y vivre. Il semble impossible d'aller à Paris autrement qu'en voyage organisé, à moins d'y avoir de la famille susceptible de vous guider. Prendre le métro apparaît comme une expérience compliquée, plus terrifiante que monter dans le train fantôme de la foire et nécessitant un apprentissage qu'on suppose long et difficile. Croyance générale qu'on ne peut aller quelque part sans "connaître" et admiration profonde pour ceux ou celles "qui n'ont pas peur d'aller partout".
Commenter  J’apprécie          480
Sur l’autre photo, petite, rectangulaire, je suis avec mon père devant un muret décoré de jarres de fleurs. C’est à Biarritz, fin août 52, sans doute sur la promenade longeant la mer qu’on ne voit pas, au cours d’un voyage organisé à Lourdes. Je ne dois pas dépasser un mètre soixante, car ma tête arrive légèrement au-dessus de l’épaule de mon père, qui mesurait un mètre soixante-treize. Mes cheveux ont poussé en trois mois, formant une sorte de couronne moutonnée, retenue par un ruban autour de la tête. La photo est très floue, prise avec l’appareil cubique gagné par mes parents dans une kermesse avant la guerre. On distingue mal mon visage, mes lunettes, mais un sourire large est visible. Je porte une jupe et un chemisier blancs, l’uniforme que j’avais lors de la fête de la jeunesse des écoles chrétiennes. Par-dessus, une veste, dont les manches ne sont pas enfilées. Ici, je parais mince, plate, à cause de la jupe plaquée aux hanches puis évasée. Dans cette tenue, je ressemble à une petite femme. Mon père est en veste foncée, chemise et pantalon clairs, cravate sombre. Il sourit à peine, avec l’habituel air anxieux qu’il a sur toutes les photos. J’ai sans doute gardé celle-ci parce qu’à la différence des autres, nous y apparaissions comme ce que nous n’étions pas, des gens chics, des villégiaturistes4. Sur aucune des deux photos je n’ouvre la bouche pour sourire, à cause de mes dents mal plantées et abîmées.
Commenter  J’apprécie          130
Etre crâneuse est un trait physique et social, détenu par les plus jeunes et les plus mignonnes qui habitent le centre-ville, ont des parents représentants ou commerçants. Dans la catégorie des pas crâneuses figurent les filles de cultivateurs, internes, ou demi-pensionnaires venant à vélo de la campagne avoisinante, plus âgées, souvent redoublantes. Ce dont elles pourraient se vanter, leurs terres, leurs tracteurs et leurs commis, n'a, comme toutes les choses de la campagne, aucun effet sur personne. Tout ce qui ressortit à la "cambrousse" est méprisé. Injure : "Tu te crois dans une ferme" ! (p.92-93)
Commenter  J’apprécie          290
Tout de notre existence est devenu signe de honte. La pissotière dans la cour, la chambre commune - où, selon une habitude répandue dans notre milieu et due au manque d'espace, je dormais avec mes parents -, les gifles et les gros mots de ma mère, les clients ivres et les familles qui achetaient à crédit. A elle seule, la connaissance précise que j'avais des degrés de l'ivresse et des fins de mois au corned-beef marquait mon appartenance à une classe vis-à-vis de laquelle l'école privée ne manifestait qu'ignorance et dédain.
Commenter  J’apprécie          140
Corriger et dresser les enfants, réputés malfaisants par nature, était le devoir des bons parents. De la "calotte" à la "correction" tous les coups étaient autorisés. Cela n'impliquait ni dureté, ni méchanceté, à condition de s'efforcer de gâter l'enfant par ailleurs et de ne pas dépasser la mesure. Souvent un parent terminait le récit de la faute d'un enfant et de son châtiment par un "je l'aurais laissé sur place !" plein d'orgueil : d'avoir à la fois infligé une juste correction et résisté à l'excès fatal de colère qu'aurait pourtant mérité tant de malfaisance.
Commenter  J’apprécie          110

Videos de Annie Ernaux (94) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Annie Ernaux
Annie Ernaux, prix Nobel de littérature en 2022 et ancienne professeure de français, revient sur l'enseignement et ce qui a changé entre l'époque où elle enseignait et l'époque actuelle. Pour elle, le comportement des professeurs vis à vis des élèves est resté le même, ils ont le sentiment de "former une communauté" avec leur classe et on se "rassemble autour du professeur". Elle revient sur la responsabilité que la société fait peser sur le corps enseignant, "l'école doit résoudre tous les problèmes" mais on ne lui donne pas les moyens nécessaires pour y parvenir. La formation des maitres est réduite "à presque rien" à l'heure actuelle, alors que c'est un métier qui demande un investissement et un apprentissage particulier. Elle déplore le fait qu'on "demande tout" aux enseignants mais qu'on ne leur donne "presque rien". 

Retrouvez l'intégralité de l'interview ci-dessous : https://www.france.tv/france-5/la-grande-librairie/
+ Lire la suite
autres livres classés : autobiographieVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (2398) Voir plus



Quiz Voir plus

La honte (Annie Ernaux)

Quand a lieu la dispute entre le père et la mère de la narratrice ?

Le 15 mars 1952
Le 15 avril 1952
Le 15 mai 1952
Le 15 juin 1952

8 questions
9 lecteurs ont répondu
Thème : La Honte de Annie ErnauxCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..