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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Les Sept Contre Thèbes d'Eschyle est l'épisode des Tragédies Labdacides (c'est-à-dire traitant de la famille royale de Thèbes par contraste aux Tragédies dites Atrides et traitant de la famille royale d'Argos qui a soutenu la fameuse Guerre de Troie) qui s'insère juste entre l'Oedipe Roi et l'Antigone de Sophocle.

Il s'agit de l'instant précis où Polynice, le fils d'Oedipe, chassé de Thèbes par son frère Étéocle, mobilise des souverains voisins pour faire valoir ses droits au trône de Thèbes et reprendre la couronne de la tête de son frère.

Sept armées se présentent donc aux sept portes de la cité Cadméenne, où Étéocle organise la défense héroïque de la ville. C'est lui qui se charge en personne de défendre la porte où se présente son frère Polynice.

La malédiction de la descendance du grand-père Laïos, qui a osé aller à l'encontre des volontés divines en ayant un fils, qui sera Oedipe, le célèbre parricide et incestueux rejeton de Jocaste, se poursuit par un bon vieux fratricide, lequel fratricide entraînera la fameuse et fatale révolte d'Antigone, mais n'anticipons pas sur le destin…

Le théâtre d'Eschyle est le plus archaïque des trois grands tragédiens grecs (Eschyle-Sophocle-Euripide). Et, s'il n'est pas l'inventeur stricto sensu de la tragédie, il en est le principal codificateur, et, en ce sens, l'authentique géniteur. C'est lui qui a introduit beaucoup des " nouveautés ", qui sont pour nous les marques les plus ostensibles du théâtre classique (masques, tenues spéciales, organisation de la scène et du choeur, utilisation de cothurnes pour les acteurs leur permettant d'être mieux vus et entendus du public, etc.).

La fonction civique du théâtre d'Eschyle est évidente, on pourrait même qualifier son théâtre de très « didactique ». Ici, dans Les Sept Contre Thèbes, même si le message d'allégeance aux dieux est omniprésent, le message qui semble le plus fort est celui de l'union civique, de faire front commun face à l'ennemi ou aux agresseurs de tout poil de la cité. Il fustige les femmes qui sapent le moral des troupes par leur effroi et leur cris de terreur face aux intimidations de l'ennemi.

On sait qu'Eschyle, outre le fait d'être un grand auteur et un grand acteur, était aussi un grand combattant dont le civisme (au sens patriotisme pour sa cité) n'était pas à questionner. Il s'empare d'un mythe connu de tous pour faire passer son message à lui : moins de paroles et plus d'actes. Les langues ne font pas de la belle ouvrage, quand vient le danger, retroussons-nous les manches et ne cédons pas à la panique.

Je trouve que cet antienne est très à la mode en ce moment, qu'on lui fait revêtir toute sorte de formes, toutes destinées à dresser les uns contre les autres, faisant de tels les défenseurs universels d'une soi-disant morale et tels les soi-disant dangers vis-à-vis de ladite soi-disant morale. Je me méfie toujours des étiquettes et des défenseurs auto-proclamés de quoi que ce soit.

Et sur un plan plus historique, je suis toujours surprise que cette thématique et cette pièce n'aient pas été plus mises en avant lors de la Révolution française et de l'attaque de la République par les diverses monarchies européennes, lesquelles attaques sont à l'origine de notre fameux hymne national. Je vous recopie des morceaux qu'on pourrait croire tout droit tirés de cette tragédie et vous affirme n'avoir pas changé plus de trois ou quatre mots par rapport à l'original (très souvent on s'arrête au premier couplet mais dans la suite de la Marseillaise, il y a des exhortations à la haine assez hallucinantes. Jugez plutôt :

« Allons enfants de Thèbes, le jour de gloire est arrivé ! Contre nous de la tyrannie, L'étendard sanglant est levé, Entendez-vous dans nos campagnes, Mugir ces féroces soldats ? Ils viennent jusque dans vos bras. Égorger vos fils, vos compagnes !

« Aux armes citoyens ! Formez vos bataillons, Marchons, marchons, Qu'un sang impur, Abreuve nos sillons.

