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Critique de Eskalion


C'est un petit bouquin. Pas plus de cent pages à lire. Une novella donc. Ca s'appelle « Baby leg » mais c'est signé Brian Evenson. Je dis « mais » car pour ceux qui connaissent cet auteur américain, cette signature est la garantie de partir une nouvelle fois dans un univers complètement déjanté d'où le lecteur ne ressort en principe pas sans un malaise, une nausée diront certains, une jubilation diront d'autres, tant cet auteur ne laisse pas indifférent.

Kraus se réveille dans une cabane. Amputé d'une main, Il ne se rappelle pas comment il est arrivé là. Mais il se devine en danger et ressent la nécessité de rester sur ses gardes. Il n'a pas de souvenirs. Si ce n'est ce rêve qui revient sans cesse le tourmenter, de manière obsessionnelle. Celui de cette femme tenant dans la main une hache, dotée d'une jambe normale et d'une jambe de bébé.

Dans un village tout proche il découvre une affiche qui annonce une récompense pour toute personne permettant de le retrouver. Un certain docteur Varner aimerait bien lui mettre la main dessus. Parce que l'épicière a reconnu en lui l'homme de l'affiche, Kraus l'agresse violemment et la tue. de retour dans sa cabane, deux individus l'attendent.

Une nouvelle fois Brian Evenson joue en quelques pages avec maestria une partition déstabilisante pour son lecteur. Car celui-ci ne sait pas, et ne sera jamais où l'auteur veut en venir. le lecteur flotte volontairement entre la frontière du réel et de l'imaginaire. Kraus vit-il dans un rêve, ayant perdu toute notion de temps et d'espace, emporté par la folie ? Un voyage en profondeur dans une boîte crânienne malade ? Ou bien ce qu'il vit s'inscrit il effectivement dans la réalité ?

Du coup, le lecteur se retrouve sans repère lui aussi, n'ayant aucune prise sur une histoire qui n'offre aucune aspérité à laquelle se raccrocher et où ses certitudes lui glissent entre les doigts à mesure que celles-ci s'esquissent. Position inconfortable. Car l'auteur le malmène tout autant que son personnage. Indéniablement, en une centaine de pages il s'amuse de lui , le capture, l'enferme et le perd dans cette histoire au relent de cauchemar paranoïaque. Un cauchemar où les membres amputés fonctionnent encore, où les morts agissent et parlent encore.

Pour ceux qui connaissent bien l'univers de Brian Evenson, ce roman ne devrait pas apporter grand-chose, si ce n'est un exercice de style plutôt réussi. Sa mémoire se rappellera d' « inversion » et de « la confrérie des mutilés » , nettement plus réussis et qui avaient vraiment marqué son esprit. Peut être verrons nous malgré tout une symbolique dans ce petit roman halluciné, au regard de l'histoire personnelle de l'écrivain.

Ancien mormon celui-ci avait du quitter son église à cause de son oeuvre qui trempait déjà sa plume dans l'horrifique. Faut-il voir dans ce roman une nouvelle dénonciation de l'église, représentée par ce docteur Verner qui s'acharne à le récupérer comme une ouaille qu'on ne veut pas laisser partir. Et ce membre amputé, cette main qui met en action les décisions, cette main qui permet de faire, est ce le juge arbitre que l'on ampute pour mieux soumettre à défaut de le lobotomiser?

Toujours est-il que pour celui qui n'a jamais lu un roman de Brian Evenson, l'immersion dans son univers sera surprenante et déroutante. Mais c'est un détour que je vous invite à faire. On adorera ou on détestera, mais on ne restera pas indifférent.

Cependant, si vous n'avez encore jamais lu Brian Evenson, je vous conseille plutôt de démarrer par l'un de ses premiers romans et d'avoir l'estomac plutôt bien accroché.

Quant à moi, en m'apprêtant à conclure ce billet, j'en suis encore à me demander si j'ai aimé ou non cette novella. J'avoue que je garde encore dans la tête le souvenir de « "La confrérie des mutilés" que j'avais lu précédemment et qui m'avait durablement marqué et particulièrement séduit.
Lien : http://passion-polar.over-bl..
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