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EAN : 9782707159045
128 pages
La Découverte (19/11/2009)
4/5   4 notes
Résumé :

Public d'une pièce de théâtre, d'une série télévisée, d'une exposition, d'un concert de rock, d'un livre... Pour les sociologues, les publics sont particulièrement difficiles à étudier : où trouver celui de Bienvenue chez les Ch'tis ou celui de Bruno Latour ? Ce livre fait le point sur les diverses façons d'envisager cette notion indispensable et fuyante. Les sociologues ont suivi des chemins var... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
A partir d'une très riche documentation, comprenant de nombreuses références (auteurs, études, et très belle bibliographie) et beaucoup d'enquêtes, d'exemples et de chiffres, la Sociologie des publics se déploie suivant les grandes thèses de "la réception" qui obéissent à 6 logiques distinctes (les 6 premiers chapitres) : 1) le public serait déterminé par l'objet-dont-il-y-a-public (ch.1) ; 2) point de vue des enquêtes statistiques sur les publics (ch.2) ; 3) le public serait une "masse manipulée" par les logiques commerciales des objets (ch.3) ; 4) la relation entre l'oeuvre et le public serait d'abord déterminée par la hiérarchie des classes sociales (Bourdieu et sa suite, ch.4) ; 5) le public serait défini à partir des divisions sexuelles, culturelles ou nationales (ch.5) ; 6) le public pensé par la tradition contemporaine de l'ethnographie, qui privilégie l'idée d'interactions (ch.6) ; enfin, le 7ème et dernier chapitre présente essentiellement la question des effets des produits culturels sur la vie des publics (et ce que devrait être la sociologie des publics dans l'avenir).
La clarté du plan et l'analyse détaillée de l'auteur donnent une image nette de ce champ sociologique et permettent d'examiner en détail ce que peut être un public et comment le discerner. Mais malgré cet effort de clarté, le problème de l'hétérogénéité du public, son caractère varié, n'est pas réduit et garde un rôle dominant tout au long de l'ouvrage. Pourtant, la complexité de la notion de public rend la tâche intéressante et donne encore plus envie de saisir la formation et l'identité (ainsi que la dynamique) des publics d'un objet culturel. Sont donc beaucoup étudiés les publics de la télévision, ou du cinéma, et un petit peu de la lecture (moins de l'art ou du théâtre). Finalement, une fois lu et compris les 5 premiers chapitres, ce sont surtout les deux derniers qui paraissent riches de promesses pour la suite de la sociologie des publics. En effet, les perspectives compréhensives du public font une place à la question de l'interaction suscitée par la réception et à l'acceptation d'un public hétérogène qui serait alors capable de plusieurs usages des médias dans la vie quotidienne. La réception engendrerait ainsi des "assemblages hétéroclites" sur un même objet culturel ; c'est dire que le public a un pouvoir (en puissance, pas toujours effectif) de "prise" et donc que l'engagement culturel est possible.
Il y a donc bien un "jeu de la réception" où plusieurs acteurs ont leur rôle à jouer (des logiques commerciales et des industries culturelles, aux stratifications sociales, en passant par les critiques légitimes, sans oublier bien évidemment le public de l'objet, avec tout ce que cela comporte d'enjeux sociaux). C'est-à-dire qu'il y a ce qu'Esquenazi nomme au ch.7 des "cadres de participation et des cadres d'interprétation" où le public est toujours au premier rang. Autrement dit, le spectateur peut accomplir des actes, Esquenazi insiste : il faut aussi "considérer la réception comme une activité" (p.107). La réception n'est certainement pas une chose figée : elle n'est pas uniforme et il y a en elle du mouvement.
Enfin, le problème du public n'est pas clos d'un point de vue sociologique : l'étude des processus d'interprétation ne fait que commencer (peu exploitée jusque-là), alors qu'il est manifeste que "le public-interprète est un acteur fondamental de la construction du sens" nous dit l'auteur. D'ailleurs cette construction de sens est dynamique et intense, et fait appel à l'énonciation (une théorie du langage est ici possible) et l'interprétation au sein d'un "processus social dont l'oeuvre est l'occasion" (p.111). Plusieurs problématiques se dessinent alors, posées avec pertinence par l'auteur à la fin de son ouvrage, avec toujours cet effort de clarté qui est le bienvenu. Par conséquent la question du public demeure toujours, mais elle se trouve moins fuyante et plus riche (et presque fascinante), après ces explications qui montrent la double nécessité de : rassembler les approches pour plus de résultats et pour une meilleure vue d'ensemble, et comprendre aujourd'hui plus encore (dans cette société du divertissement) les attitudes des publics -en délimitant les contours du travail (en assumant les limites) afin "d'augmenter son pouvoir de résonance" (p.116).
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Il y a ceux qui adorent Johnny Halliday, les matchs de foot, les feuilletons télé... Et ceux qui ne jurent que par le jazz ou la musique classique. Ces deux catégories d'ailleurs se méprisent réciproquement, ou du moins se méfient l'une de l'autre.