« Quoi ces cohortes étrangères ! Feraient la loi dans nos foyers ! Quoi ! ces phalanges mercenaires, Terrasseraient nos fils guerriers ! Grands Dieux ! par des mains enchaînées, Nos fronts sous le joug se ploieraient, de vils despotes deviendraient, Les maîtres des destinées.

« Tremblez, tyrans et vous perfides, L'opprobre de tous les partis, Tremblez ! vos projets fratricides, Vont enfin recevoir leurs prix ! Tout est soldat pour vous combattre, S'ils tombent, nos jeunes héros, Thèbes en produit de nouveaux, Contre vous tout prêts à se battre.

« Amour sacré de la Cité, Conduis, soutiens nos bras vengeurs, Liberté, Liberté chérie, Combats avec tes défenseurs ! Sous nos drapeaux, que la victoire, Accoure à tes mâles accents, Que tes ennemis expirants, Voient ton triomphe et notre gloire ! »

C'est bluffant, n'est-ce pas ? Mais j'arrête là mes comparaisons oiseuses. Cette pièce se lit assez bien, même si elle réclame souvent ici ou là quelques explications. Je trouve qu'elle n'atteint pas la puissance littéraire et tragique d'un Sophocle, mais ce n'est là que mon avis à 7 contre 1, c'est-à-dire, bien peu de chose.
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Très mauvaise idée d'avoir choisi Les Sept contre Thèbes pour me frotter à Eschyle, pour des tas de raisons qui n'ont sans doute pas grand-chose à voir avec le talent d'Eschyle - encore faudrait-il que je sois capable de mesurer ce talent après avoir lu la traduction d'une telle pièce. J'aurais évidemment dû m'attaquer directement aux trois tragédies de L'Orestie, mais j'ai voulu faire le lien avec Antigone de Sophocle, qui était la dernière pièce grecque antique que j'avais lue et critiquée, et mieux connaître par le biais d'Eschyle les événements mythologiques précédant ceux de la pièce de Sophocle. Voilà qui ne m'aura strictement servi à rien, et certainement pas à apprécier apprécier Eschyle ; j'aurais mieux fait de consulter un bouquin sur la mythologie grecque.

Vite fait, je résume : après l'exil d'Oedipe, ses fils Polynice et Étéocle se partagent le pouvoir pour régner sur Thèbes, chacun restant tour à tour un an sur le trône. Alors, en général, on vous dira que Les Sept contre Thèbes débute au moment où, Étéocle ayant refusé de rendre le pouvoir, son frère Polynice prend les armes cntre lui (et contre sa ville) avec six alliés. Il faut préciser que Polynice avait lui-même refusé de rendre le trône auparavant, que le peuple le détestait car il se comportait en despote, qu'il avait été chassé de la cité et qu'il était allé demander la bénédiction de son père, lequel avait fini par maudire ses deux fils en leur souhaitant de s'entretuer, et que Polynice décide tout de même de reprendre Thèbes par la force (les versions peuvent cependant varier). Les Sept contre Thèbes démarre donc bien au moment où Thèbes va être assiégée par Polynice et ses alliés. Bref, tout ça paraît passionnant. Ça ne l'est pas.

Premier problème : j'ai lu la pièce dans une une traduction qui rendait très mal à mon oreille la rythmique et la mélodie de la pièce. Vous me direz que je ne lis pas le grec ancien, que je n'ai jamais lu le texte original, et que n'ayant pas assisté à une représentation des Sept contre Thèbes au Vème siècle avant notre ère, ou d'une autre pièce de la même époque, je suis très mal placée pour juger du rendu de la traduction d'une tragédie grecque antique. Vous n'aurez pas tort. N'empêche que j'ai lu d'autres traductions (d'ailleurs j'ai fini par aller comparer celle que j'avais sous le nez avec une autre) de pièces grecques antiques, et que, quand même, quand on ne ressent pas un tant soit peu la mélopée des lamentations du choeur (le choeur se lamente beaucoup dans les tragédies grecques, c'est une constante qu'on ne saurait nier), c'est gênant.

