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Ce livre devrait être lu par tout le monde. Un réalité à découvrir d'une autre façon que par les médias qui relatent leurs propres vérités, la vérité à sensation, la vérité des gouvernements, la vérité qui fait peur et qui laisse le spectateur face à une vision effrayante. Les réfugiés, les sans-papiers, les demandeurs d'asiles, ou quelque soit le nom qu'on leur donne sont avant tout des humains ; avec leur propre histoire passée, avec leur famille laissée derrière eux, avec leurs peurs, leurs espoirs, ou juste avec leur envie de vivre ou de survivre.
Ici, l'auteur nous montre cette humanité. Les réfugiés ne sont plus des réfugiés, ils ont un prénom. On se rend compte que pour arriver en France, ils sont passés par des étapes traumatisantes et que ce parcours n'est malheureusement pas terminé. Rien n'est certain pour eux, encore moins leur avenir. Et pourtant ce livre n'est pas sans espoir. Ce livre, c'est une bouffée d'oxygène, c'est un échange, ce sont des rencontres...
Jamais plus mon regard ne sera le même.
Merci à Marie-France Etchegoin. Et merci aussi à mon amie Christelle pour m'avoir prêté ce livre.
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***

Ils viennent d'arriver en France, après des parcours tous différents mais tous avec leur lot de souffrances et de traumatismes. Ceux qui se retrouvent dans l'ancien lycée hôtelier transformé en centre d'hébergement d'urgence peuvent assister à des cours de français. Marie-France Etchegoin est là depuis 18 mois, à les accueillir, leur parler, les imprégner de cette nouvelle langue qui leur paraît bien étrange. Elle les écoute aussi, apprend à les connaître et à échanger. Elle donne autant qu'elle reçoit...

Même si je ne m'attendais pas à ce style documentaire, j'ai apprécié l'écriture de cette journaliste. Marie-France Etchegoin a les mots pour nous faire partager son expérience et la difficulté de ces hommes coupes de tout. Elle décrit avec justesse ce que les mots dépassent, ce que cette nouvelle langue surmonte et ce que ces cours délient...

Merci à NetGalley et aux éditions JC Lattès pour leur confiance.
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Écrivaine, journaliste, auteure de nombreux essais, et ancienne rédactrice en chef de L'Obs, Marie-France Etchegoin s'est essayée au métier… de « professeur » pour des réfugiés venus d'Afghanistan, du Soudan, d'Erythrée, du Tchad, d'Ethiopie ou de Guinée. Dans " J'apprends le français " paru aux éditions JC Lattès en 2018, elle  témoigne de ces rencontres, émouvantes et enrichissantes, dans un apprentissage réciproque.
Ils sont Aldon, Abdou, Sharokan, Ibrahim, Suleyman, Salomon et bien d'autres encore. Ils sont migrants.
Elle est Marie-France, journaliste et bénévole dans un centre d'hébergement d'urgence pour demandeurs d'asile à Paris.
p. 98 : " J'y vais parce que je reçois plus que je donne. "
En immersion dans ce huit-clos, l'auteure nous raconte ces rencontres autour des mots. Des hommes qui ont tout quitté pour fuir l'indicible. Ils sont très jeunes pour la plupart et doivent tout ré-apprendre. Une nouvelle langue, une nouvelle culture, un nouveau système. Alors c'est un challenge quotidien pour Marie-France de leur enseigner les subtilités de la langue française. Si elle met un point d'honneur à leur inculquer le vouvoiement par exemple, elle l'explique par sa volonté de marquer le respect. Il faut tout recommencer à zéro. Comme avec des enfants. Mais ce ne sont pas des enfants. Ce sont des hommes qui portent en eux de profondes blessures. Des histoires de vie particulièrement douloureuses qui s'immiscent au compte goutte dans des moments de confidences. Autour d'anecdotes aussi drôles que tragiques, l'auteure évolue au grès des situations administratives et légales de chacun. Parce qu'ils ne sont pas que des migrants. Ils sont des hommes, des maris, des pères, des fils, des frères. Chaque semaine apporte son flot de nouveaux arrivants ; son flot d'histoires.
L'écriture journalistique appuyée par sa forme, est le témoignage bouleversant d'une réalité factuelle. Cette lecture est une bouffée d'humanité et d'espoir, qui fait tant de bien par ces temps gangrenés par le sentiment d'insécurité.

