C'est un petit livre-plaidoyer de Jean-Louis Etienne pour l'autonomie personnelle. L'auteur a évidemment beaucoup voyagé, dans les endroits les plus reculés et pas pour faire du tourisme. Et avant cette vie d'aventurier même, lui issu d'une famille modeste, a été menuisier, puis à force de volonté est devenu médecin...avant de décider de se consacrer exclusivement à sa vie d'aventurier, après une première incursion comme équipier de Tabarly sur Pen Duick VI dans les années 1970.
En une douzaine de chapitres de 3-4 pages, il nous livre quelques réflexions, au travers de son expérience de vie, d'explorations à travers le monde, pour atteindre une forme de suffisance à soi-même, et quelque part de sagesse, dans ce monde du trop (de gaspillage, d'informations, de violence, d'urgences...).
L'homme est une incroyable mécanique de précision, et il n'en a pas conscience. Il possède en lui des ressources de résistance, de résilience insoupçonnées...ne lâchez rien nous dit l'admirable Jean-Louis Etienne qui sait de quoi il parle, lui qui a affronté les pires conditions atmosphériques notamment, mais n'oubliez pas que l'Homme serait toujours mortel, malgré les progrès de la médecine, et surtout il porte peut-être bien en lui le gène du destructeur, tellement il déchaîne depuis toujours la violence autour de lui, envers ses semblables et la nature.
Alors il y a du bon et du moins bon dans ce livret. le pas extra, c'est lorsqu'il balance entre irréalisme et évidences, lorsqu'il incite à l'autonomie alimentaire et énergétique. Car enfin, cultiver un potager, les ruraux ou semi-ruraux auront passé leur vie à le faire sans attendre ces bienveillants conseils...tandis que les urbains diront "cause toujours !" tellement il est inenvisageable quand on est simple citoyen lambda vivant en appartement au milieu du béton, du bruit et de la pollution de changer sa vie, ne serait-ce qu'en ayant son carré potager !!! Quant à l'autonomie énergétique, on est sur la lune. C'est d'ailleurs un énorme problème, mais produire sa propre énergie propre, pardon pour la redondance lexicale, n'est possible que pour une poignée de gens ayant installé des panneaux solaires qui fonctionnent sur le toit de leur maison, ou une petite éolienne non contestée par leur voisin dans leur jardin. C'est à la limite de l'insensé...
Sur ces douze chapitres, je privilégierais donc les sept derniers, qui s'il rejoins parfois des thèmes maintes fois évoqués dans la multitude de parutions sur le développement personnel, recèle néanmoins de bons, voire très bons passages. J'ai trouvé ainsi dans l'invitation à se séparer du trop plein de souvenirs matériels (livres, photos, documents de toutes sortes, boum, à la déchetterie, même si c'est un crève-coeur !), une invitation à se recentrer sur sa vie intérieure, car le plus beau souvenir est en nous, et une invitation à l'humilité devant la marche immuable du cosmos, qui devrait s'imposer à nous bien plus que ces informations incessantes des médias et réseaux sociaux qui nous submergent et sabotent notre moral et par là même notre volonté, surtout lorsqu'on nous dit ce qu'il faut penser..."Prenons du recul pour protéger notre libre arbitre", tout en participant au débat lorsqu'on peut vraiment apporter des propositions de solutions nous dit l'auteur. La volonté permet de tracer son propre chemin, sans forcément suivre le troupeau, pour trouver par exemple un métier, qui vous fera évoluer pour votre plus grand bonheur. Enfin, il nous invite à trouver notre port d'attache, notre lieu-cocon, pour se poser et se ressourcer...et contre toute attente, l'aventurier qui a sans cesse déménagé, notamment aux Etats-Unis, a fini par un retour aux sources, dans le Tarn, là où il a grandi, en terre familière et familiale.
