"Il n'appartient qu'aux grands hommes d'avoir de grands défauts", disait La Rochefoucauld.
Si cette assertion du chantre des maximes est vraie, alors
Didier Raoult appartient à cette espèce.
Né en 1952 au Sénégal, l'homme cultive l'art du "grand", du très grand, voire du gigantisme.
Benjamin d'une famille de six enfants, il en est le plus grand : 1,90 m.
Il en est de très très loin le surdoué.
Là où le QI moyen des hommes de cette planète tourne autour de 100, que les génies se situent à 140 et un peu plus : 130 pour Copernic, 150 pour Mozart, 160 pour Einstein...
Didier Raoult revendique un QI de 180 ( test effectué par un pédopsychiatre marseillais ).
L'homme a une généalogie à faire pâlir d'ébahissement le vicomte
Philippe de Villiers connu pour sa personnalité "hors du temps et de l'espace", à la figure duquel il lance un jour un de ses aïeux, un meneur de chouans, un descendant de la Rochejacquelin, dont la devise était : " Si j'avance, suivez-moi ; si je meurs, vengez-moi ; si je recule, tuez-moi."
Fils d'un médecin militaire et d'une héroïne de guerre...elle serait "la Solange Dandillot", l'une des héroïnes du roman
De Montherlant " Jeunes filles"... et celle qui fut la "vraie" fiancée du sulfureux écrivain mort par suicide en 1974.
Il détient le courrier échangé entre sa mère et l'auteur de la tétralogie intitulée " Les lépreuses".
De son grand-père maternel, Paul-Victor Legendre, ancien spahi qui dirigera à Marseille les Mouvements unis de la Résistance avant de rejoindre l'Orchestre rouge, il affirme avoir hérité le côté "psychopathe et rebelle " ( dixit DR).
Ses six premières années sont celles d'un enfant roi entre Dakar et le Cap Vert... un petit paradis ; il ne va pas à l'école.
Sa vie et celle de sa famille changent lorsque son père est muté en France.
C'est d'abord Paris et le rejet, puis Marseille et "l'acclimatation".
Rebelle, DR va l'être dès l'entrée à l'école où rien ne l'intéresse si ce n'est la lecture et la castagne.
Renvoyé tout au long de sa scolarité de plusieurs établissements, il passe un bac littéraire avant de disparaître pendant deux années. Deux années au cours desquelles, il semble avoir occupé son temps comme deckman ou GO sur un bateau de croisière.
Assagi, il rentre au bercail et finit par accepter ce qui a toujours été le souhait de son père : devenir médecin.
Ses études ne sont guère brillantes, et c'est presque les circonstances qui font de lui un microbiologiste, un spécialiste des maladies infectieuses.
Mais sa personnalité "flamboyante", son entregent vont faire le reste.
Remarié à Natacha Caïn, fille de psychiatres et qui à son tour va le devenir, il va très vite faire en somme de voler vers les cimes.
Il s'entoure d'une équipe, d'un "commando", fait une publication hebdomadaire dans les revues scientifiques internationales... ce qui lui attribue des points, les points de l'argent et le tout la renommée.
Je passe sur les luttes corporatistes intestines, les rivalités d'ego dont on a pu mesurer les effets dévastateurs lors de la pandémie... toujours en cours.
Didier Raoult, grâce à son habileté, à son intelligence (QI de 180) réussit à obtenir la création à Marseille d'un IHU ( Institut Hospitalo-Universitaire ), ces établissements de formation et de recherche médicale dont l'initiateur est
Nicolas Sarkozy.
Naturellement, il en devient le Boss.
C'est la place qu'il occupe lorsque à Wuhan en 2019, surgi d'un laboratoire ou d'un marché... le saura-t-on jamais ?... apparaît celui que la planète entière va apprendre, à son corps mal défendant, à connaître sous le nom de Covid19...
Aussitôt DR fait un premier diagnostic : "une grippette... trois malheureux Chinois qui meurent, ça fait une alerte mondiale, l'OMS s'en mêle et ça passe à la radio et à la télévision. le monde est devenu complètement fou... Les gens n'ont pas de quoi s'occuper, alors ils vont chercher en Chine de quoi avoir peur ? Ce n'est pas sérieux... Moi, ce qu'il se passe, le fait que des gens soient morts de coronavirus en Chine, je ne me sens pas tellement concerné."
De plus, ajoute-t-il " des papés vont probablement mourir d'une pneumonie à cause de ce nouveau virus. J'ai soixante-sept ans et j'ose le dire : il faut bien mourir de quelque chose."
Par ailleurs, des fausses alertes, il en a connu... "rien que ces vingt dernières années : la crise de la vache folle en 1996... 177 morts au Royaume Uni et 27 en France....le Chikungunya en 2005... il a causé des douleurs, a atteint La Réunion mais n'a tué personne en France métropolitaine... Ebola... qu'on ressort des tiroirs tous les quatre ou cinq ans... la grippe aviaire... une épidémie pour oiseaux qui a déclenché une production de vaccins complètement inouïe pour une maladie qui n'est pas une maladie humaine..."
Pas de quoi donc fouetter un Raoult et encore moins l'impressionner.
Sauf que le virus continue à tuer... de plus en plus... au point que des millions de personnes sont confinées à Wuhan.
Le professeur, qui n'est pas encore "le druide", qui a passé sa vie à collectionner les diplômes, les honneurs, les récompenses... se rêve un destin.