p. 285 : " L'accueil de l'étranger n'est pas une charité mais un échange. Il nous ouvre un monde dont nous n'avons pas idée. Il démultiplie nos points de vue, enrichit nos perceptions. Nous en tirons bénéfices. L'accueil, l'hospitalité, l'entraide, la solidarité, la fraternité, l'humanisme, peu importe comment on appelle ce geste ou ce mouvement de l'âme, peu importe qu'il procède d'une éthique, d'une croyance ou d'un heureux caractère, peu importe qu'il soit un engagement ou un passe-temps, plus nous serons nombreux à l'expérimenter, plus les barrières tomberont, plus les politiques s'infléchiront. "
Lien : https://missbook85.wordpress..
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Quels itinéraires !
"J'apprends le Français", avec tous ces mots épurés, glaçants, épiques, émouvants. Je suis scotché, dégrisé, déplumé par les récits de ces émigrés
Aldon, Abdou, Sharokan, Ibrahim, Suleyman... !
Un combat pour une renaissance, celui que partage maintenant Marie.

Mari-France Etchegoin est un prof, qui leur donne des cours de Français.


Elle commence par ces mots si simples.
"Bonjour je suis Marie. Et vous ?
Je suis Sharokan.
Apprendre à dire Je.
Je Moi, unique, irremplaçable, ce rituel apprend à dire être, sans lequel on n'est rien. Comment être quand on a tout perdu. Page 11".


Mais peut-on dire je dans un monde où dire je est un risque, parfois un combat, voir une folie. Dans ces vies marchandisées par les passeurs, et les trafiquants, les mots qui reviennent décrivent des bourbiers Afgans ou érythréens.
Leur vie est entravée aussi par la pauvreté ou brisée par les ségrégations ethniques ou les paranoïas religieuses.

Parfois ils n'avaient pas le choix, désigné pour partir, vous avez la charge de gagner de l'argent pour votre famille. Un exil pour nourrir tous les autres.


"Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien », Article 13 de la déclaration universelle des droits de l'Homme."
Qui suis-je pour vous juger ?
Dans nos regards vous étiez au mieux des ombres, une cohorte de silhouettes sans visage. Au pire une déferlante, des spectres au milieu des noyés, une jungle, un entassement de douleurs et de blessures.

Pour ceux qui ont pu survivre ils se retrouvent dans les limbes de l'administration sous l'un des 7 ou 8 vocables qui identifient les émigrés selon leur probabilité de devenir français, ADA,DNA.....


Vous vous êtes arrachés à tout, à votre père et à votre mère, à votre terre et à votre langue.
Vous tentez de faire le deuil de votre langue, renaitre à vous même et aux autres, à une langue, exprimer vos émotions avec les mots des autres, avant qu'ils deviennent votre propre langage et votre musicalité originelle.
Ils sont hébergés dans un ancien lycée hôtelier.
Mari-France Etchegoin est leur prof, leur espoir.


"Tous deux avaient presque l'air hilare, comme si leur vie était une farce tragique dont ils ne pouvaient s'extraire que par le rire.
Le rire est peut être la politesse de l'espoir.
P 112"


"Je veux du Cacao, je veux des oiseaux.
Peut on demander à ceux qui ont côtoyé la mort de chanter ce genre de comptine?
Ils chantent pourtant.
Il y a de la joie pendant quelques instants. les muscles se déverrouillent.
Les corps se redressent commente Marie page 70."


La langue maternelle est celle qui accepte le lapsus et donc tout ce qui l'accompagne : le rêve, l'humour, le trait d'esprit.
Pourtant, Mahmoud illettré, ancien esclave, ironise en français.
Il y a une Oasis, Sebha au milieu du désert, c'est la plaque tournante du commerce d'esclaves.


"J'écoute page 241, le récit d'Abdou, ou de salomon, les images de 12 hommes négociés sur un parking.
Qui a besoin d'un mineur ? C'est un homme fort, il va creuser... 500 Dinars 550 ? 600 ? 650..."

