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Lire une oeuvre antique (comme Aristote, César, Suétone et tant d'autres) a quelque chose d'une exploration. Exploration dans le temps, dans une mentalité, dans des lieux et des moeurs disparus, exploration dans une langue et une façon d'exprimer les pensées qui n'est plus de ce monde.

Mais ce qui fait l'intérêt de telles lectures, le plus souvent, c'est d'en déceler la fraîcheur sous l'écorce flétrie. Quel bonheur quand on arrive encore à en déguster le suc, quand on arrive à se sentir en résonance avec des gens et des époques disparues dont nous sommes pourtant les authentiques héritiers.

J'ai déjà parlé moult fois de l'exercice si particulier d'arriver à se couler soi-même dans le moule de la tragédie antique : C'est déroutant quant à la forme (présence de passages chantés, d'un choeur et d'un coryphée qui joue un rôle de médiation avec le public, un peu à la façon d'un Monsieur Loyal au cirque, mais aussi une structure rigide très codifiée avec prologues, épisodes toujours terminés par des stases et épilogues).

C'est déroutant quant au fond (notamment la portée civique et pédagogique de la tragédie antique qui est à des années lumières de notre conception actuelle du théâtre). Or Médée, qui est pour ainsi dire, l'archétype d'une bonne tragédie grecque, peine à nous fournir encore ce jus délicat, cet indice de survivance d'actualité.

On aurait envie d'y croire, se laisser embarquer dans son désarroi, la pauvre, elle est allée trahir les siens pour les beaux yeux de Jason, le corinthien, et ce goujat, non content de lui avoir fait deux gosses est allé fourrer son nez ailleurs (voire autre chose !), et a succombé aux charmes d'une princesse histoire d'assurer le quotidien pour l'avenir.

Bref, une bonne vieille histoire d'adultère en somme. Si l'on adjoint à cela qu'à l'époque une répudiation pouvait s'accompagner d'une condamnation à l'exil, effectivement, Euripide n'a pas lésiné sur les malheurs de son héroïne. Donc, tout de suite, la Terre s'arrête de tourner pour Médée qui ne voit comme seule et unique solution à son problème (et en toute logique !), que l'assassinat tant de la princesse nouvelle élue du coeur de Jason, que du roi Créon qui a décrété son bannissement, que de ses deux propres enfants (rien que ça !).

C'est là que j'ai un peu de mal avec la tragédie grecque. Au sens propre, c'est très théâtral, trop à mon goût, et deux mille ans de littérature sont passés par là. On peut évidemment s'émerveiller devant une faucille en silex du néolithique, mais dire qu'on n'a rien fait de mieux depuis, c'est peut-être un peu trop, et c'est bien ce que je ressens à la lecture de Médée.

Ce qui ne m'empêche pas de croire que Médée est probablement un des plus grands chef-d'oeuvres de cette époque, mais de là à en reprendre à chaque repas aujourd'hui au XXIè siècle, peut-être pas.

Pour ma part, je considère ce texte comme un patrimoine de l'humanité à conserver, et en ce sens, à lire car c'est notre culture, c'est de là que l'on vient, un peu comme j'aime à voir un vieux lavoir de pierre et de bois sans pour autant vouloir abandonner la machine à laver pour retourner me mettre les mains dans l'eau froide.

Qu'en est-il du message civique d'Euripide ? Pour les hommes, cela pourrait se résumer à : « N'allez pas succomber aux charmes d'un autre lit, dont vous serez déçu tôt ou tard ». Pour les femmes : « Votre condition vous expose toutes à subir l'affront de l'adultère, donc gardez la tête froide et tâchez de rester dignes si pareille mésaventure devait vous arriver ».

Pour Jason, la morale ressemble à s'y méprendre à celle de la Poule Aux Oeufs d'Or de la Fontaine, « on hasarde de perdre en voulant trop gagner ». Mais il y a encore, ce me semble, une dimension supplémentaire car Médée franchit le pas de l'infanticide, le dernier des crimes. le message nous enjoint à considérer l'horreur des excès que peuvent nous amener à commettre la jalousie ou l'orgueil.

