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EAN : 9791090062474
96 pages
Editions iXe (26/04/2019)
5/5   5 notes
Résumé :
En compagnie est l'association d'« autrice » et d'« actrice », mots qui ont partie liée depuis l'origine puisqu'ils dérivent tous deux du latin « auctri x». Malgré cette étymologie commune, leurs destins furent bien différents, et c'est l'histoire du premier que retrace ici Aurore Evain, dans une étude qui a largement contribué à réhabiliter ce terme proscrit par les hommes de lettres. Chercheuse, Aurore Evain est aussi comédienne et metteuse en scène, et son travai... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Tout d'abord je remercie les éditions iXe et Babelio pour cet ouvrage qui m'a été offert dans le cadre d'une opération masse critique.
Je me suis intéressée à ce livre après avoir été interpellée sur le terme « autrice » revendiqué par Chloé Delorme notamment quand elle évoque son dernier livre "Mes bien chères soeurs" (que j'ai adoré). Jusque-là j'utilisais plutôt le terme « auteure », veillant depuis longtemps à féminiser les noms de métiers. Mais après la lecture de ce livre je vais changer mes habitudes.

"En compagnie" est un titre très bien choisi pour ce petit livre par sa taille mais grand par son contenu. D'abord il m'évoque le théâtre mais aussi le collectif et la sororité.
C'est un recueil composé de deux textes de nature différente. le premier présente un travail universitaire réalisé par Aurore Évain "Histoire d'autrice de l'époque latine à nos jours" suivi d'un épilogue et d'une bibliographie. le deuxième texte est une pièce de théâtre de Sarah Pèpe intitulée "presqu'illes". C'est une comédie qui a été inspirée par le travail d'Aurore Évain.
C'est effectivement un travail de recherche très sérieux qui met à bas certains préjugés concernant l'incongruité du féminin "autrice" et son incapacité à désigner la femme qui écrit.
Alors que le terme était utilisé au Moyen-Âge, il est renié dès le 17ème siècle parce que le prestige littéraire et social doit rester masculin aux yeux de certaines élites. Il est contraire en cela au terme « actrice » qui est resté dans l'usage.
Les académiciens vont entériner la valeur générique du masculin pour nommer la femme qui écrit, considéré comme le seul genre capable d'inclure et de représenter l'universel. Alors que de plus en plus de femmes aspirent à faire carrière dans les lettres, la politisation de la langue va faire disparaître le terme « autrice ».
C'est à partir des années 60 que le mouvement féministe conduit les écrivaines à reposer le lien entre féminisation et légitimation dans une vaste réflexion sur le rapport sexué au langage. Elles n'ont plus à lutter avec l'interdit d'écrire mais avec une langue qui leur résiste.
On sait grâce à Aurore Évain que le nom « autrice » n'est pas un néologisme et qu'il puise sa légitimité terminologique dans l'histoire. C'est très important quand les débats d'actualité portent sur la féminisation des noms de métiers, ou plutôt sur leur démasculinisation.
Et puis il y a le théâtre lié à l'histoire de ce mot car les femmes de théâtre ont grandement contribué à le faire renaître dans l'usage. La pièce de Sarah Pèpe va dans ce sens avec l'histoire d'une petite fille qui cherche à comprendre pourquoi elle a fait une faute d'orthographe en n'appliquant pas la règle du masculin qui l'emporte. La question est bien posée et j'aimerais beaucoup voir cette pièce jouée.
Il faut ajouter que la maison d'édition iXe a le courage d'inviter les autrices et les auteurs qu'elle publie à appliquer la règle dite de proximité, de voisinage ou de contiguïté, qui accorde en genre, et en nombre, l'adjectif, le participe passé et le verbe avec le nom qui les précède ou les suit immédiatement. Ce qui va en surprendre plus d'un c'est que cette règle était appliquée jusqu'au 16ème siècle.

Bravo aux autrices de ce livre que je suis contente de mettre dans ma bibliothèque.


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Partout dans le monde, En reprenant leur place volée, dissimulée, mise de coté, abimée, les femmes permettrons aussi aux hommes d'entrer dans l'aventure de la personne humaine, de l'humanité au coeur de la vie et du cosmos !