Je retrouve le petit groupe, le musicien, le polyglotte, le roseau, ou le footballeur. Un pack, un noyau dur. Un socle étonnant.
"Ce sont des déracinés et pourtant ils m'ancrent avoue t-elle page 150."
Aldon m'a confié que le plus dur, pour lui, s'il était refoulé ne serait pas de se remettre en chemin, mais bien de quitter une langue et la perdre à jamais.
Comment quitter un tel livre.
Il se posera bien au dessus des Goncourts.
Devenir une étoile, un cap, une étrave.
Peut-on aimer une langue à ce point ?






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Un centre d'hébergement d'urgence dans un ancien lycée hôtelier. Marie-France Etchegoin y enseigne le français deux fois par semaine. Elle s'est lancée parce que c'était tout près de chez elle, comme on s'investit dans une bonne résolution de fin d'année, sans analyser plus que ça ses motivations. Les gens qu'elle a appris à connaître, la difficulté d'enseigner quand ce n'est pas son métier, ce que ça révèle de ses propres constructions mentales, tout a concouru à former une expérience hors du commun. C'est une chose d'avoir vaguement en tête les « bourbiers » des situations dramatiques hors de nos frontières, c'en est une tout autre de recevoir en pleine poire les impasses des gens qu'on côtoie. Réalités concrètes de la géopolitique contemporaine, merdier sans nom des politiques migratoires, indignité des structures françaises, tout est là. Et ça plombe. le récit que nous offre Marie-France Etchegoin est salutaire et elle parvient à le rendre attachant. En choisissant de rester dans un registre oral, très vivant, elle rend un bel hommage à ces hommes dont elle a partagé une tranche de vie et se livre elle-même généreusement. A lire !
Lien : https://cuneipage.wordpress...
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Depuis un an et demi Marie-France Etchegoin donne deux soirs par semaine des cours d'apprentissage du français à des migrants afghans, érythréens ou soudanais pour la majeure partie. Elle raconte leurs difficultés et les causes probables de ces difficultés d'apprentissage (imagine juste que tu es balancé en Erythrée et que tu dois te débrouiller pour communiquer en tigrigna)(après un voyage de tous les dangers, pas en avion confortable)(et ton pays d'origine c'est pas le club méd)(et sous la menace d'une expulsion sans trop crier gare).

Elle raconte aussi comment elle se débrouille, bricolant sa méthode, utilisant d'instinct un processus basé sur l'apprentissage de la langue maternelle. Se souvenant de ses propres apprentissages, car Marie-France Etchegoin ne reste pas 'hors sol' dans cette narration.

Rappelant brièvement mais tellement clairement la signification de tous ces sigles ponctuant le 'parcours du combattant' des migrants, parcours souvent interrompu par l'administration, elle explique aussi ce qu'est un 'dubliné'.

Puis les langues se délient un peu et elle relate le parcours avant France de certains de ses 'élèves', parcours dont on entend vaguement parler dans les médias, bien sûr, mais quand il s'agit de personnes juste là devant elle, ça imprime beaucoup mieux. Certains détails sont franchement révoltants.

Elle donne, oui, mais elle reçoit.

Lien : https://enlisantenvoyageant...
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Journaliste spécialisée dans les sujets de société révélateurs et dans les enquêtes sur les affaires criminelles, Marie-France Etchegoin rend compte dans ce livre (mi-récit mi-essai) de son expérience d'enseignante bénévole dans un centre d'hébergement d'urgence pour demandeurs d'asile.

Nous sommes en 2017. Ils viennent du Soudan, d'Afghanistan, de Syrie et d'une vingtaine d'autres pays et se retrouvent sans ressources, sans travail, chacun avec sa langue dans un pays étranger, le nôtre. Elle vit à Paris avec mari, enfants, travail et prend ses vacances "dans le sud". Leurs chemins se croisent.

Avec délicatesse, par petites touches, sans jugement et en essayant de garder la bonne distance, la narratrice nous décrit le patient apprentissage de notre langue par ces jeunes hommes dotés de niveaux de formation très différents les uns des autres. Cette description s'étale sur un an et demi ; elle illustre par de nombreux exemples les surprises que leur provoquent nos tournures, nos conjugaisons, notre vocabulaire et notre grammaire. Ne serait-ce que pour ce regard décalé porté sur la langue française, ce livre vaut la peine d'être lu.

