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Stéphane Vanderhaeghe (Traducteur)
EAN : 9782374912929
100 pages
Quidam (06/01/2023)
3.43/5   57 notes
Résumé :
"L'antre, un lieu sous terre où il se réveille. Dehors, l'air est irrespirable. Pourtant, il va devoir sortir. Sa survie semble être à ce prix. Mais qui est-il ? Est-il aussi seul qu'il le pense ? Et d'où lui viennent les souvenirs qui le hantent ? Le terminal qu'il interroge possède peut-être quelques-unes des réponses aux questions qu'il se pose. Mais le terminal a aussi une question à lui poser : qu'entend-il par ce mot de personne ?
Avec L'Antre, Brian Ev... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (24) Voir plus Ajouter une critique
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Diantre, un Antre sans âtre où l'Autre nous hante avec hâte… !

En ce début janvier 2023 Brian Evenson sort deux livres en parallèle, dans deux maisons d'édition différentes : immobilité chez Payot et Rivage et L'antre chez Quidam. Si j'ai choisi ce dernier c'est parce qu'il est traduit par Stéphane Vanderhaegue qui m'avait fortement impressionnée avec son roman uppercut anarchiste P.R.O.T.O.C.O.L. le moins que l'on puisse dire c'est que c'est également un excellent traducteur. Dès la première page de ce petit livre, il retranscrit avec subtilité la plume élégante de Brian Evenson.

Nous avons là une novella de science-fiction philosophique dans laquelle la notion de personne est questionnée. Qu'est-ce qu'une personne ? Être humain et être une personne est-ce la même chose ? N'est-ce pas finalement qu'une question de définition, de point de vue, d'autorité compétence pour le définir comme tel ?

Le récit est un rapport effectué par quelqu'un qui est terré dans une sorte d'abri souterrain qu'il appelle l'Antre, la surface terrestre étant devenu un poison pour lui. Il n'a pas de nom semble-t-il et est seul. Ses rares échanges se font avec un terminal, une IA qui permet de répondre à toutes ses questions, encore faut-il savoir bien les poser ces questions, l'IA étant assez exigeante sur la définition des termes posés. de plus le Terminal devient défectueux. Nous comprenons que ce quelqu'un, s'il est une personne en tant que bipède doté d'une pensée individuelle, n'est pas vraiment un humain car ne provenant pas de l'union d'un spermatozoïde et d'un ovule se développant ensuite au sein d'un utérus. En lui il y a la concaténation de tous les êtres comme lui qui ont vécu auparavant, chaque être, d'une durée de vie d'environ cinq ans, ayant besoin de matériaux pour produire le prochain être et s'imprimer ensuite dans cette descendance. Or il n'y a plus de matériaux…et les différents être en lui agissent bizarrement, certains meurent, lorsque d'autres prennent le contrôle…Humanoïde ? Robot ? Extra-terrestre ? Autre chose encore ? Nous ne saurons pas et cela fait tout le charme du récit. C'est juste quelqu'un qui, au bord de l'extinction de son espèce, cherche désespérément à en assurer la perpétuation. D'où le rapport qui revêt une importance cruciale alors qu'il est le dernier et qu'il se meurt. Doit-il sortir de l'antre pour rechercher d'éventuels humains ?

« C'est comme ça qu'on relaie l'information d'une bouche plus ancienne à une oreille plus jeune, chacun d'entre nous recevant ce que les autres avant lui ont toujours su ».

L'ambiance est froide, pour ne pas dire glaciale, inquiétante et oppressante. La narration quelque peu désincarnée. J'ai trouvé passionnante cette façon d'imaginer la sauvegarde de tous les ancêtres en imprimant leur mémoire en la personne suivante…mais finalement n'est-ce pas pareil pour nous ? Ne sommes-nous pas l'essence de tous nos aînés, certains prenant une place plus importante que d'autres, certains s'avérant plus toxiques que d'autres…Sommes-nous véritablement libres de toutes nos racines ? Notre mémoire n'est-elle pas atavique ?

« Qui suis-je pour décréter que la personne que je pense être, cette personnalité parvenue à remonter à la surface telle de l'écume, est mon moi réel ? Ces autres remplissent plus d'espace en moi que je ne le fais. Peut-être que l'un d'entre eux est mon moi réel et que je suis l'intrus ».

Pour autant ce livre est exigeant, ardu, multipliant les pistes et les faux-semblants. Tout reste assez flou, n'y cherchez pas une solution à la fin, seul le questionnement sur l'identité finalement est primordial et central ce qui peut apporter un peu de frustration, surtout au milieu du livre où j'étais un peu perdue. Les questions sont plus importantes que les réponses apportées. Elles nous interrogent sur notre propre espèce, sur notre propre héritage et notre perpétuation. En miroir. Et de façon troublante.

