Lire la première oeuvre d'un auteur après les autres, surtout quand ces autres vous avaient franchement emballé, est souvent une expérience étrange, parfois touchante, parfois décevante, parfois surprenante.
Il faut dire qu'avec
Jeffrey Eugenides, le risque de terminer sa découverte par son premier livre est plutôt élevé car il n'en a écrit que trois. Or, «
Middlesex » et «
le roman du mariage » sont des oeuvres tellement abouties que par comparaison, « the
Virgin Suicides » n'a cessé de me donner tout au long de la lecture le sentiment de lire l'ébauche d'une grande oeuvre en devenir.
Ce n'est pas le style, déjà magnifique et envoûtant de poésie gothique, qui m'a dérangée mais plutôt les changements de rythme dans la construction du récit : après les premières scènes extrêmement intenses autour du suicide de Cecilia, la benjamine des cinq soeurs, je me suis un peu perdue dans la longue phase plus atone qui s'attarde sur l'année qui suit (ponctuée cependant de passages magnifiques comme l'échange par musique interposée entre les filles et les garçons), avant de regagner peu à peu en densité jusqu'au dénouement.
Pourtant j'ai été totalement séduite par le prisme de narration proposé par
Eugenides, consistant à dévoiler d'emblée au lecteur la fin tragique des cinq soeurs puis à ne les évoquer qu'à travers les yeux de témoins, adolescents puis adultes fascinés par leurs silhouettes fantomatiques dont ils resteront, comme nous lecteurs, toujours tenus à distance, sans explications. Un procédé casse-gueule mais qui fonctionne merveilleusement bien.
En résumé, « the
Virgin Suicides » est une lecture qui m'a fait l'effet d'une séance de spiritisme, bouleversante en profondeur mais pendant laquelle je me serai endormie par moments…