Au total, une impression mi-figue, mi-raisin mais j'ajouterais néanmoins qu'il y a dans cette tragédie trois ou quatre très belles répliques (malgré l'injure que constitue une traduction pour ce type d'oeuvre), dignes de figurer dans un recueil de maximes.

Toutes ces considérations, vous le savez maintenant, sont à prendre avec d'infinies précautions, car ce n'est que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Euripide le dit à travers le coryphée : c'est lorsqu'il n'y a plus d'espoir (ce sale espoir) que le tragique surgit. Les dieux sont omniprésents tout au long de la pièce : dans les rites, les oracles, le char de Médée. Les discours de celle-ci sont parcourus par de nombreuses allusions à la condition féminine et à la sexualité.
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Voici une excellente version du mythe de Médée.
Je ne vais pas le redétailler – l'ayant déjà fait pour la pièce de Corneille. Pour rappel, Médée est une magicienne. Tombée amoureuse de Jason, elle l'a aidé à récupérer la Toison d'Or. Elle est prête à tout pour lui : tuer son propre frère, éliminer l'usurpateur du trône de son homme, toujours avec la manière (plutôt cruelle et ne manquant pas d'originalité). Ils vivent ensemble à Corinthe jusqu'à ce que Jason – quel enfoiré ! – la largue pour la fille du roi Créon. Médée est sommée de quitter Corinthe. Ainsi trahie, elle se venge de la pire des façons : elle tue la fille du roi en lui envoyant en cadeau un voile empoisonné qui s'enflamme au contact (le roi y passe aussi d'ailleurs) et abat ses propres enfants afin de laisser Jason sans descendance.

Euripide n'insiste pas sur la magie de Médée, ni ne fait intervenir de dieux. C'est une femme qui agit, certes prête à tout et douée dans l'art du poison, mais surtout une femme qui met son intelligence au service de ses crimes. La magie n'apparaît guère qu'à la toute fin. Elle est une femme à bout de nerfs face à Jason qu'elle pourrit d'insultes et qui se défend si mal (« oui tu comprends, je fais ça pour nos enfants, pour qu'ils soient à l'aise, vois le bon côté des choses ». Un enfoiré je vous dis). Elle ne prend pas sa décision de gaieté de coeur ; le choeur d'ailleurs essaie de l'en dissuader. Elle hésitera longtemps à tuer ses enfants.
Elle met beaucoup d'intelligence dans la manipulation de Jason. Euripide emploie à nouveau beaucoup ses phrases à double sens – un sens pour l'interlocuteur, un autre à destination des spectateurs qui savent ce qui se trame –, par exemple quand elle dit :
« Prenez ces cadeaux de noces, enfants, et allez les porter de vos mains à la princesse – cette jeune épouse que cela va mettre au paradis – pour les lui offrir »
Mettre au paradis : en apparence cela veut dire « en joie », et sous l'apparence c'est à prendre littéralement « cela va la tuer ». J'adore.
Les scènes de mort, même si elles se passent en coulisse, sont délicieusement insupportables.

L'auteur incruste toujours quelques éléments sociaux de son Athènes contemporaine. Dans Médée, il parle avec amertume à travers son héroïne de l'hostilité que rencontre les intellectuels comme Socrate ou lui-même : pour l'opinion, ce sont soit des inutiles et fainéants, soit des gens qui se croient supérieurs et peuvent saper l'autorité des croyances et des coutumes.