Second problème, et de taille : Eschyle pratiquait la trilogie liée. Il composait des ensembles de trois pièces (plus une satire) qui, si elles étaient distinctes les unes des autres, n'en n'étaient pas moins indissociables, car le projet du dramaturge visait à mettre en avant une destinée collective (familiale, civique, etc.) à laquelle les personnages ne pouvaient échapper. Pas de chance, il nous reste sept pièces d'Eschyle, dont trois seulement constituent une trilogie liée : c'est L'Orestie. Une seule pièce, Les Perses, ne relève pas du concept de tragédie liée. Quant aux autres, elles font bien partie de trilogies liées, mais on a malheureusement perdu les textes des deux autres tragédies qui leur étaient associées. Donc adieu la cohérence et le projet eschylien, adieu la compréhension directe de la pièce en elle-même, à moins d'avoir une édition très complète sous la main - avec préface, notice, dossier et tout cette sorte de choses à la clé -, ou à moins d'avoir suivi des cours, des conférences ou je ne sais quoi d'autre qui puisse éclairer la pièce. Les Sept contre Thèbes étant la dernière tragédie d'une trilogie liée, même si on connaît l'histoire des Labdacides, on est coupé de toute la destinée familiale et des pièces qui précédaient la nôtre - un Laïos et un Oedipe, si je ne m'abuse -, et on perd tout le fil déroulé patiemment par Eschyle.

Troisième problème : c'est très ennuyeux à lire. C'est le souci quand on est habitué à Sophocle et Euripide, qui manient avec pas mal de verve les dialogues, et qu'on n'est franchement pas familier d'Eschyle, qui pratique une forme de théâtre plus axée sur le rôle du choeur. Même si Eschyle avait introduit dans le théâtre grec un second protagoniste (un second acteur, alors qu'auparavant il n'y en avait qu'un seul qui échangeait avec le choeur et le coryphée), dans le but, j'imagine, de donner plus de corps aux dialogues, le texte reste plus ou moins figé à mes yeux. Bon, dans le cas des Sept contre Thèbes, il faut bien dire qu'en plus, les répliques du messager, qui vient avertir Étéocle des positions prises par tel ou tel guerrier, c'est pas folichon. Et que j'explique que le premier guerrier est Machin devant la première porte, avec tel armes et tel bouclier, et ceci, et cela, et ensuite même chose avec le second guerrier, et comme ça jusqu'au septième, Polynice. Les précédentes lamentations du choeur et les engueulades d'Étéocle à son encontre passaient quand même mieux. Enfin, quand on entend parler de Polynice, on se dit qu'il va se passer quelque chose, vu que les deux frères vont se battre et s'entretuer comme la malédiction paternelle l'exige. Eh ben même pas. Donc il faut attendre les répliques alternées d'Antigone et d'Ismène devant les corps de leurs frères pour que ça devienne accrocheur. Sauf que c'est la fin. le reste (très court) a été ajouté beaucoup plus tard, pour faire le lien avec l'Antigone de Sophocle. Ce qui est vache, soit dit en passant, vu que le personnage d'Antigone défiant l'autorité, c'est très probablement une idée originale de Sophocle ; du coup, là, on fait comme si c'était une idée d'Eschyle, et donc on trahit les deux auteurs en même temps ; allez hop, d'une pierre deux coups !

Je suis donc incapable de donner un point de vue objectif et intelligent sur Les Sept contre Thèbes, vous l'aurez compris : tout s'est ligué contre moi pour que je ne sois pas en condition d'apprécier cette pièce. Non seulement j'ai trouvé ça emmerdant à lire, mais je n'ose même pas imaginer ce que ça pourrait donner sur scène... Je déconseille vivement à qui serait aussi peu habitué que moi à Eschyle de l'aborder avec cette pièce.
Il est probable que lire Les Perses ou, mieux, Agamemnon (première tragédie de L'Orestie), aurait constitué pour moi un meilleur départ. Je vais tâcher de réparer ça du mieux que je pourrai dans un proche avenir, en espérant ne pas avoir été dégoûtée d'Eschyle à tout jamais ; c'est pas gagné, je me suis endormie récemment en essayant de lire Les Suppliantes. J'entends encore le bruit du livre tombant sur le parquet tandis que je sombrais dans l'inconscience après n'avoir même pas atteint dix pages...



