AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,37

sur 1161 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Jusqu'à ce que « La Grande Librairie » sur France 5 lui consacre une émission entière, je n'avais encore jamais rien lu d'Annie Ernaux. Si François Busnel a l'art de savoir titiller l'envie des lecteurs, c'est cependant la petite phrase notée en exergue de son quatorzième roman qui m'aura définitivement donné envie de le lire :

« Si je ne les écris pas, les choses ne sont pas allées jusqu'à leur terme, elles ont été seulement vécues »

À elle seule, cette petite phrase résume également la raison d'être de chacun de mes avis car tant que n'ai pas écrit de chronique, je ne considère pas la lecture comme terminée.

Ce court récit autobiographique d'à peine quarante pages raconte la liaison d'Annie Ernaux avec un jeune étudiant de Rouen dans les années 1994-1997. Alors âgée de cinquante-quatre ans, elle entame une relation amoureuse controversée avec un jeune homme de vingt-cinq ans, qui lui permet de « revivre » son passé. Ce jeune amant lui donne non seulement l'occasion de rejouer des scènes de sa jeunesse, mais lui ouvre également la porte vers ce milieu populaire dont elle est issue. Un retour en arrière qui ravivera également le souvenir particulièrement marquant de cet avortement clandestin qu'elle a subi en 1963. C'est d'ailleurs au moment où elle commencera l'écriture de cet événement clé de sa vie (« L'événement »), qu'elle mettra un terme à la relation avec ce jeune homme qui aurait finalement pu être son enfant…

« Il m'arrachait à ma génération mais je n'étais pas dans la sienne. »

Si ce récit d'Annie Ernaux touche à l'intime, il raconte également l'universel. En relatant sa vie, Annie Ernaux écrit également la vie. Alliant simplicité et densité, elle va à l'essentiel du vécu, tout en offrant sa vision de la société et en défendant la condition féminine. Comme quoi, il ne faut pas forcément plus de quarante pages pour parvenir à partager un histoire forte.
Lien : https://brusselsboy.wordpres..
Commenter  J’apprécie          1656
Annie Ernaux nous raconte l'histoire d'amour qu'elle a vécue avec un homme de trente ans de moins qu'elle. ● Je n'ai pas aimé tous les livres d'Annie Ernaux que j'ai lus : si La Place, par exemple, m'a plu, je n'ai pas aimé La Femme gelée. ● On a pu qualifier son écriture de « blanche », je pense au contraire, en tout cas dans cet opuscule, qu'elle est très travaillée, pour arriver au dénuement le plus pur, « à l'os ». ● Je comprends qu'on puisse ne pas aimer ces phrases qui semblent dépourvues d'affect, même si à mon avis il faut les chercher dans la profondeur du texte, car son écriture est tout sauf superficielle. ● Il y a vraiment dans ce très court récit de très beaux moments d'écriture, comme « ce jeune homme, qui était dans la première fois des choses ». ● le mélange des époques provenant de son union avec un homme beaucoup plus jeune qu'elle, qui lui rappelle sa propre jeunesse, mais aussi évoque sa future mort, est très bien mis en lumière : par exemple « Il rendait le moment présent d'autant plus intense et poignant que nous le vivions comme du passé. » Elle revit avec lui sa jeunesse pauvre et « plouque », maintenant qu'elle est « bourge ». S'inverse ainsi le phénomène qu'elle a analysé dans tous ses livres antérieurs : c'est elle, la transfuge de classe, maintenant « bourge », qui est face au jeune pauvre qu'elle était avant sa mue. ● La thématique de l'inceste court également dans le livre, et il y a cette très belle phrase : « Je voudrais être à l'intérieur de toi et sortir de toi pour te ressembler ». ● L'autobiographie transforme l'auteur en être de fiction, ce qui, par un curieux mécanisme de va-et-vient entre réel et fiction, interfère dans sa vie : « La principale raison que j'avais de vouloir continuer cette histoire, c'est que celle-ci, d'une certaine manière, avait déjà eu lieu, que j'en étais le personnage de fiction. » Comme si la vie n'était vécue que pour être écrite, pour faire littérature. ● Une certaine jeunesse se trouve bien décrite et montre le fossé qui s'établit entre son jeune amant et l'auteur, qui, elle, s'est libérée et a échappé à sa classe sociale par le travail : « Il n'avait jamais voté, n'était pas inscrit sur les listes électorales. Il ne pensait pas qu'on puisse changer quoi que ce soit à la société, il lui suffisait de se glisser dans ses rouages et d'esquiver le travail en profitant des droits qu'elle accordait. C'était un jeune d'aujourd'hui, convaincu de « chacun sa merde ». le travail n'avait pour lui pas d'autre signification que celle d'une contrainte à laquelle il ne voulait pas se soumettre si d'autres façons de vivre étaient possibles. » ● L'utilisation des initiales pour le nom de son amant, « A. » et surtout pour la ville où elle a passé son enfance, « Y. » est assez agaçante, tout le monde sait que c'est Yvetot. Ces demi-cachotteries sont malvenues dans un récit où elle se veut sincère. ● En conclusion, j'ai aimé ce petit livre et je le conseille.
Commenter  J’apprécie          624
C'est un récit très court et intimiste comme le sont tous les récits d'Annie Ernaux, c'est une petite parenthèse amoureuse et sexuelle dans sa vie de femme de 55 ans.
Cette liaison avec cet étudiant de 30 ans son cadet suit la genèse d'un roman qui parle de cet avortement clandestin qu'elle a subi alors qu'elle était étudiante comme lui.
Cet amour, qui attire les regards, la comble, car pourquoi les femmes mures n'auraient pas le droit de s'afficher avec des jeunes hommes puisque le contraire semble n'étonner personne. Et elle sait être convaincante et provocante, Annie, lorsqu'on touche au féminisme.
Á travers le comportement de ce jeune étudiant, « désargenté, issu d'un milieu populaire » elle retrouve ses origines modestes :
« Il était le porteur de la mémoire de mon premier monde ».
Elle épingle même ces petits gestes, les mêmes que les siens autrefois et c'est comme une marche arrière dans sa vie :
« J'avais l'impression de rejouer des scènes et des gestes qui avaient déjà eu lieu, la pièce de ma jeunesse.
Elle met une certaine distanciation quand elle évoque sa relation qui se joue au présent, dans cette l'immédiateté qui lui apporte une certaine jouissance. Elle est aussi dans les souvenirs, ceux de ses amours passés, plutôt que dans un avenir commun incompatible avec leur différence d'âge :
« Avec lui, je parcourais tous les âges de la vie, ma vie. ».

