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Critique de Lulu_Off_The_Bridge


Londres, fin des années 90 : Lucas vit sur une péniche avec sa soeur, et une armoire pleine de questions sans réponse. Plus de parents mais des photos, les souvenirs de grand-mères et de petits enfants qui dessinent l'ombre d'un père envolé. Lucas cherche à comprendre ce père, ce danseur que l'on dit noyé. Londres, fin des années 60 : La compagnie afro-caribéenne Midnight Ballet connaît la gloire avant de s'effondrer. À sa tête, Anthoney, intransigeant et surdoué, qui veut danser sans s'alourdir de compromis. Qui aime Carla, aime ses enfants, tout en rêvant de sauter plus loin que Nijinski. Deux générations et une question simple : peut-on avancer quand on ne sait pas d'où l'on vient?

J'ai cru comprendre qu'avant d'écrire, l'auteur était danseuse. de fait, le roman fait montre d'une connaissance intime de la danse, sans en faire des tonnes non plus, sans livrer le pavé indigeste de qui souhaite d'abord transmettre sa passion. Evans s'intéresse à la fluidité des échanges, aux heurts, aux mouvements des uns et des autres, bref, à cette sorte d'osmose qui fonde la compagnie de danse – et dont la disparition causera d'ailleurs la perte. Cela ne me touche absolument pas, mais je le regretterais presque.

Au-delà de la danse qui sert somme toute de motif plutôt que de moteur, le roman suit en parallèle, entremêlés, les parcours du père et du fils, version miroir inversé. Autant Anthoney est habité par la danse au point d'exclure toute perturbation, autant Lucas n'a pas de but, pas d'envie, pas d'autre question, au fond, que de savoir qui était son père. Il espère que savoir d'où il vient lui permettra de savoir où il va. Classique. Méthode Coué, un peu. À vingt-cinq ans d'écart, donc, Lucas et Anthoney se répondent. le fils aussi cramponné au quai de Ladbroke Grove que son père avait des semelles de vent. Dans ce roman, les femmes sont des amarres, pour le pire et le meilleur, le pire dirait Anthoney. Lucas ne dit pas grand-chose, à vrai dire. le fait est que les personnages féminins ne sont pas particulièrement exaltants, entre la narcissique Simone, la trop douce Carla vite enfermée dans son rôle de compagne, et ces mères/soeurs terribles qui gardent les portes, ouvertes ou fermées. Shango montre des femmes fortes et des hommes faibles. Les personnages masculins sont certes plus vifs, mieux mouvants, à défaut d'être plus aimables. Parce qu'il est en quête de réponse et de sens, Lucas n'a pas d'identité propre, ne se définit que par une sorte de paresse, d'inertie au propre comme au figuré. Sympathique, sans plus. Anthoney est d'une autre trempe et tout le talent que lui prête l'auteur, toute son implication dans le Midnight Ballet, ne parviennent pas à en faire un personnage aimable. le talent seul rend égoïste, le destin, infréquentable. C'est ce que semble dire la trajectoire d'Anthoney, qui place l'art avant toute chose et se condamne à rester solitaire. On comprend confusément que c'est le désir de réussir un peu là où son propre père a beaucoup échoué qui pousse le jeune homme à accepter l'amour de Carla, les enfants qu'elle lui donne. Pas une réelle envie. Je suppose qu'il y a comme une maxime : créer est un acte de solitude, qui ne se partage pas, reste opaque à autrui. Anthoney fait le choix de son art, Carla celui de son amour. Reste à voir qui s'en sort le mieux…

Savoir d'où l'on vient, disais-je. Débarqué de Jamaïque dans les années 50, Anthoney reste lié aux Caraïbes, à la façon de danser que cette terre-là lui a apprise. Il tombe en pleines Swinging Sixties, quand une sorte de conscience noire s'épand, entre ceux qui se souviennent des côtes d'Afrique et ceux qui se sentent anglais avant tout. Shango raconte aussi en filigrane ces début du métissage, timide, où chacun reste encore sur son quant à soi, tout en restant à l'écart des conflits ouverts. Il ne s'agit pas d'un roman politique, mais cela importe quand même car l'auteur soigne tout particulièrement son cadre. Comme elle connaît la danse, elle connaît Londres, et Portobello, cette petite Caraïbe dans le fog. Des îles ou de l'Afrique, elle apporte aussi une touche de réalisme magique.
Cela m'a rendu perplexe, je dois dire, car je n'en vois pas vraiment l'intérêt. Ce qui se veut une touche, donc, m'apparaît comme un mouvement non abouti, un souvenir vague. Elle fait par exemple entrer en scène les dieux Yoruba (d'où le titre), dont les rituels inspirent les chorégraphies d'Anthoney. Outre le fait que décrire un mouvement de danse m'a toujours semblé ardu et peu concluant, j'ai eu l'impression que Shango, dieu de la foudre, n'était qu'une métaphore commode. J'ai peut-être mal compris.

Roman de la nostalgie, roman des conflits internes, le ton est doux amer, relativement dépourvu d'humour comme de saillie brusque. Tout coule, en mal comme en bien. Il se dégage une forme de lenteur – langueur, une allure molle. J'ai personnellement été gênée par l'aspect « couru d'avance » du déroulé. On se doute comment va finir l'histoire d'Anthoney et Carla, et pas simplement parce qu'elle commence par la fin, pour ainsi dire. Comme souvent, la relation amoureuse est la pierre d'achoppement de l'intrigue, et on sent l'auteur prise en deux feux : éviter les clichés et les passages attendus tout en démontrant que cette relation est impossible. Malheureusement, clichés il y a et ils viennent s'ajouter à l'impression de douceur-lenteur du récit, dont on finit par se dire qu'il traîne un peu en longueur. On devine l'issue, elle ne déçoit pas. L'ensemble tient debout et réserve quelques jolies pistes, mais je ne suis pas certaine que cela suffise à faire un monument.
Lien : http://luluoffthebridge.blog..
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