Par ce que je suis humaniste, je ne peux être que féministe avant tout autre question sociétale !
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« Autrice » libère les créatrices endormies ou ligotées qui sommeillent ou se débattent en nous

« L'histoire d'autrice, dont nous proposons ici une rapide esquisse est passionnante à plus d'un titre, car elle recoupe à la fois l'histoire de la langue, celle de la fonction-auteur et les étapes de l'accès des femmes à la sphère publique en général, et à la création en particulier. Elle permet surtout de mettre à bas certains préjugés concernant le soi-disant incongruité de ce féminin et son incapacité à désigner la femme qui écrit » »

Aurore Evain parle, entre autres, des nombreux usages de l'auctrix latin, des « savants » et de leur résistance à ce féminin puis de son interdit, de « celle ou celui qui accroit », de l'usage du mot tout au long du Moyen-Age, du couple lexical actrix/auctrix, de la valeur sémantique que les termes recouvrent au masculin, « Apparaîtra actrice quant le terme acteur se limitera au sens de « comédien » ; disparaitra autrice quand la fonction-auteur s'institutionnalisera et se dotera d'un prestige littéraire et social »…

La Renaissance, des autrices. Puis au XVIIème siècle, la soi-disant valeur générique du masculin « considéré comme le seul genre capable d'inclure et de représenter l'universel », la guerre menée contre autrice, la censure d'un féminin et surtout la condamnation de la femme qui écrit, l'éradication d'autrice dans les manuels de langue du XVIIIème siècle…

Le mot est enfoui et lorsqu'il réapparait vidé de sa légitimité historique, il sera considéré comme… un néologisme. L'autrice cite Sylvain Maréchal et son Projet de loi portant défense d'apprendre à lire aux femmes, le lien entre discrimination terminologique et discrimination sociale « commence désormais à se dire ». Il ne faut donc pas oublier que le masculinisme est au coeur de la pensée révolutionnaire, de Sylvain Maréchal à Pierre-Joseph Proudhon, sans oublier Jean-Jacques Rousseau et le refus de la démocratie passé la porte des maisons ou certains syndicalistes révolutionnaire du début du XXème siècle qui refusaient à la fois le travail salarié des femmes et leur syndicalisation… (sur ces sujets, je rappelle les travaux de Geneviève Fraisse).

Reste que contrairement aux injonctions académiciennes le terme autrice est bien légitime, comme la réflexion féministe sur le rapport sexué au langage. Il nous faut nous réapproprier ces mots enfouis par la masculinisation politique de la langue française, redonner une « épaisseur historique » à certains mots, redonner vie à l'accord de proximité et inventer un langage plus adéquat à l'égalité…

En épilogue, Aurore Evain souligne le fait qu'il ne s'agit pas en fait de féminiser la langue française, mais bien de la démasculiser, de rendre leur place « aux féminins qui existent depuis des siècles ». Elle aborde aussi la découverte de modèles, la place des femmes dans la production littéraire, la longue présence des femmes dans la création, la langue égalitaire « débarrassée des interventions sexistes d'un autre âge, nettoyée, pour les générations à venir, de ses mécanismes de délégitimation mis en place il y a quatre siècles », la bonne compagnie de son article avec la pièce de Sarah Pèpe

Sarah Pèpe nous propose une pièce et des personnages. Il faut lire les savoureuses questions de l'enfant à l'institutrice, autour de « le masculin l'emporte sur le féminin », la volonté de comprendre, le chagrin arc-en-ciel, la décision que certains mots puissent habiter dans le livre des mots, « Maintenant / Il faut que j'explique / A maman et à papa / Que la note de la maitresse est juste / Parce que la règle de grammaire / N'est pas juste »…

Comme l'autrice indique que « Toute ressemblance ou similitude avec des propos ayant réellement été prononcés est purement volontaire », les lectrices et lecteurs ne pourront être qu'effaré·es des sentences de Georges Dumézil ou de Claude Lévi-Strauss. Pour ce dernier je rappelle cette incroyable phrase, maintes fois commentée par des féministes : « le village entier partit le lendemain dans une trentaine de pirogues, nous laissant seuls avec les femmes et les enfants dans les maisons abandonnées » ; les femmes et les enfants ne faisant visiblement pas parti du village ou de l'humanité pour cet anthropologue…

Elle – une autrice – qui dit et assume le nom, des ielles et les ritournelles sur le laid, le grotesque, la faute de goût, le ridicule, le heurt de l'oreille…

Et, entre autres, un écrivain-vain, un philosophe qui ne peut concevoir des philosophesses, et se plaint de la défiguration de la langue, un masculiniste et la dévirilisation ou l'émasculation de la société, ceux qui énoncent que le « il » serait universel, le masculin générique…

Des femmes, Je-Dis-Je-Suis-Féministe-Même, Je-Suis-Féministe, Je-Ne-Suis-pas-Féministe-Mais, des Expertes, Marie-Louise Gagneur, Hubertine Auclert, Yvette Roudy

Une leçon sur les mots, les sens, la légitimité, la dévalorisation, le pouvoir… avec l'humour nécessaire de « l'ennemi introduit dans les murs » par une sorcière…

Le titre de cette note est inspiré de deux phrases d'Aurore Evain.

