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Critique de deidamie


« Bonjour les Babélionautes ! Aujourd'hui, j'avance dans le challenge Multi-Défis avec l'item « livre dans ta PAL depuis cinq ans » avec un bouquin prévu depuis 1995. Ca va, j'ai un peu de marge, ça devrait passer fastoche.

-1995 ? Sérieusement ? Tu es capable de te souvenir d'un titre entraperçu il y a plus de vingt ans ?

-Non, je n'en suis pas capable. Je suis capable de me souvenir d'un seul titre pendant une vingtaine d'années et c'est celui-ci : depuis que j'ai vu Les épices de la passion sur une chaîne cryptée, film adapté du roman Chocolat amer, de Laura Esquivel.

Or donc Tita, benjamine d'une sororie* de trois, est vouée au célibat : une tradition familiale oblige la plus jeune fille à rester au service de la mère toute sa vie. Hélas, Tita est amoureuse de Pedro, et réciproquement. Pedro épouse alors Rosaura, l'aînée, pour rester auprès de son amante. Tita pleure beaucoup. Dès la première page, d'ailleurs. Et cuisine. Enormément. Bref, passionnant !

-Attends. Tu es en train de me dire que l'histoire de l'amour malheureux et frustré d'une jeune fille qui verse des hectolitres de larmes en remuant des casseroles, c'est passionnant ?

-Absolument. Et j'irai même plus loin : la famille de Tita est hautement toxique et prend soin de la rendre malheureuse.

-Mais quelle horreur ! je lis pas ça, moi !

-Tu as tort pour deux raisons : le drame est très fortement atténué par une narration légère, pleine d'un humour tendre pour elle et amer pour qui la tourmente. Et Tita résiste, comme elle peut, parfois sans le vouloir grâce à sa cuisine, elle n'est pas qu'une victime passive, elle se révolte avec ses moyens.

Quant à la deuxième raison, la voici : Laura Esquivel signe une chronique familiale, certes, mais sans le réalisme qui d'habitude assaisonne l'exercice. le roman est fortement empreint de fantastique. La cuisine de Tita est magique : quiconque la goûte subira les effets de son humeur ou les conséquences de ses souhaits. Elle-même n'en semble pas complètement consciente, d'ailleurs.

-Ah bon. C'est un roman fantastique.

-Oui… et non… disons que la magie s'invite dans la vie quotidienne. C'est aussi un roman culinaire et historique : de nombreuses recettes ponctuent l'action. Quand je dis « historique », ce n'est pas seulement à cause de la révolution en toile de fond, mais aussi à cause de tout l'aspect documentaire de la vie quotidienne de l'époque. J'ai adoré découvrir le travail d'une ferme mexicaine, les trucs et astuces de conservation en l'absence de réfrigérateur…

-Les recettes, c'est un peu casse-pieds, non ?

-Non. ‘Fin, je n'ai pas trouvé. Je n'aime pas beaucoup la cuisine qui pique, le piment ne me fait donc pas rêver, mais j'ai éprouvé une grande satisfaction à apprendre des mots, des recettes et des plats inconnus. J'ai admiré le travail éreintant, épuisant que représente la cuisine traditionnelle.

Et en dernier lieu, il reste quelque chose de fascinant dans ce texte : le temps.

L'histoire est découpée en chapitres : un pour chaque mois de l'année. L'on pourrait donc supposer que l'intrigue dure un an. Illusion littéraire, en réalité. La narration oscille sans cesse entre passé et présent, et le présent ne se passe pas forcément quand on le croit…

Roman triste, roman drôle, sensuel, dénonçant l'hypocrisie de règles absurdes, Chocolat amer ne m'a pas déçue, loin de là. Je regrette à vrai dire de ne pas l'avoir lu plus tôt et le relirai pour mieux m'en approprier les mots. »

*Sororie : équivalent féminin de fratrie.
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