Et encore une
Médée, la première au théâtre, celle d'
Euripide!
Si je me réfère à mes critiques de la
Médée de
Sénèque, la
Médée d'
Euripide est un contre-exemple parfait!
Voici une vraie tragédie, - et non une noire caricature- faite pour être jouée - -et non pas seulement lue-, construite sur une structure bien balancée - et non à la va -comme-je-te-pousse- , avec un vrai choeur - un choeur de femmes d'ailleurs, c'est important! qui joue son rôle d'humanité moyenne à laquelle le spectateur s'identifie- et dont le point de vue évolue avec les péripéties, de la compassion à l'horreur.
Et surtout voici une héroïne qui commet un acte monstrueux mais qui n'est pas un monstre .
Elle a encore des larmes, des fragilités, des doutes, des hésitations, des attendrissements et si elle se décide au crime atroce d'infanticide, c'est parce qu'elle est arrivée au bout de sa route.
Voici aussi des personnages secondaires qui ont un vrai poids et se partagent entre deux camps: la nourrice et Egée pour
Médée, Créon et Jason contre
Médée.
L'histoire n'a pas changé- mais tout est changé.
On n'est pas dupe de ce beau parleur de Jason, le roi des arguties, le champion de la mauvaise foi, qui même après la mort atroce de ses enfants n'en demeure pas moins un triste individu que le choeur renvoie dans ses cordes comme un boxeur sonné..
Et on peut plaindre
Médée, suivre les méandres de sa douleur. Malgré son acte impardonnable, elle reste une mère, une mère frappée d'égarement et de folie, mais une mère "sublime, forcément sublime"..si vous voyez ce que je (ne) veux (pas) dire!!
Corinthe, c'est un peu la Vologne, parfois...
La sombre folie, la perfide Erynie la guette, et elle est beaucoup moins la noire magicienne un peu kitsch peinte par
Sénèque, qui nargue Jason sur le toit du palais en flammes et s'envole avec son char de serpents ailés, façon Game of Thrones, qu'une étrangère malheureuse, abandonnée en terre hostile, à qui, étrangement, Egée , en échange d'un dénouement d'aiguillettes -il ne peut avoir d'enfants- promet un passeport estampillé, une intégration modèle, un F3 et un nouveau départ dans sa ville -lumière, Athènes, la belle, la généreuse...
Alors ça, si ce n'est pas un signe que même les Dieux redonnent à
Médée une seconde chance..
Une pièce d'
Euripide assez réussie, en somme, avec ses ambiguïtés et ses contradictions, pour nous donner du grain à moudre et nous empailler quelque peu autour du personnage central!
Noir c'est noir, comme dirait quelqu'un, mais ici le noir est la dernière couleur avant l'extinction des feux...et le passage de l'autre côté...