Mais il a plus, beaucoup plus. Sans leçon de morale, l'auteure nous interroge sur la qualité de l'accueil que la France offre à ces hommes à la recherche d'une relative stabilité, sur les arcanes des circuits administratifs, sur la jungle des acronymes au milieu de laquelle ils doivent se battre pour obtenir ne serait-ce que le droit de postuler à un statut. Marie-France Etchegoin décrit une belle expérience d'apprivoisement réciproque, la découverte progressive des parcours d'exil et le pouvoir de l'enseignement intuitif lorsqu'il est animé par l'empathie (car même si on pourrait lui reprocher l'absence de méthode, force est de reconnaître une féconde efficacité à son amateurisme : à l'évidence le bénévolat l'emporte ici sur le professionnalisme : la transmission va au-delà de l'apprentissage de la langue, elle porte en elle un véritable humanisme).

En refermant l'ouvrage, vous ne pourrez plus faire comme si vous ne saviez pas ; vous en saurez beaucoup plus sur ce que signifie l'exil que si vous aviez lu de nombreux articles dans les médias, car vous le saurez "de l'intérieur", vous aurez partagé votre temps avec des personnes qui vous auront apporté en échange de votre "enseignement" un peu de leur humour, de leur savoir et de leur sagesse.
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Le récit d'une expérience qui n'est pas sans avoir un écho personnel. Je partage pleinement les joies, les craintes, les incompréhensions de Marie-France Etchegoin pour les avoir moi-même expérimentées avec des plus jeunes issus de familles réfugiées, demandeurs d'asile... J'ai envie de dire que c'est un écrit où le coeur a une large place ; un récit dans lequel l'espoir et le désespoir se battent à part égale.
J'ai accompagné des Abdelaziz, Abderhaman, Souroure, Mamadou... et bien d'autres dont les regards étaient bien plus expressifs que tous les mots de notre si belle( mais rétive) langue française.
Et bien sûr; je partage les ressentis de l'auteur(e) vis à vis de nos politiques qui n'ont aucune idée réelle des conditions de vie de tous ces "déplacés".
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J'apprends le français » ou comment apprendre à connaitre l'autre, les autres, apprendre à partager, apprendre à comprendre, apprendre à s'engager. Ils viennent de partout et ont la sensation d'être nulle part. Ils ont une langue vernaculaire, la plupart ont de bonnes notions en anglais, certains sont même polyglottes, mais maitrisent peu ou pas du tout le français. Ils s'appellent Abdullah, Aldon, Ibrahim, Mohamed, Salomon, Mounir, Suleyman, ensemble et pourtant tous sont isolés dans ce centre d'hébergement d'urgence pour les réfugiés masculins dans le XIX° arrondissement de Paris.

La journaliste Marie-France Etchegoin raconte leurs histoires. Elle les côtoie parce qu'elle est bénévole dans ce centre pour apprendre aux migrants la langue de Molière, de Proust, de Baudelaire, de Sand ; étape indispensable pour permettre à ces errants de la vie de pouvoir tenter leur chance d'un avenir meilleur. Par la connaissance de la langue et ses subtilités, ils pourront mieux expliquer leur exil forcé, ils pourront espérer un travail, seule la communication entre les peuples permet l'intégration et l'entente les uns envers les autres.

Malgré le terrible thème, je dirai que ce livre est beau. Un témoignage salutaire où Marie-France Etchegoin explique simplement, sans fioritures, sans angélisme, son travail de bénévole, comment elle donne ses cours entre quelques hésitations d'ordre culturel (car elle a le souci permanent de prendre soin de ne blesser personne) et beaucoup d'espoir, de convictions. Offrir un peu de son temps, palier au manque des autorités pour redonner le goût de vivre et d'entreprendre à des êtres humains qui ont tout, mais absolument tout perdu. Au fur et à mesure, ils dévoilent à leur professeure leurs parcours, ce qu'ils ont abandonné, ce qu'ils ont subi, de l'humiliation à la torture. Certains se confient plus rapidement, d'autres avec difficulté, mais toujours avec pudeur.