A lire et à offrir à toustes celleux qui pensent hypocritement que la langue serait le seul lieu exempt de rapport de pouvoir.
Lien : https://entreleslignesentrel..
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Mon affection pour les éditions iXe n'est plus à démontrer et je remercie Babelio pour l'opportunité offerte de découvrir l'un de leurs derniers titres. En compagnie se scinde en deux parties.

Tout d'abord, Aurore Evain nous présente une Histoire d'autrice de l'époque latine à nos jours. Une histoire linguistique. Une bataille. Une opposition séculaire entre usages et considérations intellectuelles. Une redécouverte de la langue démasculinisée. Une corrélation entre vocabulaire et valorisation sociale.
J'en connaissais déjà les grandes lignes grâce aux ouvrages d'Eliane Viennot, mais celui-ci, en se focalisant sur un seul mot, est beaucoup plus détaillé pour ce qui est de l'histoire du terme autrice, de ses premières apparitions, sa légitimité, ses occurrences, son utilisation, les piques qu'il suscita, etc.
J'ai notamment découvert que le destin d'autrice fut étroitement lié à celui d'actrice et qu'il fut un temps où c'était le second qui était banni. Dans les dictionnaires latin-français du XIVe siècle, auctor/auctrix signifiait seulement accroisseur/accroisseresse ou augmenteur/augmenteresse, bref, aucune idée de création là-dedans ; parallèlement, un actor jouait la comédie certes, mais évoque aussi le droit, la justice… et la littérature. Une position sociale très valorisée donc, or, surprise !, actor n'a alors pas de féminin. C'est quatre siècles plus tard qu'apparaîtra actrice quand acteur ne signifiera plus que comédien et que disparaîtra autrice lorsque qu'auteur prendra des galons. Pour citer l'autrice de cet essai, « il en ressort une nouvelle fois que l'existence lexicographique d'un féminin dépend moins des critères d'usage, d'analogie ou d'euphonie habituellement mis en avant, que la valeur sémantique que le terme recouvre au masculin. Quand cette valeur est forte, plurielle et socialement valorisante, le féminin n'est pas référencé dans les ouvrages sur la langue, même si la place des femmes dans la société peut justifier son emploi. » Une anecdote très éclairante !
Elle clôture son essai par un épilogue plus personnel dans lequel elle raconte son parcours personnel : la découverte du sexisme de la langue, ses recherches, ses premiers essais, les évolutions constatées… jusqu'à sa rencontre avec Sarah Pèpe et la parution du présent ouvrage.

La seconde partie de ce livre propose une pièce de théâtre signée Sarah Pèpe et intitulée Presqu'illes. Dans cette pièce intervient de multiples personnages qui seront familiers à celles et ceux qui s'intéressent au féminisme et/ou qui connaissent un peu l'histoire de la langue (ou qui ont lu les ouvrages d'Eliane Viennot). Des anonymes : Elle, Ielles, Des Expertes, L'Écrivain-Vain, le Philosophe, Je-Suis-Masculiniste, Je-Suis-Féministe, Je-Suis-Féministe-Mais, Je-Ne-Suis-Pas-Féministe-Mais, Je-Dis-Que-Je-Suis-Féministe-Même. Des figures historiques : Marie-Louise Gagneur, Jules Claretie, Leconte de Lisle, Charles de Mazade, Yvette Roudy, Georges Dumézil, Claude Lévi-Strauss. Ainsi que L'Enfant et L'Institutrice.
En huit scènes, Sarah Pèpe résume les disputes autour du mot autrice. Les commentaires qu'il fait naître chez les uns et les autres, les prises de positions, les prises de bec, les remarques acerbes des Académiciens, les défenses d'une autrice du XIXe siècle et d'une femme politique du XXe siècle.
L'Enfant, quant à elle, se prend le chou avec cette règle qui dit que « le féminin l'emporte sur le féminin » et ne comprend pas pour quelle raison son père, par sa seule présence, invisibilise toute une assemblée de femmes dans une phrase.

