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Critique de Slava


On sait tous que les tragédies grecques se célébraient en l'honneur du dieu Dionysos, dieu du vin et du théâtre. C'est sous son office que les plus grandes pièces tragiques se sont déroulées et que les trois grands auteurs, Eschyle, Sophocle, Euripide se sont distingués. Ils abordent les histoires des dieux et des héros grecs dans leurs pièces. Les Atreides, les Labdacides (coucou Oedipe et Antigone) y sont présent dans une bonne partie des pièces tout comme les dieux Zeus (Promethée Enchainée), Athéna, Aphrodite, bien qu'apparaissant en deu ex machina... pourtant, il y en a bien un qui manque à l'appel et c'est le plus étrange : Dionysos ! le dieu même du theâtre n'a en effet guère d'apparition dans les oeuvres tragiques et n'est mentionné presque nulle part... sauf dans cette pièce, les Bacchantes, la seule où il tient un rôle, le plus important, la seule qui a comme sujet les rites dionysiaque. Et autant dire que connaissant le style d'Euripide, ça va saigner !
Résumons... après un prologue expliquant la conception légendaire de Dionysos (fils de Sémélé et Zeus, sorti du ventre de sa mère prenant feu par celui-ci l'ayant mis dans sa cuisse... cherchez pas, c'est la mythologie grecque) on retrouve notre dieu de retour dans sa ville natale, Thébes, après un très long voyage en compagnie de sa troupe composé de satyres et de ménades, dans le but de se faire reconnaître par ses habitants et d'y instaurer son culte. Cependant, il se heurte au roi Penthée, fils de Cadmos et d'Harmonie (les ancêtres d'Oedipe) qui ne voit pas d'un bon oeil l'arrivée d'un hurluberlu qui a de longs cheveux et promeut à tout le monde l'ivresse et la fête quitte à perturber l'harmonie. Celui-ci l'enferme sans procès mais le dieu parvient à s'évader. Sa vengeance sera terrible envers Penthée, qui .aura une des morts les plus horribles de toute la mythologie grecque.
Quand on songe à Dionysos, on pense tout de suite à un dieu débonnaire, fêtard, qui entraîne les gens dans des fêtes endiablées et qui est un joyeux ivrogne, un dieu plutôt comique où plaisant. On oublie que Dionysos est un dieu sournois n'hésitant pas à abuser des mortels et qui lorsqu'on l'offense, peut se venger très cruelle. Et ce coté "sombre" de notre cher Bacchus est très bien révélée dans les Bacchantes.
Comme toute pièce d'Euripide, les Bacchantes dénotent d'une certaine originalité (après tout, c'est lui qui a inventé l'infanticide de Médée...). Outre le sujet unique dans la tragédie grecque, Euripide montre la faiblesse humaine face au délire dionysiaque, la folie procuré par l'extase festive relâchant tous les instincts primaires de l'homme et la vaine résistance de celui-ci face à l'étrange où ce qu'il considère comme étranger.
La raison contre la déraison : Penthée, le roi austère voulant réglementer le moindre travers où écart social de ses sujets contre Dionysos, un dieu venu de loin, androgyne (plusieurs fois est rappelé sa longue chevelure,) dont le culte mélange tout le monde, brisant les barrières et ne se prenant guère au sérieux. Mais le sage peut être le fou et le fou peut être sage... Penthée réagit avec excés et emportement, ce qui le conduira à sa perte, tandis que Dionysos est d'un calme olympien (oui jeu de mot facile), tout comme Oedipe le roi voyant ne sait rien et nie la vérité au contraire de l'aveugle et humble Tirésias qui lui sait.
La folie domine la piéce. Venue par le débarquement de la "troupe " de Dionysos, elle emplit Thébes, emportant ses habitants. Une folie certes sacrée, institutionnalisée, réglée... mais qui reste sauvage et qui ressort impitoyablement dans la dernière partie de la tragédie, où l'horreur pure se manifeste.
La bacchanale de la fin est une des plus éprouvantes scènes que nous offre Euripide. Bien que racontée par un tiers, la force des détails nous horrifie tant la folie s'y déploie, suivi de l'apparition de Dionysos qui exalte sa victoire. Il est vrai que dans la pièce, malgré son tempérament léger et un peu insolent, le dieu n'est pas sympathique voire agressif et que son culte est vu comme abominable (ce n'est pas étonnant, vu qu'Euripide critique la religion grecque, osant dénoncer la cruauté des dieux et de ses croyants).
Il est vrai que cependant, en dehors de Penthée et du dieu, et du cortège final, les autres personnages sont d'une faible consistance, notamment Tiresias qui est limité au simple conseiller craintif où Cadmos en vieil homme plaintif. Mais d'un autre coté, ils ne peuvent qu'être les témoins du drame atroce qui s'y produit.
Les Bacchantes est une pièce bien sous-estimée à mes yeux qui mérite d'être plus connue qu'Andromaque, Medée où Iphigénie, tant elle décrit la folie dans son paroxysme ainsi que la puissante emprise de la déraison sur l'homme.
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