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Danièle Valin (Traducteur)
EAN : 9782070308040
192 pages
Gallimard (13/05/2005)
3.64/5   157 notes
Résumé :
Deux n'est pas le double mais le contraire de un, de sa solitude.
Deux est alliance, fil double qui n'est pas cassé. Dans "Le contraire de un", recueil de nouvelles mêlé au vacarme, au bruit du XXe siècle, Erri De Luca décrit un monde où la solitude, propre de l'homme, est ponctuée de moments précieux et forts d'alliance et de solidarité.
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Critiques, Analyses et Avis (24) Voir plus Ajouter une critique
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Si vous n'appréciez pas trop les recueils de nouvelles, faites une exception, ouvrez celui-ci, l'émotion qui va s'envoler de ces pages va vous laisser transi, immobile, muet...

Erri de Luca, dans ces nouvelles, se livre, se dit, se dévoile... mais toujours avec une assurance fragile, avec pudeur, avec discrétion. Au lecteur de nouer les phrases, de tisser les mots entre eux pour faire vivre cet homme qui s'est construit, qui a librement et en toute conscience choisi sa vie, loin de la destinée et des facilités dont il disposait.


S'il parle des moments de l'enfance, il convoque les emmurés, les captifs des geôles d'un autre temps, ceux dont la vie était accrochée à un anneau de fer serti dans la roche, ceux rendus immobiles par la condamnation, rivés à un lieu, ceux dont les pensées s'enfermaient peu à peu parce que quand le corps est entravé, l'esprit se recroqueville et s'amenuise, quand la promiscuité tient lieu de vie, l'esprit s'oublie et oublie l'ailleurs, un autre sol à fouler.

S'il évoque des parties de pêche dans lesquelles les senteurs et parfums écrivent le récit davantage que les poissons attrapés, il fait surgir de l'ombre, du silence où il se tient, cet homme sans voix, cette silhouette fragile, celui dont le bras est marqué d'un matricule, celui qui a tout vu de la cruauté humaine, celui qui a survécu et qui tente de survivre encore en oubliant les mots parce qu'ils diraient si peu...

S'il parle de la montagne, c'est comme d'un amour tumultueux, il y foule les sommets avec bonheur mais l'escalade l'a obligé à puiser au fond de lui-même force et obstination, courage et volonté pour vaincre ces parois qui se dressent comme autant d'obstacles que la vie peut en posséder, une paroi qui se dresse comme une volonté à tordre, comme une idée à faire plus forte, comme une conviction à vaincre pour la faire sienne.

S'il parle de ses engagements, de ses idées, il fait sourdre la révolte. Elle est là, tapie dans la page, mais la dignité l'accompagne... En tout choix, il privilégie le respect de l'autre, de l'opprimé, de celui qu'on veut faire taire... le petit, celui que l'on n'entend que si on lui prête attention, l'invisible, celui dont il faut crier fort le nom pour le faire exister aux yeux des autres, de ceux à qui il ne manque rien.

S'il parle de l'ailleurs, c'est pour mieux en décrire le déchirement, pour celui qui quitte, pour ceux qui restent. Un autre paysage, un autre monde, un autre pays, une autre culture mais l'espérance de la main tendue, de cette force qui se partage pour obliger la vie à palpiter encore et toujours, malgré l'éloignement, malgré la solitude. Une vie qu'il faut écrire autre pour la préserver coûte que coûte.


Il dit encore tant et tant de choses, se dévoilant tout doucement, visitant l'ombre de l'existence pour mieux en faire surgir la lueur, même si elle n'est que la flamme vacillante d'une bougie, encore est-elle là, existe-t-elle encore pour un peu, encore avons-nous obligation de la préserver, de la protéger.

On ralentit la lecture, on espace les retrouvailles avec cette écriture, il faut faire perdurer le moment, il faut en ressentir toute la valeur, il faut effleurer les mots avec l'âme, il faut les laisser nous caresser pour que la clarté s'en échappe, pour que le frôlement se fasse message, pour que l'air se charge de certitudes, pour que les phrases se fassent amarres, pour que le respect naisse de ces mots lus.
Alors on refermera le recueil ... pour un temps seulement, parce qu'il est devenu un besoin, une nécessité, pour avancer dans ce monde dont il est le reflet intemporel, pour être le compagnon, l'ami nécessaire dans la noirceur de ces temps qui sont nôtres, pour faire vibrer encore l'espoir d'un meilleur, pour être finalement, ce guide et cette main qui se tend entre les hommes que j'espère si souvent.

