Citations sur Messe de granit (26)
Orme n'a plus mal. Il mange lentement en regardant par la fenêtre. Il observe aussi les moines et se demande comment les gens, ailleurs dans le monde, peuvent engloutir tant de nourriture avec tant de bavardages (et lui-même, lorsqu'il était bien portant) (p.48)
_ Longtemps je me suis préoccupé du mal. J'ai voulu savoir à quoi ça ressemblait. Ca ne ressemble à rien, c'est commun, ordinaire, c'est presque comme tout le monde. C'est parfois un ami, parfois un ennemi, il n'a que le visage qu'on lui prête, mais il n'a pas de pitié. C'est sa différence avec le bien : le mal ne connaît pas la pitié. (p.84)
Il tourne la tête pour écouter.
C'est probablement un troupeau. Il se remet à marcher, il aimerait parler à quelqu'un et qu'il lui soit répondu quelque chose de beau, de vrai, quelque chose qui l'encourage à rester. (p.51)
Soudain, tout lui paraît neuf, tant de choses qu'il croyait avoir vues, tant de choses qu'il pensait connaître par coeur, et le voilà éberlué. (p.23)
Pourquoi veut-il aller dans ce monastère ? (...)
Pourquoi une épreuve supplémentaire ? Lui qui ne se sent fait pour aucune épreuve, lui qui n'est fait pour rien de particulier. Magasinier dans une bibliothèque, puis convalescent, rien d'un cénobite, rien, vraiment ! Assis là, il attend. Il sait qu'à partir de maintenant (c'est-à-dire depuis qu'il a quitté l'hôpital) sa vie ne sera qu'une attente. Non pas vaine attente comme elle semble l'avoir été jusque-là, non pas vie reçue par hasard et vécue distraitement, mais vie qui serait en attente de la vie. Voilà ce qu'il veut . (p.34)
Peu de mots. A l'hôpital, il faut garder ses forces pour les phrases qui en valent la peine. (p. 16)
Cependant nous sommes seuls à pouvoir nous absoudre, personne n’échappe à la condition d’être, d’exister . (p. 87)
Travail de ses mains, travail purificateur qui l'empêche de trop penser, qui l'aide à vider de sa tête le trop plein de son coeur. (p.105)
A l’hôpital le corps tout entier est convoqué, entraîné dans ces attentes, faites de tensions et de doutes, ici, rien de tout cela. Le corps est en paix, c’est l’esprit qui cherche à s’apaiser en puisant dans le silence. Pour certains la prière joue ce rôle, pour lui qui n’a pas la foi, c’est la contemplation des montagnes, des discussions avec Lombard. Car ici, sans rien pour oublier, dans un face-à-face avec soi-même, l’esprit souffre. (p. 63)
Il marche les mains dans les poches sur la petite route qui surplombe le monastère. Silence et silence. A s'en faire mal aux oreilles, à s'en laver le coeur. Il voulait poser des questions à l'abbé sur le bien et le mal, la mort, la résurrection, il n'a pas trouvé les mots. Il lui reste la fatigue, la grande fatigue des hommes qui marchent sous un ciel muet. (p. 72)