A l'heure de la conclusion, j'ai trouvé là un petit opus pas toujours très original, ni très réaliste par moment, mais qui a le mérite de mettre en exergue la force qu'on a tous en nous d'être simplement soi-même, pour tracer son chemin avec volonté et confiance, sans trop se faire influencer par tout, et tous ceux, qui peuvent nous détourner de l'essentiel, qui peut-être l'humilité devant la nature, qui doit nous inciter à apprécier la frugalité et l'appréciation des instants présents. Un livre utile, où Jean-Louis Etienne allie bienveillance, simplicité, culture littéraire, qualités d'écriture (quelques belles phrases, sens de la synthèse), pour naviguer dans ces temps de changements qui s'annoncent douloureux sur les plans économique, social, écologique, où chacun devra peut-être puiser dans ses ressources intérieures pour s'en sortir.
Merci à Babelio et aux éditions Rustica pour cet envoi dans le cadre de masse critique.
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Il me reste peu de chose de cette lecture à part une grande frustration.
Il y a des gens qui, avec des poules et un grand jardin, sont autonomes en alimentation, d'autres, avec éoliennes et batteries, produisent leur énergie, l'auteur arrive à gérer la circulation sanguine de ses mains, il est bon de lâcher prise par rapport à ses blessures, il est bon de rester critique par rapport aux médias....
OK et après, on fait comment?
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Nos neurones sont saturés sur tous les "créneaux" de la communication, de la politique, de l'environnement, de la peur du futur, de la rentabilité, de la consommation, de l'assurance, de la retraite, de la performance. En fait, ce n'est pas tant la vie qui est inquiétante au quotidien que l'accumulation de nouvelles qui nous submergent. Prenons du recul pour protéger notre libre arbitre, car l'information est, malgré nous, une caisse de résonance à nos craintes personnelles, nos convictions, nos détestations, nos jalousies toxiques. Elle peut déclencher de l'empathie comme consolider du rejet. Nous pouvons nous mettre en jachère des ondes, mais l'indifférence serait un échec, il n'y a pas d'échappatoire. Certains parlent avec aisance de changer de paradigme : autant dire changer de planète. Facile de se réfugier derrière des concepts inacessibles ! "Il y a un autre monde mais il est dans celui-ci" : chacun a le devoir d'en être l'acteur, de prendre sa part de responsabilité autonome afin d'être efficace sur sa zone d'influence.
Oui, quelque chose de plus fort semble s'imposer à l'homme pourtant doté d'une intelligence appliquée remarquable, de conscience, d'empathie pour ses semblables, quelque chose de plus fort que la raison. Qui préside à des déploiements de forces, des conquêtes dévastatrices au-delà de l'entendement, qui pousse ses congénères à monter au front, à sacrifier des vies pour affirmer leur puissance ? Serait-ce la commande de gènes qui appliquent aveuglément le programme propre à toutes les espèces - reproduction, prospérité, défense et extension du territoire -, au détriment de toutes les autres espèces, à commencer par l'humain lui-même ?
Nous projetons tellement sur la matière que nous accumulons par facilité, par faiblesse. Notre principal capital est celui que nous portons en nous.
Elle est assise en terrasse, non loin de moi ; je la regarde. Son menton posé sur la paume de la main, elle laisse vivre un instant la blonde pincée entre l'index et le majeur tendus à lécart du visage. Elle mordille l'ongle de l'annulaire. Après une bouffée inspirée du bout des lèvres, elle relâche un halo de fumée en dodelinant de la tête. De toute évidence elle en retire un plaisir apparent et un surcroît d'assurance. MLais de ce flirt sensuel avec la cigarette elle va peu à peu devenir la proie.
Au grand banquet des êtres, c'est la plante qui tient table ouverte aux populations de la Terre.
A l'occasion de la publication de l'ouvrage de Jean-Louis Etienne, Explorateur d'océans (Paulsen)
Qu'il mène ses expéditions dans les pôles ou ailleurs, Jean-Louis Etienne vit intensément l'instant présent pour mieux préparer l'avenir, grâce aux données récoltées pour l'occasion. Mais quelle place, alors, pour le passé ? L'explorateur s'attache-t-il à écrire l'Histoire ou à la porter ? Autant de questions qu'il conviendra de lui poser !