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EAN : 9782251001258
101 pages
Les Belles Lettres (15/04/2003)
3.93/5   22 notes
Résumé :
Les Grecs faisaient graviter leur térébrante question théâtrale autour de l'épouvantable sujet de la filiation: destruction-réparation. L' Oreste vengeur s'enfonçait dans la filière démesurée du matricide, mais la folie d' Oreste s'originait plus dans le délire de filiation qu'elle suppose, que dans le meurtre même.

Avec Alfieri "adapté" par Rocquet, c'est la possession même du fils par le père (Agamemnon) - par son ombre aspirante - qui détient, pour... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Oreste est, de mon point de vue, l'une des toutes meilleures pièces d'Euripide. Alliant à la fois un côté didactique très poussé, notamment sur le rappel des généalogies de la lignée des Atrides (Maison royale d'Argos), un potentiel tragique indéniable avec matricide à la clef, une réflexion civique intéressante digne de captiver Jean-Paul Sartre avec cette magnifique interrogation : « Faut-il assassiner les assassins ? », une valeur de récit mythique pour le peuple grec, et même — même — une petite cerise inattendue sur le gâteau tragédien... Approchez-vous que je vous parle à l'oreille :

À dire vrai, entre nous, entre quatre yeux, interrogeons-nous : Euripide serait-il l'inventeur insoupçonné mais véritable de la tragi-comédie ? Des accents burlesques fleurissent en fin de pièce par l'entremise du Phrygien et la tragédie, chose assez rare, a une happy-end (certes ce n'est pas la seule, on connaît notamment Alceste chez Euripide qui possède le même type de tournant du sort final).

Donc vous avez le droit à tout avec cet Oreste, le destin mêlé des rois, des hommes et des dieux, sans oublier les femmes, omniprésentes dans les débats. de grands sentiments (amitié, amour filial ou fraternel), de grandes émotions (meurtre, retour inespéré, folie, sentence populaire, recueillement), de l'action et du suspense (complots, coups de théâtre, combats, jugement, machiavélisme politique), et, en un mot comme en mille, du grand art, un must toutes tragédies antiques confondues. On comprend pourquoi Byzance la considérait comme l'une des trois seules dignes d'être jouées (avec Hécube et les Phéniciennes).

Euripide nous focalise sur le moment crucial du retour du roi Ménélas après sa victoire sur Troie après dix années d'absence, au moment précis où Oreste vient d'assassiner sa mère Clytemnestre au motif que celle-ci vient traîtreusement d'abattre son mari, le valeureux Agamemnon, frère de Ménélas, qui avait découvert le pot-aux-roses de son adultère avec son cousin Égisthe.

Oreste prétend avoir agit selon le bien et les ordres des dieux ; pour les citoyen d'Argos, c'est un matricide, crime punit par la mort. Dernier des derniers ou héros, telle est la question.

Pour sa soeur Électre, de même que pour son fidèle ami Pylade, pas de doute, Oreste est un héros qui a vengé l'honneur souillé de son père, le majestueux Agamemnon. Par contre, pour son grand-père Tyndare, le père de Clytemestre, Oreste n'est qu'un vaurien, qui s'est rendu aussi coupable que sa mère en adoptant le même mode opératoire.

Tyndare prétend que sa fille méritait un châtiment exemplaire mais que ce n'était pas à son fils de le prononcer, et surtout pas à l'aide du couteau… et vous ? Qu'en dites-vous ?

Je pourrais palabrer ainsi encore longtemps sur les mérites de cette tragédie, mais vous avez compris le message et l'on peut aussi considérer que je vous ai déjà livré l'essentiel de mes impressions, c'est-à-dire, pas grand-chose. Au reste, c'est à vous de vous forger votre propre opinion, n'en déplaise à Apollon, Zeus, Hadès ou Dionysos...
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La pièce a été créée en – 408, c'est à dire 5 ans après Électre ; même si l'action des deux pièces se suit, un certain nombre d'éléments sont redondants, puisqu'il fallait qu'Électre ait une fin qui dessine le destin des personnages et que les événements soient de nouveau exposés dans Oreste pour la compréhension des spectateurs. Si on ignore l'accueil réservé à la pièce lors de sa création, son renom n'a cessé de grandir dans l'antiquité, ce qui lui a permis de survivre grâce à des nombreux manuscrits.