Il faut bien avouer que j'ai du mal à considérer Médée avec compassion. Tuer ses enfants… ça ne passe pas. Jason, en revanche, a beaucoup baissé dans mon estime depuis que je connais son attitude. Venant de terminer Ada ou la beauté des nombres, de Catherine Dufour, je trouve que la condition féminine ne s'est guère amélioré entre l'Athènes antique et l'Angleterre victorienne.
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Médée n'est pas la plus ancienne pièce d'Euripide, mais c'est la plus ancienne tragédie de l'auteur dont le texte nous soit parvenu (Alceste n'étant pas rangée dans la catégorie des tragédies), et l'on est certain qu'elle fut créée en -431. Médée y apparaît en tant qu'infanticide, et correspond donc à l'image que nous nous faisons d'elle aujourd'hui, bien qu'elle n'ait visiblement pas toujours été considérée comme telle dans la mythologie grecque. Euripide, inventeur de Médée tuant ses enfants ? Ce n'est sans doute pas aussi simple, car la question d'une Médée infanticide ou de la culpabilité des Corinthiens dans le meurtre des enfants se posait déjà à l'époque d'Euripide.


Ce qui est à peu près sûr, c'est que la Médée que nous voyons au début de la pièce a déjà du sang sur les mains. Elle a été bannie de son pays, a tué son frère, puis manipulé les filles de Pélias pour qu'elles tuent leur père, tout ça pour les beaux yeux de Jason. Et après quelques années heureuses en Corinthe, lors desquelles ils ont deux enfants ensemble, ne voilà-t-il pas que Jason répudie Médée pour épouser la fille de Créon, le roi (il n'a rien à voir avec le Créon de Thèbes, qui ne peut tout de même pas être partout à la fois). La pièce s'ouvre sur les inquiétudes de la nourrice, qui n'a que trop bien compris ce qui risquait d'arriver par la suite, puis sur les lamentations de Médée. Et ne voilà-t-il pas qu'en plus d'être répudiée, Médée se retrouve bannie de Corinthe, alors qu'elle n'a plus nulle part où aller - on se doute bien que sa famille ne va l'accueillir à bras ouverts. Et d'une Médée criant et se lamentant sur son sort, on va passer à une Médée rusée, qui va discourir avec le choeur, Créon, ou Jason - on notera au passage que, bien que Sophocle ait alors déjà introduit le troisième protagoniste dans le théâtre grec, Euripide n'en fait quasiment pas usage (c'est à peine si trois acteurs se croisent à un moment donné de la pièce). Toute l'action va se concentrer sur la solution que doit trouver Médée à sa situation, discutant ou s'engueulant avec Créon ou Jason, mais dévoilant peu à peu son plan au choeur. Médée n'est que vengeance, elle ne laissera pas passer l'affront qu'on lui a fait, ce que craint effectivement Créon tout en se montrant tout de même un peu naïf, et ce que ne comprend absolument pas Jason (il faut croire que c'était un couple mal assorti dès le départ, c'est quand même un peu gros de ne pas connaître sa femme à ce point !) Et donc, le plan de Médée se déroulera selon ce qu'elle a prévu. Beaucoup de violence à la fin, donc.


Ce qui est évident, c'est que Médée prend toute la place dans la pièce, au point qu'il n'y a même pas de divinité. Et selon certains critiques, s'il n'y a pas de divinité, c'est que la divinité, c'est Médée elle-même. Il est vrai que ce personnage est issue d'une ascendance assez prestigieuse, le Soleil lui-même étant son ancêtre. On peut donc comprendre que, réagissant à la manière d'une divinité, elle ne puisse accepter d'être répudiée par Jason. Rien ne dit réellement qu'elle soit jalouse, amoureuse, et du coup rancunière comme le pense Jason, qui lui agit en homme ordinaire (mais où est le héros qu'on nous a tant vanté ???), et donc épouse la fille de Créon pour des motifs... raisonnables. Au-delà du sort réservé aux femmes, dont parle beaucoup Médée mais dont il n'est pas certain qu'elle se soucie tant que ça, c'est de l'humiliation d'être traitée en femme ordinaire qu'il s'agit. Jason voudrait la voir réagir en épouse normale, mais Créon n'est pas si bête, et la nourrice sait encore mieux ce qu'il en est : il n'y a rien de "normal" chez Médée, il y a surtout une femme complètement à part, qui doit faire semblant d'utiliser le langage des autres pour mieux les tromper (on se demande décidément à quoi ressemblait son mariage avec Jason...) et mener sa vengeance à son terme.


