Je n'ai rien, a priori, contre les pavés de 750 pages. Toutefois, plus (paradoxalement) que les romans courts ou moyens, ils doivent conserver tout du long une densité narrative suffisante pour ne pas me perdre en route.
J'ai mis très longtemps à terminer celui-ci. Plusieurs mois en tout, ce qui, dans l'absolu, n'est pas bon signe. Pourtant, il est très loin d'être dénué d'intérêt.
D'abord, il faut se faire aux incessants allers-retours entre passé et présent, plus de nombreuses digressions (pas inintéressantes du tout), intitulées "passé-antérieur", qui nous narrent par le menu la grande aventure du pétrole depuis le début du XXe siècle. On s'y fait assez vite. Ce à quoi on se fait plus difficilement, c'est aux changements brutaux de point-de-vue, sans crier gare, d'un paragraphe à l'autre. Entre les trois frères Westermann, la femme de l'un d'entre eux, le cheikh Abou Jabr, Taggard et quelques autres, cela en fait pourtant pas mal, d'autant que certains de ces points de vue ne se connectent que tardivement dans le livre.
On saluera l'érudition technique de l'auteur sur le domaine abordé, à savoir le pétrole, son extraction, les énergies alternatives, plus généralement le fonctionnement de l'économie mondiale, les connexions géopolitiques entre pays, notamment entre les USA (qu'il ne semble pas porter dans son coeur et on le comprend) et l'Arabie Saoudite... de même, sur le fonctionnement pour le moins étrange de ce dernier pays. La documentation est impressionnante, vraiment, et j'ai appris plein de choses. Tout ceci est très réaliste – toute la partie où Markus travaille dans une société de logiciels, on dirait que c'est du vécu –, et je dirai que globalement on a un roman hyper-réaliste qui pourrait bien devenir visionnaire car
Eschbach ne manque pas non plus de talents d'extrapolation.
Alors me dira-t-on, si c'est si bien que ça, pourquoi autant de réserves ? J'y viens.
L'essentiel de mes réserves tient dans les digressions, je dirai même dans les longueurs. Celles qui m'ont le moins dérangé sont les digressions techniques et les longs dialogues entre personnages secondaires où l'auteur en profite pour placer (plaquer, même, parfois, et pas toujours discrètement) ses opinions... qui sont intéressantes et que je partage, pour l'essentiel, donc c'est un moindre mal. Et ma curiosité proverbiale pour tous les sujets, y compris techniques, a souvent sauvé les meubles, mais il faut plaindre le lecteur moins curieux des détails techniques.
Par contre, là où l'auteur m'a très souvent agacé, c'est avec ses digressions narratives. Bon sang, mais que de détails dont on se fout comme de l'an 40 (bien plus, même) et qui n'ont aucune incidence ni sur l'histoire, ni sur l'ambiance, ne contribuant qu'à épaissir le volume de manière totalement artificielle. Je trouve incroyable que l'éditeur n'ait pas exigé un dégraissage massif, je dirai de l'ordre de 20 à 25 % du livre. Il y aurait gagné à tous points de vue, et surtout en efficacité et en force d'impact.
Ce sont vraiment ces longueurs qui m'ont découragé plus d'une fois et m'ont poussé à poser ce pavé plusieurs jours, voire plusieurs semaines, et c'est bien dommage, parce que le propos est essentiel.