La Folie d'Héraclès

Thèbes. En l'absence d'Héraclès descendu aux Enfers, l'usurpateur Lycos veut décimer sa famille. Impuissants, le père du héros Amphitryon, l'épouse du héros Mégara et leurs enfants s'apprêtent à affronter dignement leur sort. Mais contre toute attente Héraclès revient et élimine brutalement le tyran.
Coup de théâtre, Héra choisit cet instant pour accomplir sa vengeance contre le héros. Elle l‘amène, dans un éclair de folie, à assassiner sa femme et ses enfants. Revenu à la raison, il est écrasé par la culpabilité et envisage le suicide.
Mais arrive Thésée, le roi d'Athènes qu'Héraclès a sauvé des Enfers, qui va requinquer le héros, lui faire admettre que dominer sa souffrance est bien plus digne que céder à sa douleur. le courage retrouvé mais cependant transformé par sa souffrance, Héraclès quitte Thèbes pour de nouvelles aventures.

En ces temps de retour du demi-dieu au cinéma au travers de films qui ont de fortes chances de massacrer sa légende, j'ai eu envie de faire un retour à l'histoire originelle écrite dans les temps antiques. J'ai éprouvé un grand plaisir à retrouver de grands personnages mythologiques se débattre dans une vraie tragédie. Mais parallèlement ce sont les réactions des êtres face à une adversité mortelle qui m'a interpelé. Face à la mort que leur promet Lycos, Mégara renonce à combattre, insistant sur l'inanité vulgaire d'une lutte vouée à l'échec (« celui qui se dresse et se cabre ici-bas contre l'inévitable, ce n'est à mon avis qu'une âme de vilain ») alors que le Coryphée – le chef du groupe de chant dans la tragédie grecque - ne trouve de l'honneur que dans la résistance (« Déguerpis, retourne d'où tu viens pour y exercer ta rage ! Moi vivant, tu ne mettras pas à mort les fils d'Héraclès ! »). Qu'est-ce qui est le plus honorable : affronter son sort dans un grand baroud comme Butch Cassidy et le Kid où survivre à tout prix et se relever, comme Martin Guerre ? Réalisant son méfait, Héraclès cède d'abord en envisageant le suicide. L'honneur de toute une vie de combat contre le Mal le lui impose : le suicide c'est la suppression du Mal qui est en lui. Mais suite à l'intervention de Thésée il change d'avis : c'est la survie, la lutte contre la culpabilité et la douleur, contre une adversité nouvelle et létale pour lui, qui assurera la vraie continuité de son combat contre le Mal. En faisant ce choix, Héraclès s'éloigne de son héritage divin et développe, par la douleur, sa part d'humanité.

Pièce lue dans les « Tragiques Grecs, Théâtre Complet », éditions du Livre de Poche.

Hercule est mort. Ou plutôt, il doit l'être. Après tout, il est descendu dans les Enfers, et il ne revient pas. Un tyran prend le pouvoir, et veut tuer sa femme, ses enfants petits pour éviter qu'ils ne souhaitent se venger une fois devenus grands, sa femme et son vieux père - son père mortel en tout cas, Amphitryon. Ce tyran dénigre Hercule, il nie ses exploits. Ainsi, il utilise l'arc, l'arme des lâches, tuant de loin, sans risque. Il y aurait de quoi rendre Hercule furieux s'il revenait...
Mais le coeur de l'intrigue n'est pas politique, ce n'est pas une pièce sur des complots et des trahisons. C'est une pièce sur la fureur divine. Celle qui est furieuse, c'est Héra. Furieuse parce qu'elle, l'épouse légitime de Zeus, a encore été trompée, et que l'enfant de cet adultère est Hercule. Elle déverse donc sa fureur sur Hercule, lui envoyant des serpents pour l'étouffer dans son berceau, puis inspirant à son cousin les douze travaux. Et enfin, alors que Hercule revient des enfers, qu'il pourrait enfin se reposer en famille, Héra envoie Isis, la messagère des dieux, accompagnée de Lyssa, la déesse qui personnifie la rage et la folie destructrice.
La 1ère partie de la pièce est donc celle de l'imploration, de la pitié de la famille de Hercule promise à la mort par le tyran. La 2ème est celle de la folie des dieux, qui provoque celle de Hercule. C'est alors une scène de massacre, un véritable bain de sang, Hercule tuant de ses flèches, de sa massue et même en abattant son propre palais pour ensevelir sa femme.
Suite à ce déchaînement de violence et de cruauté de la part des dieux, il fallait un retour à la normale. Cela passe par l'intervention de Thésée, le héros fondateur et protecteur de la cité d'Athènes. Il ne faut pas oublier qu'Euripide est Athénien, qu'il écrit pour un public athénien ; il met donc en avant sa cité, son héros, sa déesse. C'est Athéna qui ramène Hercule à la raison, c'est Thésée qui lui promet la purification rituelle, l'exil et l'amitié.
Il fallait bien une scène d'amitié virile, et une de pardon du père envers son fils pour retrouver foi en l'humanité. Les humains semblent être les jouets des dieux, capables de les manipuler jusqu'à leur faire littéralement perdre la raison. Zeus a couché avec la mère de Hercule en la trompant, il ne s'occupe pas de son fils, Héra le persécute, Lyssa le rend fou... Ce sont les hommes qui sont humains, au sens où ce sont eux qui apportent la consolation et le réconfort.

Héraclès est un personnage important dans l'ensemble des légendes grecques. Certains y ont vu un modèle christique avec sa constante volonté à soumettre le Mal et à sauver les hommes et dans sa capacité à endurer souffrances et malheurs. C'est le cas dans cette tragédie d'Euripide où le héros est le jouet de la haine d'Héra, qui ne supporte pas ce fils "illégitime" de Zeus. Elle demande alors à Lyssa, la Rage, de s'emparer de l'esprit d'Héraclès pour qu'il en vienne, dans sa folie, à tuer sa femme et ses fils. Seul le vieil Amphitryon échappe au massacre. Encore une fois, ce sont les femmes qui payent cher les frais de la barbarie des hommes. Il y a enfin une belle scène finale entre Héraclès et Thésée sur la reconnaissance et l'amitié.

Après être revenu de l'Hadès, Héraclès retrouve son père, sa femme Mégara et ses trois fils. Mais Héra envoie la folie sur lui et il les prend pour ses ennemis. La fin est digne d'une vraie tragédie grecque. On connaît Héraclès pour ses 12 travaux mais on connaît moins la suite tragique de son histoire. C'était passionnant et très accessible. J'ai adoré ma lecture.

Une belle pièce d'Euripide. D'autant plus terrible qu'elle nous prend par surprise. Mégara entre dans la galerie des héroïnes euripidiennes pleines de justesse et de vérité. le désespoir du héros est bouleversant. Une tragédie qui prend à la gorge. A lire et à voir si possible.