Alors tout de même, il y a ce fameux monologue de Médée, qui a fait couler beaucoup d'encre, où elle semble tergiverser. D'un point de vue actuel, ça ressemble étonnamment à un trouble de l'identité - deux personnalités en une seule femme qui donneraient leur deux points de vue opposés : "le meurtre des enfants est inévitable" versus "le meurtre des enfants n'est pas un élément obligé de la vengeance". Peut-être est-ce là la marque que Médée est une humaine malgré tout, et une mère, mais qu'elle doit, du point de vue qui est finalement le sien tout au long de la pièce, en passer par ce questionnement et cette épreuve pour se dépasser, dépasser sa condition de femme, d'épouse, de mère, mais surtout d'humaine, pour assouvir une vengeance qui a peut-être beaucoup à voir avec son ascendance divine. Car c'est bien, non pas un dieu ou une déesse, mais une Médée triomphante qui surgit dans les airs - avec en sus des prophéties peu engageantes pour Jason à la bouche. Ce qui fait davantage sens que les habituels deux ex-machina tombant du ciel qui nous agacent tant (et qui agaçaient déjà les commentateurs de l'Antiquité, il me semble, bien que ça ait dû en jeter visuellement), comme par exemple dans Iphigénie à Aulis.


Reste qu'Euripide, en composant une tragédie avec une ligne directrice apparemment très claire et lisible, ainsi que des dialogues s'inscrivant dans une forme de classicisme, a finalement créé un personnage emportant tout sur son passage, faisant quasiment voler en éclats les questions d'éthique et de morale, resté fortement ancré dans les esprits pour de nombreux siècles, et éclipsant quelque peu les autres variantes de Médée.
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Médée est la fille du roi de Colchide, Eetès et d'Idyie. Elle a surtout des pouvoirs magiques.
Lorsque son regard croise celui de Jason, elle tomba amoureuse de lui et l'aide à conquérir la Toison d'or. Jason lui a en effet promis de l'épouser. Médée n'hésite pas à trahir son père en aidant Jason dans les épreuves pour obtenir la toison mais en plus sacrifie d'une manière odieuse son frère qu'elle a pris en otage pour donner à Jason le temps de s'enfuir.
Y a du lourd déjà. Mais ce n'est pas fini.
Médée commet encore des trucs pas sympas.
Jason lui fait deux gosses.
Puis finalement Jason en guise de remerciements tombe amoureux de la fille de Créon et décide de répudier Médée.
Oui mais, vous croyez que Médée ne va rien dire? Que Médée ne va rien faire?
La haine va la pousser à commettre deux infanticides en plus de se débarrasser de sa rivale.
Jason est une vraie tête à claques on est d'accord mais tout de même. Médée n'y va pas avec le dos de la cuillère.
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Quelle pièce! Terrible, fascinante, énorme.

Bon, Jason est une sacrée tête à claques, en particulier quand il fait le lamentable sophiste en argumentant pitoyablement pour justifier l'abandon de la femme qui lui a permis de conquérir la toison, trahissant les siens pour lui, tuant aussi bien frère que dragon pour lui assurer le succès. Carrément mufle dans son absence de reconnaissance pour Médée - Eh! il ne lui doit rien puisque c'est Éros qui, par ses flèches imparables, l'a contrainte à lui sauver la vie ( je ne voudrais pas justifier Médée, mais il y a quand même de quoi être sérieusement agacé non?). Après il faut avouer qu'il est très drôle dans la conclusion de son discours, pas gêné l'Argonaute qui doit quand même sa gloire à cette engeance féminine qu'il sait si bien utiliser pour ses intérêts:
« Il faudrait que les hommes
fassent naître les enfants d'un autre endroit, n'importe, et qu'il n'y ait pas la race femme.
De cette façon, le mal n'existerait pas chez les humains. »

Mais Médée la ravageuse, la monstrueuse, est elle un personnage d'une intensité extraordinaire, dans sa folie vengeresse comme dans ses déchirements. Incandescent mélange de détresse, d'humanité et de puissance destructrice no limit, elle captive, on compatit, on s'horrifie.