Un monde plus juste entre les hommes peut s'écrire, comme une plus grande attention à la terre qui nous porte et Erri de Luca s'en fait le messager avec une écriture empreinte de poésie qu'on peine à quitter.
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Le contraire de un, c'est la beauté d'un pavé donné par une fille à un manifestant, c'est la naissance d'un enfant porté par sa mère, c'est la chaleur humaine partagée dans une fièvre. C'est Erri de Luca qui me transporte dans ses mots, secs, concentrés jusqu'à la souffrance qui sourd des pores de l'humain qu'il porte en lui. J'adore son écriture bien que d'un accès difficile pour moi, il me faut porter une attention particulière à sa lecture. Je ressens l'enchaînement des choses, la vibration de la terre, rude, montagneuse, tremblant sous les coups du canon ou du tonnerre. C'est une poésie de l'instant qui se propage à l'infini dans son intensité furieuse qu'il arrache aux mots. Magnifique ce contraire de un, cette unité qui commence à deux.
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A travers ces nouvelles, Erri de Luca raconte ses amours, ses amitiés qui ont égrenées sa vie, ses rencontres lors de ses pérégrinations, lors de ses divers combats pour la liberté quels qu'ils soient et lors de ses ascensions.

Ils racontent les rencontres furtives, éphémères avec l'autre, qu'elles aient abouties ou pas, les gens qui l'ont aidé à surmonter les pires tourments, notamment lorsqu'il a eu la malaria, ses peines d'être quitté, ou d'avoir quitté, ses regrets et ses Amours.

Un très bel hommage faite aux femmes et aux hommes qui ont traversé sa vie. Mais pas seulement. Même au plus fort de la mêlée, il n'a jamais été seul, « le contraire de un ». Il y a toujours plus avec Erri de Luca et c'est ce qui fait la force de ses livres.

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Je n'ai pas eu le sentiment de lire un recueil de nouvelles tant une belle harmonie se dégage de cet ouvrage. Il y a un véritable lien entre chacune de ces nouvelles, aucune rupture même si le lieu et l'époque de chacune d'elles différent. Cette continuité vient tout simplement du fait qu'Erri de Luca nous offre à chaque fois un instant de sa vie,une partie de son coeur. Qu'il s'agisse du souvenir du jeune homme militant porté par la soif de justice,de l'alpinisme qui redonne goût à la vie à la jeune fille rencontrée fortuitement sur le chemin et qui a perdu une partie de son coeur, du malade qui revient d'outre-tombe par la grâce d'une nonne en Afrique,de l'amoureux ,etc tous ces instants sont des facettes que l'auteur nous dévoile de lui-même. Il en ressort une humilité touchante qui côtoie cependant une solide affirmation. Peut-être de celle qui ne peut exister que chez celui qui a vécu profondément en accord avec ses valeurs. Jamais en héros mais toujours en homme porteur d'une histoire collective sans rien renier du singulier, mais un singulier qui n'a de valeur que lorsqu'il s'additionne !
C'est un coup de coeur que je dois à la magnifique critique d'Isanne qui m' précipitée vers ce livre.
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Dix-neuf récits autobiographiques et un poème.
Petites séquences d'un vie bien remplie : professionnellement, engagement politique, amitiés.
De l'enfer de la chaîne de montage au paradis des cimes de montagnes, des sauts dans le temps, sur fond de la Rome rebelle de soixante-huit, du golfe de Naples, du nord de l'Italie, de la fatigue, la vraie.

