Elle (la voisine) repéra mon Glock dans ma main.
- Quel joli Glock vous avez là. Ma sœur en a un aussi, elle en est très contente. J'ai hésité à échanger mon .45, mais je n'ai pas eu le cœur, finalement. C'est mon défunt mari qui me l'avait offert pour notre premier anniversaire, paix à son âme...
- Comme c'est romantique!
- Enfin, bien sûr, rien ne m'empêche d'avoir deux révolver.
- On n'a jamais trop de revolvers chez moi, approuvai-je avec un hochement de tête.
Se taire n'était pas une bonne solution, vu que ça me laissait le temps de penser. Et penser n'était pas agréable.
On m'évinçait du plan, on me mettait de coté comme un bagage encombrant. Ou, pire, comme un boulet. En l'espace de trois secondes, je passai d'une incrédulité vexée à une colère noire.
OK, voilà où on en est : la pire crainte de ma mère s'est réalisée. Je suis nymphomane. Je désire un nombre incalculable d'hommes. Bon, peut-être que c'est précisément parce que je ne couche avec aucun d'entre eux. Et la plupart de ces fantasmes ne se concrétiseront sans doute jamais. Il est assez peu réaliste de penser que je me taperai un jour Mike Richter, le gardien des New York Ranger. Ou bien Indiana Jones.
Ah dieu merci, soupira ma mère. J'avais peur que tu aies laissé ton soutien-gorge dans la voiture de Morelli.
- On ne fait pas ça dans sa voiture, rectifiai-je. Seulement dans son lit.
Ma mère avait un grand couteau de cuisine à la main.
- Je vais me suicider, menaça-t-elle.
- Je ne te crois pas, répondis-je en me servant un bol de café. Jamais tu ne te suiciderais en pleine préparation d'une soupe.
- C'est quoi ce chien?
- Je fais du baby-sitting. Apparemment ce n'est pas l'idéal comme chien de garde.
- Je crois qu'il m'aurait même ouvert s'il avait trouvé la clé.
Parfois j'envie les gens qui fument. Ils ont toujours l'air tellement heureux quand ils avalent cette première bouffée de nicotine. Je n'arrive pas à trouver beaucoup de choses qui me procurent autant de plaisir. Les gâteaux d'anniversaire, peut-être.
Elle s'arrêta net pour me regarder attentivement.
-Tu as un problème au bras? dit-elle. Tu te tiens bizarrement.
-Je me suis fait tirer dessus, mais...
Ma mère perdit connaissance. Boum, par terre, avec la cuillère en bois dans la main.
Merde.
_ Je suis prête, annonça mamie.
Elle portait son survêtement violet et des baskets blanches. Elle s'était frisé les cheveux, mis du rouge à lèvres rose et coincé son gros sac en cuir noir sous le bras. Je n'avais qu'une trouille : qu'elle ait emporté son calibre et qu'elle menace l'inspecteur s'il refusait de lui donner son permis.
Mes doigts se portèrent à mon menton sans que j'aie le temps de les en dissuader. Bon sang, elle avait raison. Le bouton avait l'air énorme. Il avait grossi. Merde ! Le mode réaction d'urgence s'enclencha aussitôt et il me souffla le message : "Fuis ! Cours !".