Un chef-d'oeuvre!
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Une femme qui tue ses propres enfants pour se venger de leur père qui l'a délaissée. Est-il quelque chose qui paraisse plus inhumain ? Et plus près de la folie ? C'est pourtant ce que choisit Médée. La nourrice le dit dans le prologue les puissants sont “peu faits à obéir, toujours à dominer, ils ont peine à changer le cours de leurs humeurs…”

Qui est donc cette infanticide ? Médée est descendante du soleil, c'est une magicienne, fille de Éétès. Lorsque Jason arrive pour prendre possession de la Toison d'Or, elle en tombe amoureuse et choisit de l'aider à récupérer La Toison. Elle prend donc le partie de Jason contre son propre père et va jusqu'à égorger son frère.
Comment s'étonner alors que cette femme vindicative sacrifie ses enfants qu'elle semble pourtant aimer à son désir de vengeance.

C'est la première pièce grecque que je lis mais l'expérience m'a parue suffisamment plaisante pour que je le réitère. J'ai dû tout de même regarder auparavant quelques vidéos sur la structure de la tragédie antique pour apprécier au mieux un genre différent.

Challenge ABC 2017-2018
Challenge Théâtre 2017-2018
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Et encore une Médée, la première au théâtre, celle d'Euripide!

Si je me réfère à mes critiques de la Médée de Sénèque, la Médée d'Euripide est un contre-exemple parfait!

Voici une vraie tragédie, - et non une noire caricature- faite pour être jouée - -et non pas seulement lue-, construite sur une structure bien balancée - et non à la va -comme-je-te-pousse- , avec un vrai choeur - un choeur de femmes d'ailleurs, c'est important! qui joue son rôle d'humanité moyenne à laquelle le spectateur s'identifie- et dont le point de vue évolue avec les péripéties, de la compassion à l'horreur.

Et surtout voici une héroïne qui commet un acte monstrueux mais qui n'est pas un monstre .

Elle a encore des larmes, des fragilités, des doutes, des hésitations, des attendrissements et si elle se décide au crime atroce d'infanticide, c'est parce qu'elle est arrivée au bout de sa route.

Voici aussi des personnages secondaires qui ont un vrai poids et se partagent entre deux camps: la nourrice et Egée pour Médée, Créon et Jason contre Médée.

L'histoire n'a pas changé- mais tout est changé.

On n'est pas dupe de ce beau parleur de Jason, le roi des arguties, le champion de la mauvaise foi, qui même après la mort atroce de ses enfants n'en demeure pas moins un triste individu que le choeur renvoie dans ses cordes comme un boxeur sonné..

Et on peut plaindre Médée, suivre les méandres de sa douleur. Malgré son acte impardonnable, elle reste une mère, une mère frappée d'égarement et de folie, mais une mère "sublime, forcément sublime"..si vous voyez ce que je (ne) veux (pas) dire!!

Corinthe, c'est un peu la Vologne, parfois...

La sombre folie, la perfide Erynie la guette, et elle est beaucoup moins la noire magicienne un peu kitsch peinte par Sénèque, qui nargue Jason sur le toit du palais en flammes et s'envole avec son char de serpents ailés, façon Game of Thrones, qu'une étrangère malheureuse, abandonnée en terre hostile, à qui, étrangement, Egée , en échange d'un dénouement d'aiguillettes -il ne peut avoir d'enfants- promet un passeport estampillé, une intégration modèle, un F3 et un nouveau départ dans sa ville -lumière, Athènes, la belle, la généreuse...

