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Critique de SamDLit


Nous nous aimions le temps d'une chanson
--- en 1963 ----

"Des milliers de filles ont monté un escalier, frappé à une porte derrière laquelle il y avait une femme dont elles ne savaient rien, à qui elles allaient abandonner leur sexe et leur ventre. Faire passer le malheur."


Une écriture au scalpel, quasi chirurgicale qui dissèque l'événement au titre du droit imprescriptible d'écrire sur son expérience personnelle et de l'offrir en partage à d'autres, de parfaits inconnus, de prendre le risque de l'exposer comme son corps et son sexe l'ont été, du 20 au 21 janvier 1964.


Une épreuve, une douleur, qu'ont vécues clandestines des milliers de femmes, que vivent encore dans le monde certaines d'entre elles et/ou que risquent de connaître d'autres générations (si nous n'y veillons pas).


* Si je n'avais pas raté la projection grand écran du Lion d'Or de la Mostra
* Si Annie Ernaux n'avait pas été con-sacrée Nobel 2022
* Si la location VOD n'était pas arrivée à terme sans que je la visionne

* Si les USA, à l'été, et peut-être à l'automne 2022 (cfr élections de mi-mandat) n'avaient pas assassiné leur constitution tout comme Kennedy à Dallas l'année et le mois où lui a été confirmée une grossesse non désirée
.
* Si l'introduction du roman n'avait pas évoqué l'attente d'une réponse à un test de séropositivité me renvoyant aux enfants endormis lus en août
* Si le sujet ne m'avait pas paru aussi 'obligatoire' que certaines ordonnances en pharmacie

* Si certaines femmes ne s'étaient pas battues pour obtenir le droit à l'avortement, à la contraception, à la liberté de disposer de son corps comme un homme, d'en jouir sans en porter le malheur ou les conséquences, bien souvent seules.

* Si certains médecins n'avaient pas, à l'inverse des Dr N, V., de l'interne de l'hôpital-Dieu, du médecin de garde de la cité universitaire, couru le risque de se voir privés du droit d'exercer ou d'être pénalement condamnés

* Si les images évoquées dans ce roman n'avaient pas été aussi bien écrites, perturbantes, jusqu'à me provoquer les nausées d'une femme enceinte

" celle à 9 ans de la grand tache rosée, de sang et d'humeurs, laissée au milieu de mon oreiller par la chatte morte pendant que j'étais à l'école et déjà enterrée quand je suis revenue, un après-midi d'avril, avec ses chatons crevés à l'intérieur d'elle."

" --- un sac de biscottes vide et je le glisse dedans. C'est comme une pierre à l'intérieur. Je retourne le sac au-dessus de la cuvette. Je tire la chasse.
Au Japon on appelle les embryons avortés, mizuko, les enfants de l'eau."

" Mon ventre était une cuvette flasque. J'ai su que j'avais perdu dans la nuit le corps que j'avais depuis l'adolescence, avec son sexe vivant et secret qui avait absorbé celui de l'homme sans en être changé. rendu plus vivant et plus secret encore."


* S'il n'y avait pas eu une grève générale ce 9 novembre en Belgique me permettant de dormir un peu plus après une nuit courte peuplée de rêves
"Devant moi flottait un petit baigneur blanc comme ce chien dont le cadavre jeté dans l'éther continue de suivre les astronautes dans un roman de Jules Verne."

-- Si tous ces si ne s'étaient pas additionnés, alignés, je n'aurais ni lu ni terminé ni parlé de ce roman. --- Bref (le voilà revenu, mon bref)

Je serais passée à côté de l'événement: expérience indicible. Entre beauté singulière de l'écriture clinique qui prend aux tripes et horreur des émotions face à l'épreuve, la violence, l'indifférence complaisance ou curiosité de la fin de l'histoire, la brutalité des gestes et des propos: médecins, prêtre, étudiants ou fiancé.


(les Si --- Pas de ce billet sont un clin d'oeil à B. Giraud)

--- Nous nous aimions le temps d'une chanson. Nous vivions.
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