Si le sujet est un peu redondant avec l'essai qui le précède, la forme est intéressante. On savoure certaines répliques, on questionne avec L'Enfant, perplexe face à ces règles mouvantes et illogiques, on s'amuse du ridicule de certains personnages (coucou, L'Ecrivain-Vain !), on s'afflige des arguments emplis de mauvaise foi et de sexisme de ces « grands hommes ».
L'écriture et la présentation en revanche m'ont un peu dérangée. Ces phrases découpées me poussaient à lire comme un robot. J'ai eu du mal à y trouver une fluidité et c'est typiquement le genre de texte sur lequel je m'interroge : comment, à quel rythme, avec quelle cadence suis-je censée le lire ?

Un ouvrage intéressant qui exhume l'histoire méconnue de notre langue et qui nous rappelle qu'il n'est pas question ici de féminisation, mais simplement de démasculinisation. Un combat qui se gagnera avant tout grâce à l'usage quotidien que l'on fait et fera des mots.
Lien : https://oursebibliophile.wor..
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Je remercie tout d'abord les éditions Ixe et Babelio pour l'envoi de ce livre très enrichissant.
Je ne pensais pas avant d'ouvrir ce document que le terme "autrice" ait put engendrer tant de débats et créer tant de houle ! Bien sûr, je sais que l'idée est controversée et a eu gain de cause en 2019.
Mais on en apprend beaucoup plus dans l'ouvrage d'Aurore Evain. de l'époque antique à nous jours, "autrice" a eu la vie dure et maille a partir avec ses opposants ! Pourtant, il semble tellement logique de féminiser les termes, pour une langue plus juste et égalitaire mais tous ne pensent pas comme ça. La langue est politique et l'emploi des mots assurent le pouvoir à certains pour le refuser à d'autres, et plus particulièrement les femmes.
A travers ce livre, ce sont tous les enjeux et l'importance de la lutte féministe qui est célébrée.
La pièce de théâtre qui suit en est un bel exemple, que j'ai trouvé très agréable à lire et représentative des propos tenus par Aurore Evain.
Petit ouvrage rapide à lire et très bien instruit, il saura faire ça place pour comprendre que "autrice" n'est pas un caprice mais bien une nécessité de la langue si on veut marcher vers une société plus juste et égalitaire.
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
“Reste que contrairement aux injonctions académiciennes le terme autrice est bien légitime, comme la réflexion féministe sur le rapport sexué au langage. Il nous faut nous réapproprier ces mots enfouis par la masculinisation politique de la langue française, redonner une « épaisseur historique » à certains mots, redonner vie à l’accord de proximité et inventer un langage plus adéquat à l’égalité…”
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Au commencement était autrice… et autrice devint théâtre.
Théâtre d’une revendication politique et féministe.
Théâtre d’une lutte pour une langue égalitaire, débarrassée des interventions sexistes d’un autre âge, nettoyée, pour les générations à venir, de ses mécanismes de délégitimation mis en place il y a quatre siècles.
Puis théâtre tout court : mise en espace d’une histoire d’effacement et de disparition, qui a « empêché » des générations d’autrices ; mise en voix d’une renaissance terminologique qui a libéré de nouvelles générations d’autrices.
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L'histoire du mot autrice est donc née d'une histoire du théâtre, et ce sont des femmes de théâtre qui ont grandement contribué à le faire renaître dans l'usage.
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Les Editions iXe invitent leurs autrices et leurs auteurs à appliquer la règle dite de proximité, de voisinage ou de contiguïté, qui accorde en genre, et en nombre, l'adjectif, le participe passé et le verbe avec le nom qui les précède ou les suit immédiatement.
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Maintenant / Il faut que j’explique / A maman et à papa / Que la note de la maitresse est juste / Parce que la règle de grammaire / N’est pas juste
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Videos de Aurore Evain (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Aurore Evain
Cette vidéo est une captation de la rencontre qui a eu lieu le 8 mai à la librairie Paroles, à Saint-Mandé, autour de la collection « Les Plumées », en présence d'Aurore Evain, préfacière du "Vieillard amoureux" de Françoise Pascal, et de Laurence Faron, directrice des Éditions Talents Hauts.
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