Alors ça, si ce n'est pas un signe que même les Dieux redonnent à Médée une seconde chance..

Une pièce d'Euripide assez réussie, en somme, avec ses ambiguïtés et ses contradictions, pour nous donner du grain à moudre et nous empailler quelque peu autour du personnage central!

Noir c'est noir, comme dirait quelqu'un, mais ici le noir est la dernière couleur avant l'extinction des feux...et le passage de l'autre côté...
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La Médée d'Euripide est une tragédie pathétique.
Tout au long de la pièce, nous suivons une accumulation croissante des émotions de colère et de haine qui amène la vengeance de Médée.
Aucune véritable péripétie, puisque Médée est déterminée et prête à se venger de Jason d'une manière ou d'une autre, dès le début, et c'est la plus cruelle : 'Garçons, la haine de vos mères. Garçons maudits, je souhaite votre mort.'
Medée est consciente qu'elle ne peut rien faire pour annuler le mariage entre Jason et la fille de Créon.
Le seul événement dans la pièce est le moment où Médée tue effectivement ses propres enfants.

C'est une histoire de passion et de son contraire la haine, haine qui ici se matérialise par l'assassinat des deux enfants et de la future épouse de Jason – qui ne l'oublions pas devait beaucoup à Médée du temps qu'il trouvait la toison d'or et la gloire, avant de - nous dirions aujourd'hui - la larguer.

C'est un destin de femme qui m'intéresse tout autant que celui de Clytemnestre, qui assassine son mari, Agamemnon – lequel avait sacrifié leur fille pour gagner la guerre contre Troie...cela pour są gloire.

Lien : http://holophernes.over-blog..
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La tragédie Médée d'Euripide fut, d'après les sources historiques, interprétée dès 431 ap. J.C.
Tirée de la légende des Argonautes partis avec Jason à la recherche de la Toison d'Or à bord de l'Argo, Euripide concentre ici l'action de sa tragédie sur la séparation de Médée et Jason sur l'île de Corinthe. Jason s'est laissé convaincre par le roi Créon d'épouser sa fille Créuse. Médée, son épouse et la mère de ses deux enfants, abandonnée à son sort, sommée par Créon en personne de quitter l'île sous peine de mort, va sombrer dans une démence vengeresse. Elle implore cependant la clémence pour ses deux fils, pour qu'ils ne soient pas eux aussi contraints à l'exil. Son souhait sera exaucé par Créuse. La nouvelle ne fera cependant qu'attiser son extrême souffrance. La voici seule, forcée à partir, loin de ses deux enfants. Poussée par le désespoir, résolue à se venger de son sort et de Jason, elle va commettre l'irréparable en donnant successivement la mort à Créuse, Créon et à ses deux fils.

Dès la fin de la lecture d'une tragédie antique (grecque et latine) ou d'une pièce du théâtre classique, je suis toujours frappé par leur aspect intemporel et si prégnant. Certes, comme dans Médée, les dieux ne décident plus du destin des hommes et n'exercent plus sur eux leur courroux, mais il y a dans la tragédie d'Euripide des thèmes qui ont tout à voir avec la condition humaine comme ici, le statut de la femme, l'honneur, l'offense, la vengeance, le désespoir.
Médée est une tragédie troublante, saisissante, qui fait partie de ces oeuvres que je qualifie d'inoubliables.

La version que j'ai lue de « Médée » est celle traduite par Marie Delcourt-Curvers – éditions Gallimard, 1962.

Bien qu'écrivant ici sur un site dédié à la lecture, je ne peux m'empêcher de recommander le DVD de « Médée », jouée au Festival d'Avignon en 2000 avec dans le rôle titre, la remarquable Isabelle Huppert, dans une mise en scène de Jacques Lasalle (éditions Arte Vidéo).
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