Plus qu'un livre, c'est une sorte d'essai sur la vie, sur l'être profond du genre humain en harmonie avec la nature.
Et, pour moi, toujours le plaisir de lire les écrits d'Erri de Luca et ses engagements.
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Citations et extraits (58) Voir plus Ajouter une citation
Un soir, au cours d'une promenade je sentis sur mon visage l'imperceptible caresse fulgurante d'une aile de chauve-souris, le contact le plus doux qui soit passé sur mon visage. J'avais eu l'occasion les années précédentes d'oublier les caresses. Je n'eus pas le temps de mobiliser mon dégoût, sous le coup de la surprise j'éprouvais une confuse gratitude pour l'obscurité et son léger doigté. Une nostalgie instantanée me fit oublier mon alarme. Si le corps a le sens de l'exil, c'est dans la peau.
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Alors, une femme aux cheveux blancs et à la robe noire, douleurs et années partout sur elle, cria de tout l'air qu'elle avait retenu. Sur le premier silence de la fraîche séparation, elle lança un cri de sirène, de chienne, de mère, aux syllabes déchirées : Sal va to re e. Rien qu'un nom, appelé et perdu dans une gorge brisée, (...).

Les douleurs ont une clé de sol pour qui est musicien de l'intérieur.
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Meydl, o meydl ikh'l bay dir fregn
vos ken vaksn, vaskn on regn
vos ken brenen un nit oyfhern
vos ken benken, veynen on trern ?
Narisher bohker vos darfstu regn
a steyn ken vaksn, vaksen on regn,
libe ken brenen un dit oyfhern
a harts ken benken, veynen on trern.

Hé ! Toi la fille dis-moi si tu sais
ce qui peut naître aussi sans eau,
ce qui peut brûler sans extinction,
et souffre et pleure sans les larmes.
Stupide garçon, que me demandes-tu ?
Sans eau pourra grandir une pierre,
sans extinction brûle l'amour
et sans larmes souffre et pleure un cœur.

(Chanson populaire yiddish)
Page 170
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Il dit que toute la différence est entre violence d'Etat et violence du peuple, l'une est abus de pouvoir, l'autre non. (...) et la révolution ? Elle vient, si elle vient, au bout de nombreuses journées de démocratie volée.
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[…] Des pensées de cheval, agité, sans jockey, qui tourne en rond dans le sens contraire de la course. Je m'épuise exprès dans les heures de chantier. « Chiano, guagliò, c'amm'arriva' a stasera ancora vive », doucement, garçon, nous devons arriver à ce soir, me dit le vieux manœuvre en s'arrêtant un moment.
Mais aujourd'hui la pelle bouge toute seule dans ma main, c'est elle qui tient le bras et pousse dans le dos. Il insiste : Qu'est-ce que tu as mangé hier soir, de la poudre' à canon ? »
Et un instant après : « Tu veux aussi ma pelle ? »
Page 139
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Videos de Erri De Luca (86) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Erri De Luca
Rencontre animée par Olivia Gesbert
De la bibliothèque paternelle à l'ombre de laquelle il a grandi jusqu'aux chantiers où il a été ouvrier, Erri de Luca a noué avec la lecture, puis avec l'écriture un rapport particulier pour bâtir une oeuvre double, celle d'une fiction romanesque aux forts accents autobiographiques et celle d'une réflexion sur l'Écriture. Depuis trente ans, c'est une oeuvre foisonnante et protéiforme qu'il bâtit, caractérisée par un style limpide, poétique, épuré. Ponctués de pensées, de métaphores, d'aphorismes, ses récits endossent souvent la forme d'une fable, d'une parabole empreinte d'une touche de merveilleux, dans une langue unique. Pour cette édition Quarto, ont été retenus une dizaine de textes publiés auxquels s'adjoignent cinq textes inédits, qui portent en eux la puissance de l'écriture d'Erri de Luca dans des genres littéraires variés, sa réflexion sur l'appartenance et l'identité, le poids du passé et l'importance de l'histoire, sur la fragilité et l'importance des relations humaines.
« Nous apprenons des alphabets et nous ne savons pas lire les arbres. Les chênes sont des romans, les pins des grammaires, les vignes sont des psaumes, les plantes grimpantes des proverbes, les sapins sont des plaidoiries, les cyprès des accusations, le romarin est une chanson, le laurier une prophétie. » Trois chevaux, Erri de Luca
À lire – Erri de Luca, Itinéraires, Gallimard, coll. « Quarto », 2023.
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