Nous sommes à Argos, cinq jours après le meurtre de Clytemnestre. Oreste est alité, poursuivi par les Érinyes vengeresses. Les citoyens d'Argos doivent juger ce jour Électre  et Oreste, une condamnation à mort est la plus probable. Mais Électre  annonce l'arrivée de Ménélas et d'Hélène : leur oncle lui semble la seule chance de salut. Un dialogue entre Électre  et Hélène suit, cette dernière pleure la mort de sa soeur, même si elle s'apitoie vaguement sur ses neveux. Elle demande à Électre  d'aller sur le tombeau de Clytemnestre pour lui rendre hommage, ayant peur de l'hostilité de la foule à son égard. Électre  lui conseille d'y envoyer Hermione, sa fille, élevée par Clytemnestre. Électre et le choeur pleurent le terrible destin et l'ordre injuste d'Apollon qui a fait d'elle et de son frère des matricides. Oreste réveillé renchérit.

Arrive Ménélas, qui est plutôt favorable à ses neveux et qui les plaint. Oreste lui explique la situation et le jugement qui doit avoir lieu, en sachant que des proches d'Égisthe occupent des situations clés. Fait son apparition Tyndare, le père de Clytemnestre et Hélène, qui lance une condamnation sans appel d'Oreste et d'Électre. Même si Clytemnestre méritait la mort, ce n'était pas à ses enfants de la lui infliger. Il compte demander leur condamnation et menace Ménélas de lui enlever la royauté de Sparte s'il veut les aider. Ce dernier exprime son impuissance à Oreste pour l'aider. Suite à l'arrivée de Pylade, son grand ami, Oreste décide de se rendre au procès pour tenter de se défendre, même s'il pense avoir peu de chances.

Un paysan raconte le procès à Électre : malgré certains orateurs honnêtes, la foule s'est laissée manipuler par les amis d'Égisthe et par des démagogues habiles. Ils ont été condamnés à se donner la mort dans la journée. Électre pleure la fin de la race maudite dont elle est issue, qui enchaîne les meurtres et les atrocités.

Oreste revient, le frère et la soeur s'apprêtent pour la mort. Mais Pylade ne veut pas abandonner : il propose de tuer Hélène et de prendre Hermione pour otage, pour obliger Ménélas à les sauver, ou au pire à provoquer un carnage général, et à brûler le palais d'Argos. Ils mettent leur plan à exécution, la situation paraît devoir dégénérer en un bain de sang. Apollon en deux ex machina vient conclure d'une façon moins tragique. Hélène n'est pas morte, elle a été transformée en astre, car elle a joué le rôle assigné par les dieux de provoquer une guerre meurtrière. Oreste doit s'exiler provisoirement et subir un autre procès dont l'issue lui sera favorable, puis épouser Hermione et revenir régner. Électre épousera Pylade.

Oreste est une pièce beaucoup moins sobre qu'Électre. La fin est très outrée, les trois jeunes gens semblent presque en train de sombrer dans la folie, une folie homicide ; une envie de détruire le monde semble les saisir. On voit mal en quoi tuer la femme et la fille de Ménélas pourrait les aider, mais ils paraissent habités d'une sorte de démence et de fureur, être possédés, sans qu'il ait besoin d'invoquer les Érinyes, qui soit dit en passant n'apparaissent pas vraiment dans la pièce, on en parle, mais Oreste semble bien plus possédé par sa culpabilité et ses remords que par des agents extérieurs. Seule une intervention divine peut faire revenir un semblant d'ordre, d'une façon qui semble presque ironique : Apollon, considéré comme le responsable de leurs actes et de leurs malheurs par les jeunes gens vient les sauver, malgré leurs invectives. Tout en expliquant que la guerre de Troie a été décidée pour purger la terre d'un nombre trop grand d'hommes.