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(...) La pièce commence alors que l'armée argienne et ses 7 chefs (d'où le titre) assiège Thèbes. Etéocle organise la défense de la cité, tente de rassurer la population et s'apprête à aller combattre son frère dans un duel fratricide où il ne peut y avoir de vainqueur. On est dans la tragédie, alors évidemment tout se finit mal pour tout le monde, mais la suite de l'histoire de cette famille maudite est racontée dans Antigone par Sophocle ou, dans une version plus récente, par Jean Anouilh (si ça vous intéresse de connaître la suite).

Je dois dire que j'ai trouvé cette pièce un peu difficile à apprécier, la présentation qui la précède et les notes de fin m'ont semblé plus intéressantes que le texte en lui-même. D'une part parce qu'il y a très peu d'action, surtout des lamentations de la part du choeur (qui représente les femmes de la cité) et des énumérations des assiégeants. Sans les explications, je serais passée à côté de la réflexion sur la notion de prédestination, par ex. Il faut dire qu'Eschyle ne rentre pas dans les détails, ce qui se comprend s'agissant d'une légende que les spectateurs de ses pièces connaissaient parfaitement.

Si je devais résumer mon impression sur cette pièce, je dirais qu'en tant que lectrice contemporaine j'aurais eu du mal à trouver là un quelconque intérêt s'il ne s'était pas agi d'une version commentée. D'ailleurs je crois que c'est le seul moyen de réellement comprendre ces pièces aujourd'hui: à travers les commentaires des spécialistes de l'Antiquité grecque…
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J'ai lu récemment "Oedipe à Colone", de Sophocle, et l'envie m'a pris de découvrir "Les sept contre Thèbes", d'Eschyle. Ces deux tragédies ont un point commun: elles évoquent le destin d'Oedipe et de sa descendance. La tragédie d'Eschyle est focalisée sur un seul moment de la malédiction qui pèse sur cette famille; l'intrigue se résume en quelques mots. Les deux fils d'Oedipe se disputent la royauté de Thèbes: Etéocle a chassé de la ville son frère Polynice et celui-ci, allié à sept illustres guerriers d'Argos, revient devant Thèbes pour la (re)conquérir. le début de la pièce correspond à l'attente de l'assaut: le choeur exprime sa terreur, alors qu'Etéocle montre sa fermeté. La défense des sept portes de Thèbes contre les sept ennemis est longuement évoquée. Puis Etéocle se dirige vers la porte prise d'assaut par Polynice. On apprend peu après que les deux frères se sont entretués - cette horreur fait partie de la malédiction divine. Une décision est alors prise. le corps du défenseur de la ville bénéficiera de tous les rites funéraires. Au contraire, le cadavre de l'agresseur sera abandonné sans sépulture: une des pires punitions possibles. Antigone fille d'Oedipe annonce que, malgré cet édit, elle donnera un sépulture décente à Polynice.

Voici une vieille histoire mille fois ressassée, dont les origines (légendaires ?) sont mal connues, mais qui est définitivement passée à la postérité grâce aux auteurs tragiques grecs. Quand l'auteur décrit les combats autour de Thèbes, le récit prend une allure épique. La guerre est évoquée lyriquement avec des dimensions démesurées. En réalité - dans l'hypothèse où ce récit reposerait sur des bases historiques - seulement quelques centaines d'hommes ont dû s'affronter dans ce siège ! Moi-même j'ai eu l'occasion de m'arrêter à Thèbes lors d'un voyage touristique: quelle déception ai-je éprouvée devant cette ville étriquée et provinciale !
Tout ceci pour souligner qu'Eschyle se trouve extrêmement éloigné de notre plat réalisme. Tout est sublimé, exagéré, lyriquement grandi. Objectivement, l'action parait pauvre et progresse lentement, il y a beaucoup de discours fleuris et prolixes, les sentiments s'étalent avec éloquence ou poésie. Mais d'autres éléments dépassant les individus jouent un rôle essentiel, sous-tendant l'intrigue de la pièce: le patriotisme des Thébains, la religiosité des citoyens, la volonté des dieux, etc…
Avant Sophocle, Eschyle a codifié la tragédie grecque. Dans ce cadre, le rôle du choeur (inconnu dans les tragédies modernes) est d'une grande importance. Il contribue aux divines longueurs du tragédien, qui est plus poète que conteur. Inutile de préciser qu'avant de lire "Les sept contre Thèbes" ou d'assister à sa représentation, il faut être bien averti des conceptions qui ont présidé à sa création.
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