Il vient de frapper à sa porte grâce à ce virus... qu'il affirme être l'épidémie la plus bête et la plus facile à soigner des maladies infectieuses appartenant ou ayant appartenu à l'histoire de l'humanité.
Ayant lu une "étude", une "note" venant des Chinois et révélant in vitro l'efficacité de la chloroquine sur le virus, DR fait la sienne (étude), à sa manière, selon ses règles sur quelques patients... sans groupe témoin... et en conclut que l'hydroxychloroquine savamment dosée et associée à l'azythromycine... est la panacée... la solution.
"Le Covid19, c'est l'infection la plus facile à traiter. Pas la peine de s'exciter pour trouver des vaccins dans dix ans !"
Il crée sa chaîne YouTube...et sur ladite chaîne, l'annonce qui dure une minute quarante-cinq secondes et dont le titre est : "Coronavirus : fin de partie !" crée le buzz sur les réseaux sociaux et devient un scoop mondial.
À partir de là naît le mythe Raoult.
Trump, sans le citer, vante les mérites de l'hydroxychloroquine... dont il prend un comprimé par jour en préventif... Bolsonaro embraye dans la foulée.
Le monde a la focale rivée sur ce vieux médicament devenu soudain pourvoyeur d'un nouveau miracle.
La France, elle, se déchire.
Il y a ceux qui voient en Raoult un futur prix Nobel, et les sceptiques... qui observent le peu de crédit et de fiabilité d'une étude faite maison sur une vingtaine de patients dont on ignore tout... et sans groupe témoin.
Il n'empêche : Raoult a la gloire qui manquait à son palmarès.
Le professeur devient une idole, une rockstar, un prophète, un demi-dieu.
Il côtoie
Onfray... ils ont en commun la philosophie,
Nietzsche et tous les deux sont "injustement" méprisés par certains de leurs contemporains.
Ils iront jusqu'à prévoir un grand show public ensemble à Marseille, avant que leurs egos ne soient rattrapés par la réalité, et qu'
Onfray qui avait vilipendé dans un premier temps ceux qui s'en prenaient au génie Raoult, les Big Pharmas et leurs affidés... n'attrape à son tour le Covid et que s'étant vu proposer le traitement de Raoult ne s'écrie indigné : " je ne veux pas finir en martyr... Raoult s'est trompé... il devrait le reconnaître."
Il fréquente également BHL... lequel s'en prend à cette société hygiéniste.
De Villiers, que j'ai déjà cité et qui prépare un livre complètement "barré" et complotiste, dans lequel Raoult a une place de premier choix.
Des politiques... tel
Mélenchon qui veut en savoir plus sur ce virus.
Emmanuel Macron et surtout son épouse Brigitte qui correspond avec l'illustre savant.
Pour DR, la fin du printemps marque la fin définitive de l'épidémie.
Il n'y aura pas de seconde vague.
On connaît la suite.
Petit à petit, au fur et à mesure que la réalité de la pandémie va prendre le dessus sur les prophéties erronées du professeur, que toutes les études de par le monde vont démontrer l'inefficacité de l'hydroxychloroquine, que le documentaire complotiste "Hold-up" va s'auto-caricaturer et rendre grotesques leurs intervenants, celui-ci va voir un nombre toujours croissant de ses fidèles s'éloigner de celui qui leur avait fait prendre le mur de la réalité pour une briquette ( à quelques lettres près, c'eut pu être l'anagramme de grippette (sourire).
Arianne Chemin et
Marie-France Etchegoin ont scindé leur ouvrage en deux parties : la première est consacrée à la biographie de leur sujet, et la seconde à la pandémie et au rôle joué par DR dans celle-ci.
Ce n'est pas un livre à charge contrairement aux lecteurs raoultiens qui voient dans le titre du livre et dans le livre un parti pris.
Ces deux journalistes sont deux grands reporters de renom et ont fait un travail d'investigation qui repose sur des faits ( montrables, démontrables, avérés) et non sur des interprétations, des extrapolations ou des suppositions.
D'autres livres suivront, écrits par d'autres.
Aucun ne pourra jamais démontrer que la potion de DR était magique car elle ne l'était pas.
Aucun ne pourra réfuter, sous un quelconque prétexte, que les punchlines de DR n'ont pas été prononcées ou écrites par son auteur en personne.
Pas un ne pourra nier qu'il ne croyait pas aux masques, persuadé que la contamination se faisait par les mains...
Raoult a eu raison sur tout ce qui avait trait à la logistique, il a été le premier à tenter d'imposer les tests PCR et le fameux "tester, tracer, isoler". Dix-sept ans avant la pandémie, il alertait sur l'impréparation de la France dans le domaine des maladies infectieuses et tirait la sonnette d'alarme sur le risque de pandémies à prévoir.
Sauf que lorsque est apparue la pandémie en cours, il est soudainement devenu aveugle, sourd et s'est pris les pieds dans le tapis... COMME NOUS TOUS... mais il était le seul à avoir un QI de 180... !!!
Raoult a une immense culture, lit beaucoup "au moins 100 romans par an...",
Voltaire ne l'a pas convaincu qui écrivait : "“Les hommes se trompent, les grands hommes avouent qu'ils se sont trompés.”
À moins que
Voltaire n'appartienne pour lui à ceux qu'il qualifie de pétainistes... ( vous comprendrez en lisant le bouquin ).
Un livre facile à lire... une enquête journalistique sur une "affaire" qui fera longtemps encore couler beaucoup d'encre.
PS : un carton jaune à Gallimard pour un nombre de coquilles indignes à une maison d'édition de cette envergure.