Oreste n'avait guère le choix : il a suivi les ordres du dieu, qui sans cela aurait risqué de le châtier cruellement. Mais il s'est retrouvé face à ses remords, à l'horreur d'avoir tué sa mère : compte tenu de ce qu'il a vécu, de ses épreuves, de sa traversée de la folie, on imagine mal comment il pourra retrouver une paix intérieure désormais. Il semble brûlé intérieurement. Il a été pris dans un enchaînement d'événements tragiques, bien antérieurs à sa naissance, dans une famille dans laquelle une transgression, une mise en cause de l'ordre des choses, provoque une novelle transgression, de nouvelles horreurs, sans qu'il semble possible d'arrêter la machine une fois en route. Oreste est en quelque sorte un coupable innocent : coupable parce qu'il commet le meurtre de sa mère mais innocent parce qu'il ne peut tout simplement pas faire autrement, à cause de la nécessité de venger son père, et aussi d'obéir à l'ordre d'un dieu. La discussion entre lui et Tyndare s'avère donc impossible : Oreste fait valoir ses raisons, mais les contre-raisons de Tyndare ont autant de légitimité ; son discours a un fond de sagesse (Clytemnestre méritait la punition mais pas par son fils) mais en poursuivant Oreste et Électre il arrive à se contredire : si un fils ne devait pas donner la mort à sa mère, un grand-père ne devrait pas non plus vouloir tuer ses petits-enfants. La situation est devenue inextricable, au-delà de la raison.

Même si le procès d'Oreste dans lequel les dieux auront le dernier mot et vont l'innocenter est évoqué à a fin , c'est un autre procès qui se déroule dans la pièce, et dans celui-ci, ce sont les hommes qui jugent Oreste et Électre. Une sorte de déplacement de la justice, de la justice divine vers la justice humaine semble se faire jour. Cette justice humaine apparaît comme très faillible : l'habileté d'un orateur peu scrupuleux de la justice, un rapport de forces politiques sont des éléments déterminants. La foule se laisse facilement manipuler, et il y a peu de chances que la vérité jaillisse des débats. La justice des hommes ne vaut pas mieux que les caprices et les injustices des dieux.

La résolution finale en paraît d'autant plus illusoire : la pièce pose des questions, des problèmes, mais ne répond pas, n'apaise pas vraiment, ne ramène pas d'harmonie dans le chaos. le spectateur ne repart pas forcément purgé.
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Euripide avait-il le goût de l'exhaustivité ? Car après la somme composée sur la légende thébaine avec Les Phéniciennes, il remet le couvert pour les Atrides. Et bien qu'il ne s'attarde que sur un épisode bien précis de ce mythe, il compose un prologue qui expose tout le passé bien fatal des ascendants, Atrée et Thieste, et un exodos expéditif prononcé par Apollon sur la fin de la légende. Euripide aimait beaucoup également innover et apporter sa touche personnelle aux récits mythologiques, ce qu'il fait avec malice dans cette longue tragédie où Hélène est soudainement enlevée sous décision divine des bras vengeurs d'Oreste et Pylade pour rejoindre les astres du ciel et devenir protectrice des navigateurs. Enfin, Oreste se transforme tout au long de la pièce, passant de l'abattement et du remord à l'outrance et à la férocité.
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Oreste est souillé du meurtre de sa mère et d'Egisthe ; les Argiens le laissent de côté en attendant de statuer sur son châtiment et ne lui permettent pas de se purifier. Il est tourmenté par les Erynies. Electre ne les voit pas, mais elle est moralement aussi coupable que lui, car elle les a encouragés, Pylade et lui. L'arrivée de son oncle Ménélas, accompagné de la funeste Hélène, lui donne à un moment un peu d'espoir, mais Ménélas, insensible à l'argument de la vengeance d'Agamemnon, ne le défendra pas à l'assemblée des Argiens. On condamne dont le frère et la soeur à mort. Les trois jeunes gens décident de contrattaquer, de tuer Hélène et de prendre Hermione, sa fille, comme otage...