Mais qu'est-ce qui explique ces divisions? Ce petit ouvrage, très facile à lire, fait le tour de la question. Un tour d'horizon des différentes études et théories sociologiques.

On y apprend une foule de choses. Par exemple, sur les séries télé: elles peuvent influencer leurs fans... et réciproquement: leurs fans peuvent influencer leur contenu. Elles sont interprétées par les spectateurs de différentes manières selon le genre, la culture (les exemples de Dallas, Friends, ou Hill Street Blues sont extrêmement éclairants sur ce point). Autre info surprenante: selon une étude, les ouvriers regardaient autant Thalassa, et fréquentent presque autant les galeries d'art que les cadres supérieurs (20% contre 26%).

Le rôle des producteurs est également analysé en théorie et en pratique: par exemple, comment Sartre a fabriqué Jean Genet, comment Van Gogh est devenu un artiste mythique, ou encore, comment le stéréotype de la prostituée s'est construit au 19ème siècle. La fonction des spectacles de masse n'est pas oubliée: hurler avec 40 000 autres supporters dans un stade, s'agiter au milieu de la foule lors d'un concert, répondent au besoin de faire partie d'une communauté.

Au final, le public existe-t'il vraiment? Nos attitudes sont très diversifiées. Car on peut certainement aimer à la fois les films de Godard et les matches de foot. le niveau social, le sexe, la culture, les compétences, l'origine ethnique, l'histoire nationale, l'expérience personnelle, composent ce terreau bigarré, sur lequel nous recevons des oeuvres concoctées par les industries culturelles - soumises aux lois de l'économie. Un des grands mérites du livre est de montrer que ce terreau, quelle que soit sa composition, est toujours fertile. Un autre est de ne pas prendre parti, mais de révéler la complexité de tous ces mécanismes.

Au passage, cette complexité devrait inciter les thuriféraires de l'intersectionnalité à un peu plus d'humilité...
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
L'espace de la réception serait divisé en un ensemble d'interprétations déjà connues, déjà structurées dans un champ polémique où les prises de position sont en même temps des coups dans le jeu social exécutés par les membres du public, et un ensemble d'appropriations compréhensives d'objets par des "non-publics", c'est-à-dire des publics dont les goûts illégitimes ne sont pas reconnus dans l'espace public. Bien sûr, chaque domaine est essentiellement dynamique, et il suffit qu'une posture illégitime soit défendue par un acteur social disposant d'un poids suffisant pour que celle-ci puisse devenir position dans le champ. L'étude de la réception, dans cette perspective, ne serait pas réduite à l'étude d'un contact ou d'une rencontre, mais engagerait l'articulation d'une situation (de réception) à l'état de l'espace social.
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Odin distingue neuf modes différents qui peuvent être convoqués par le spectateur séparément, successivement ou conjointement durant toute projection cinématographique: les modes spectaculaire, fictionnalisant et documentaire sont les plus connus. le spectateur fabulisant cherche à tirer une leçon du film. Dans le mode artistique, il voit le film comme la production d'un auteur et dans le mode esthétique, comme un travail sur les images et les sons. Il veut en tirer un discours quand il regarde sur un mode argumentatif/persuasif. Il veut vibrer aux images quand il les regarde de façon énergétique et s'intéresse à son propre vécu quand il observe leur valeur privée.
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Un public, dès qu'il se sent concerné par un objet, se sent autorisé à parler de lui et même pour lui, jusqu'à vouloir le redéfinir.
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Video de Jean-Pierre Esquenazi (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean-Pierre Esquenazi
Jean-Pierre Esquenazi est sociologue à l'Université Lyon III. Il est spécialiste des rapports qu'entretient le public avec la télévision. Il est amoureux des séries télévisées américaines, des séries policières en particulier. Interviewé par Benoît Lagane pour l'émission de Jean Lebrun, diffusée tous les jours à 18h30 sur France Culture, il a été également filmé pour les Bonus Vidéo de notre site. Il nous parle ici de sa passion pour les séries télévisées et en particulier la série NYPD Blue.
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