Le jeune homme a joué ce rôle « d'ouvreur du temps » dans la vie de l'écrivaine, lui permettant d'écrire son roman jusqu'à ce qu'elle le quitte.
« Plus j'avançais dans l'écriture de cet évènement qui avait eu lieu avant même qu'il soit né, plus je me sentais irrésistiblement poussée à quitter A. »

Malgré la sincérité qui perce tout au long du récit, on a l'impression qu'elle se sert de la jeunesse de son amant, qu'il est un catalyseur pour retrouver sa jeunesse étudiante et lui permettre d'entrer en écriture.
Et la brièveté du récit ne fait que renforcer mon impression. Peut-être qu'avec un texte plus long, plus fouillé aurait-on pu sentir davantage cette complicité et ce plaisir simple qui vont bien au-delà de la différence d'âge ?
Cette lecture m'a laissée sur ma faim.



Commenter  J’apprécie          581
Ce court roman d'Annie Ernaux, plutôt une nouvelle, est important pour comprendre sa démarche d'écrivain et son rapport au temps et à l'écriture.
L'histoire est connue : elle a une laison avec un jeune homme de 25 ans alors qu'elle a 30 ans de plus.
Davantage que l'histoire elle-même (les regards réprobateurs, sa volonté de choquer,...), c'est ce que lui inspire cette histoire qui est intéressante;
Cette histoire lui permet de replonger dans ses propres souvenirs de jeune femme, quand elle était encore étudiante, dans ses souvenirs d'avant son changement de statut social aussi.
Que ce soit clair, elle n'a pas eu cette aventure pour avoir une trame de roman, mais elle a compris que l'écriture donnait de l'épaisseur et de la réalité à ce qu'elle vivait.