On connaît le sujet et pourtant, il est un peu différent. le discours de Tyndare (père d'Hélène et de Clytemnestre) où ne transparaît aucune affection pour ses filles et petits-enfants, extrêmement légaliste, est en même temps, assez clair et structuré, pour nous, lecteurs d'un autre temps, peut-être un peu perdus dans ce monde ancien si différent. A ma grande stupéfaction, le meurtre d'Hélène aussi, qu'on ne trouve nulle part... mais je n'ajouterai rien à ce sujet, pour ne pas divulguer un ressort important de la pièce ! J'ai assez aimé cette pièce dynamique, pleine de jeux de scène perceptibles, de pathos et de sauvagerie, flirtant sans cesse avec la bienséance.
Lien : http://aufildesimages.canalb..
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Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
Son bras blanc a frappé sa poitrine, frappé sa pauvre tête à coups retentissants. Elle a fui. Dans les sandales d'or, ses pieds couraient, couraient ! Mais dans ses bottes mycéniennes Oreste allait plus vite !
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Voici, Ménélas, la seule question que je te ferai : la femme qu'il épousera, qu'elle le tue, que son fils à son tour assassine sa mère, et qu'alors le fils de ce fils exige sang pour sang, où s'arrêtera la suite de crimes ? Nos pères autrefois en ont sagement décidé. L'homme souillé de sang, on lui interdisait de paraître aux regards, de rencontrer les autres hommes. On le purifiait par l'exil, sans exiger meurtre pour meurtre, ce qui chaque fois aurait exposé un homme à la mort. (...) Non ! de tout mon pouvoir, je me fais le champion de la loi, afin qu'on cesse de s'entre-tuer, ainsi que font les fauves, (...).
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Un homme qui vous est uni de cœur, fût-il un étranger, est un ami bien plus précieux que beaucoup de parents.
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Ma pauvre sœur, tu n'as pu l'épouser, quand je te l'avais accordée pour consacrer notre amitié. Ce lien-là entre nous ne peut plus exister. Choisis une autre femme qui te donnera des enfants. Toi qui mérite le plus beau des noms, Fidélité, pars à présent, et sois heureux.
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LE PHRYGIEN : Éloigne ton épée. Quand tu la rapproches, elle me renvoie des lueurs de meurtre.
ORESTE : Et tu crains de devenir pierre, comme si c'était la Gorgone.
LE PHRYGIEN : Plutôt de devenir cadavre.
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Videos de Euripide (24) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de  Euripide
Par Chloé Delaume accompagnée de Benoist Esté Bouvot
Chloé Delaume poursuit son exploration des grandes figures mythologiques féminines en se penchant cette fois sur celle de Médée. Elle revisite ce personnage de la mythologie afin d'en convoquer toute la puissance pour faire écho aux problématiques féministes contemporaines. Médée, magicienne, amoureuse, dont le nom semble depuis toujours synonyme d'infanticide. Pourtant, celle, sans qui Jason ne serait rien, n'a pas toujours été la meurtrière de ses enfants : avant Euripide, Médée commet bien des crimes, mais pas celui-là. Ce soir elle raconte son histoire et interroge la véritable nature de sa culpabilité, elle qui durant tant de siècles ne fut écrite que par des hommes.
Dans le cadre du colloque international « Chloé Delaume : une oeuvre intermédiale » et de la résidence Lilith & Cie.
« le souci quand on est personnage de fiction, c'est qu'un tas de gens, sans cesse, vient vous écrire dessus. On se voit transformé sans le moindre recours. Quelqu'un m'a noirci l'âme, depuis je fais avec. » Chloé Delaume, « Médée avant Médée »
À lire – Chloé Delaume, Pauvre folle, Seuil, 2023.
Son : François Turpin Lumière : Iris Feix Direction technique : Guillaume Parra Captation : Claire Jarlan
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