Lire cet ouvrage vous permettra en quelques centaines de pages de vous rendre compte concrètement de la situation au Soudan, au Darfour, en Afghanistan (à l'heure où j'écris ces lignes, un attentat dans un centre électoral Kaboul fait plus de 30 morts et 50 blessés), en Erythrée. J'ajoute même, ce qui est rare, une mention spéciale. Pour saluer le courage de l'auteure en dénonçant l'hypocrisie des dirigeants, des hauts dirigeants, qui promettent mais ne font rien ou le contraire de leurs promesses et, qui s'associent avec des dictateurs pour soi-disant une bonne cause…

Par le ton direct employé, on perçoit très clairement la stricte réalité de la condition des migrants, ce parcours du combattant nécessaire pour obtenir un statut, les 1001 obstacles administratifs pour limiter l'accueil et donc l'insertion, par exemple, celui de cette interdiction de travailler tant qu'il n'y a pas de régularisation de papiers (alors que d'autres pays européens n'ont pas voté une telle loi absurde), le labyrinthe des acronymes...
On découvre également certains mots, oui, des mots créés spécifiquement pour les migrants, celui de « dubliné » néologisme suite aux accords de Dublin et toutes les aberrations pour empêcher ces humains de retrouver le sourire (qu'ils gardent d'ailleurs malgré tout).

Des chapitres courts, de l'humour, car c'est la politesse du désespoir mais peut-être aussi de l'espoir, des portraits touchants, c'est un document que je recommande aussi bien à ceux qui ne doutent pas de l'humanité à apporter aux naufragés de la vie, mais aussi à ceux qui doutent ou refusent de tendre la main. Marie-France Etchegoin, tel un funambule des mots livre un témoignage exemplaire sur ces équilibristes de la vie, de la survie et, qui, hélas, risquent de devenir de plus en plus nombreux. La solidarité ne sera jamais un vain vocable…
Lien : http://squirelito.blogspot.f..
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Pour tous ceux dont la langue n'est pas juste un moyen de communiquer mais celle qui te solidifie et qui te permet de ne pas perdre totalement ton intégrité , j'ai lu ce récit « J'apprends le français. »
Je craignais un énième roman sur la question migratoire mais celui-ci me parle davantage puisqu'il s'agit du récit d'une femme qui s'improvise professeure auprès des êtres de voyage. ( Je n'aime pas trop les mots migrant, réfugié, primo-arrivant...)
Quand on se sent un petit maillon, discret au milieu des réseaux de collectifs, lorsque « [notre] métier consiste à aligner des mots » on s'interroge souvent sur la légitimité de notre action.
« Pourquoi tu donnes ces cours de français? Qu'est-ce que tu cherches? Pour qui tu te prends? »
À la question si souvent posée, moi non plus je n'ai pas su répondre. Je peux juste dire que je connais les visages de l'abnégation, la victoire de celui qui sait se présenter en français , le tigrinia n'est plus un mot inconnu et ma cuisine s'est enrichie de multiples saveurs.
Je sais comme l'auteure de ce récit que les êtres de voyage n'ont pas besoin de charité mais de droits. Nous sommes « les rustines de l'inacceptable ».
Pas un seul jour sans s'interroger sur nos cours. Les êtres de voyage sont des oiseaux de passage et la conjugaison du futur s'apprend grâce au rêve. Pour nous l'avenir c'est grandir et vieillir. « Pour tous ceux qui n'ont rien , l'impermanence est une promesse de changement ».
Le mot exil vient du latin exsilire « s'élancer hors », sortir de sa zone de confort, ex-il, hors de soi.
Apprendre le français, assemblés dans l'écoute, dans l'attente de la becquetée verbale, dociles pour entrer dans les chairs de la France à travers des mots aux contours de beurre fondu.

« Certains appellent cela de l'angélisme. J'y vois au contraire un réalisme féroce. [...] La meilleure adaptation au monde qui s'annonce. »

La langue française comme dernière bouée.

J'apprends le français, Marie-France Etchegoin Aron, JC Lattès.
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