Cette démarche, toute proustienne (alors que leurs styles sont à l'opposé l'un de l'autre), permet de comprendre Annie Ernaux et sa recherche inlassable des moments forts de sa vie pour en faire des thèmes de roman.
Loin de l'auto-fiction pure, elle prend de la distance pour retranscrire l'essence de ses souvenirs, et si ça ce n'est pas proustien... ;-)
Après avoir lu les autres billets, j'ajoute qu'à mon avis on apprécie plus ce livre si on a lu les autres ouvrages d'Annie Ernaux.
Commenter  J’apprécie          512
C'est plutôt rigolo, cet opuscule proustien en diable et pourtant d'une concision revendiquée (pas plus d'une subordonnée par phrase - et courte avec ça). Proustien car entièrement voué à la mémoire que seule la littérature parvient à dompter.
Annie Ernaux a un amant beaucoup plus jeune qu'elle, qui lui permet de rembobiner le temps ou plus exactement de s'installer au coeur de la répétition: tout ce qu'elle fait avec lui, elle l'a déjà fait avec d'autres et surtout elle l'a fait en étant lui, c'est-à-dire jeune et frustre. Et la relation qu'elle noue avec cet homme, elle la noue avec elle-même en se regardant du dehors, en s'objectivant comme personnage de roman. Dès lors, elle n'est pas la cougar qui initie le jeune éphèbe (rôle que la société lui réserve) mais l'initiée qui revit le passé avec la même jouissance étonnée et fiévreuse que Marcel portant à ses lèvres sa madeleine humide de thé.
La fin de cette liaison coïncidera avec l'écriture d'un livre sur son avortement subi à 24 ans, l'âge de son amoureux: comme on affronte le passé au cours d'une psychanalyse pour mieux s'en détacher, Annie Ernaux a pu revenir sur cette expérience mortifère et en faire le sujet d'un livre après avoir observé la jeune femme qu'elle était dans le corps de son amant.
Et ensuite, dit-elle, assez du passé et bonjour le 3° millénaire!
Bon, on ne se débarrasse pas aussi facilement de ses vies antérieures mais c'était une façon assez crâne d'achever ce texte.
Quant à moi, je vais arrêter là mon billet car il ne s'en faudrait pas de beaucoup qu'il ne soit plus long que le livre dont il voulait rendre compte.
Commenter  J’apprécie          389
Texte (très) court mais chargé. C'est à cela qu'on reconnaît la femme de lettres incontournable : une économie de mots, mais que de messages. Passée la cinquantaine, elle va partager sa vie avec un homme 30 ans plus jeune. Avec tout ce que cela a d'énergies (cette célèbre fontaine de jouvence), mais aussi ce que cela implique de comparaisons et de souvenirs, la volonté de rapprochement et les distances inévitables, outre la jouissance de la provocation ou de la séduction. Et, si, en effet, pour vivre pleinement il faut à A. Ernaux la nécessité d'écrire ses histoires, il est vrai qu'il me faut écrire mon petit texte pour graver le ressenti, comme une dernière page que l'on ferme, le mot "fin". Et, faciliter l'installation du livre dans la boîte à souvenirs.
Commenter  J’apprécie          322
La classe !
Un ouvrage atypique par sa brièveté (même si Annie Ernaux ne nous a pas encore jamais écrit de pavé, là c'est autre chose, entre 10 et 20 minutes de lecture !). Toutefois, une fois accepté cet étrange postulat d'un récit ultracourt vendu tout seul, on est confronté une fois de plus à l'immense talent d'Annie Ernaux, qui, le moins que l'on puisse dire, n'écrit pas pour ne rien dire. C'est d'une grande profondeur, et cela éclaire joliment les relations entre la vie et l'oeuvre d'Annie Ernaux. Condition féminine, rapport au milieu d'origine, Normandie, voyages, amour, âge...Il y a beaucoup de choses dans ce livre très dense qui pourrait constituer une superbe petit cadeau...
Commenter  J’apprécie          270
Pour une fois, le marketing ne s'est pas trompé : « le jeune homme » est une parfaite introduction à l'oeuvre d'Annie Ernaux.
On glose sur ces hommes qui s'entichent de femmes beaucoup plus jeunes qu'eux, voulant prouver, dans un dernier sursaut d'orgueil, qu'ils n'ont rien perdu de leur pouvoir de séduction. Qu'en est-il du contraire ? Annie Ernaux y répond avec pudeur et profondeur, lestée des tabous, soucieuse de ne pas altérer son jugement sous le poids des conventions, rejoignant parfois Houellebecq qu'on avait tant brocardé sur un sujet similaire : « Elles connaissaient leur place dans la réalité du marché sexuel, que celui-ci soit transgressé par une de leurs semblables leur donnait de l'espoir et de l'audace »
C'est une femme d'âge mûre qui s'enivre de la jeunesse de son partenaire (« Il me vouait une ferveur dont, à cinquante-quatre ans, je n'avais jamais été l'objet de la part d'un amant »). Une femme lucide, qui avance en funambule, entre le désir de ressusciter les premiers émois du corps et la peur de céder à sa cruauté, dans le pâle éclat du miroir (« Je répondais que le présent suffisait, ne disant jamais que le présent n'était pour moi qu'un passé dupliqué ».
L'écriture d'Annie Ernaux est un modèle de justesse et de retenue. On peut exprimer tant de sentiments par les détours et les ellipses ! Comme ce magnifique passage où, écoutant un disque des Doors et se laissant entraîner par le plaisir, l'auteure évoque ainsi le point culminant de sa jouissance : « À un moment je cessais d'entendre la musique ».
C'est un livre qu'il faudrait mettre entre les mains de cette génération d'auteurs qui confond originalité et provocation, précision et pertinence.
Et vous, quel roman d'Annie Ernaux conseillerez-vous ?
Bilan : 🌹🌹
Commenter  J’apprécie          251
Ma femme l'a lu, m'a lu des passages.
Nous en avons parlé et puis j'ai lu.
Il y aurait beaucoup à dire de ces trente-huit pages ramassées.
J'ai pris note des mots profonds surgis au détour de la narration d'une aventure dans le temps, ouverture vers l'écriture, sublimation indispensable des choses vécues..
Je vois A. comme un remue-mémoire, qui donne l'opportunité à A. Ernaux de renouer les fils d'un passé à la fois heureux et douloureux. A. est de Rouen, là où l'auteure a fait ses études, aimé, avorté.
Qu'importe le passé. "Cette épaisseur de temps qui nous séparait avait une grande douceur, elle donnait plus d'intensité au présent".
La différence d'âge est anecdotique. Seule compte la réminiscence de ce qui a été et la possibilité de ce qui peut encore être, reviviscence d'années écoulées et ivresse d'un présent intense.
Je placerai peu de citations, ce serait piller une courte chronique mais j'ai envie de terminer sur une fantaisie absente de ce récit majeur : "Il m'avait semblé, pendant de longues minutes, me mouvoir dans le temps sans nom du rêve".

P.S. le libraire m'a dit que le livre était autant prisé des dames que des messieurs, sans pouvoir préciser l'âge de ces derniers. Il a déjà été réimprimé.
Commenter  J’apprécie          203
Un texte très court, très vite lu et que j'oublierai peut-être très vite, même si j'ai apprécié ma lecture. Car oui, c'est le cas parfois avec les lectures trop rapides chez moi : je n'ai pas le temps de m'installer dans le texte. Et donc, à moins d'un coup de poing, je ne le garde pas longtemps en mémoire. Et là, pas de coup de poing.
Je découvre l'écriture d'Annie Ernaux, et elle y a un petit goût de "r'viens y". J'ai trouvé le texte juste et sensible, honnête. Pas de grand discours, pas de revendication, pas d'événement extraordinaire. Juste une tranche de vie. Vie qu'elle a besoin de coucher sur le papier pour mener les choses à terme. Comme s'il fallait qu'elle soit écrite pour qu'elle ait été réellement vécue. C'est une chose que je respecte, bien que n'y adhérant pas toujours. Mais il y a comme une portée plus globale à cette expérience intime. Il s'agit juste d'une histoire entre une femme mûre et un homme de 30 ans son cadet. Assez dérangeant pour ma part, mais uniquement parce que je ne m'imagine absolument pas avec un tel écart d'âge (mais il est vrai que pour moi ce serait presque répréhensible par la loi). Pourtant elle en fait quelque chose de plus grand, quelque chose de plus universel. Et de finalement moins trivial, plus banal, et en même temps plus beau.
Une femme qui se sent vivre. Un jeune homme qui ne se sent pas utilisé. Une période dans la vie de chacun. Un accomplissement, enfin, dans l'écriture 20 ans plus tard.
Commenter  J’apprécie          190




Lecteurs (2119) Voir plus



Quiz Voir plus

Le jeune homme (Annie Ernaux)

Combien d’années séparent la narratrice du jeune homme avec qui elle a une liaison ?

Presque 10 ans
Presque 20 ans
Presque 30 ans
Presque 40 ans

8 questions
10 lecteurs ont répondu
Thème : Le jeune homme de Annie ErnauxCréer un quiz sur ce livre

{* *}