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Immense auteur américain s'il en est, Brian Evenson n'était plus traduit en langue française depuis… 2017 !
Son oeuvre très particulière et exigeante continue pourtant outre-Atlantique dans la forme longue comme dans la forme courte.
Grâce à deux éditeurs, Rivages Imaginaire et Quidam, Brian Evenson revient sur le devant de la scène chez nous avec la publication simultanée de deux romans : Immobilité et L'Antre.
C'est à ce second, en réalité une novella de 110 pages, que nous allons nous intéresser aujourd'hui.

Publié en 2016 en langue anglaise, L'Antre est un récit science fictif à la fois inquiétant et étrange qui convoque la majorité des obsessions de son auteur pour le corps et l'identité.
Rédigé sous la forme d'un rapport, le texte nous fait suivre un protagoniste qui n'a pas de nom et qui se terre dans une sorte d'abri souterrain qu'il nomme lui-même « l'Antre ». Sa seule interaction sociale, si l'on peut dire, se fait avec un mystérieux Terminal censément capable de répondre à toutes ses interrogations.
Tout ce que l'on sait à cette étape du récit, c'est que le rédacteur du rapport est un survivant d'une catastrophe globale qui a rendu la surface mortelle pour lui et les siens. Et c'est bien là que le bât blesse !
En effet, dès les premières pages, notre narrateur interroge le Terminal sur la dernière fois où une personne a quitté l'Antre.
L'ordinateur, surpris, lui demande de définir le terme « personne » puisqu'il semblerait que notre héros n'en soit pas vraiment une lui-même…
Progressivement, Brian Evenson multiplie les ambiguïtés autour de la nature même de son personnage principal. Qui est-il et, surtout qu'est-il ?
En quittant l'Antre à la recherche de la dernière personne a en être sortie et, surtout, à y avoir survécu, notre narrateur tombe sur Horak conservé et cryogénisé dans un caisson qu'il désactive pour le réveiller.
De là, les évènements s'enchaînent et notre protagoniste perd pied, rongé de l'intérieur par les « autres » lui qui l'habitent.

Cette remarquable novella joue sur un décor post-apocalyptique minimaliste pour resserrer son histoire autour du narrateur qui ne sait plus vraiment qui il est ni ce qu'il est. Dans l'Antre, tout est en faux-semblant, biaisé par les perceptions et les croyances erronées de celui qui raconte et qui va, petit à petit, comprendre qu'il est loin d'être le dernier humain en vie. C'est ici qu'opère le génie cryptique de Brian Evenson s'évertue à brouiller les limites entre ce qui relève de l'humain et de la personne, séparant les deux termes et leurs significations respectives pour démonter le réel qu'il va pervertir page après page.
L'Antre n'est pas un récit chaleureux. Il est glacial et étouffant, parfois drôle et morbide, souvent obsédant et troublant. Fidèle à lui-même, Evenson cherche à faire tomber la cohérence interne de son héros en même temps qu'il met à terre ses croyances. de nouveau, il fissure l'identité et montre que derrière l'unicité de la psyché veille d'autres entités prêtent à prendre la place de celui que l'on croit être.
Tandis que notre survivant explore les possibilités qu'il lui reste pour perpétuer les siens, il se rend compte des limites de son propre corps.
Un corps friable, amputable…et qui saigne jaune.
Mais un humain saigne aussi, n'est-ce pas ?
Tout change dans le récit d'Evenson du fait de la supposée disparition de l'espèce humaine. Sans connaissance ou exemple, notre narrateur en est réduit à croire des choses qui reposent sur l'enseignement de ses prédécesseurs qui, eux-mêmes, le tiennent de leurs prédécesseurs.
Mais cela peut-il constituer une vérité en soi ?
Perturbant, L'Antre s'amuse avec son lecteur, échange les personnalités et brouille la perception de l'autre, ébranlant nos certitudes en profondeur sur ce qui constitue la personne humaine et consciente.
Devant l'effondrement des acquis, la folie guette et contamine, comme elle le fait avec Elden Fochs dans Père des Mensonges ou Rudd Theurer dans Inversion. le rideau se déchire lentement et inéluctablement, et personne n'est plus ce qu'il pense être à la fin.
Dès lors, n'est-on jamais plus qu'un simple corps ?

Minimaliste et brillant, L'Antre est un voyage intérieur où tout tombe en ruines et où les voix se multiplient pour briser ce qui nous semble acquis et évident.
Brian Evenson construit un récit science-fictif flirtant avec l'absurde et qui nous ramène pourtant à la fragilité de notre être. Fascinant.
Lien : https://justaword.fr/lantre-..
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J'ai la chance d'avoir un libraire amateur de littérature de l'imaginaire.
Et de plus, ayant plus d'une fois fait une belle découverte littéraire grâce à ses conseils avisés, j'aime à élargir mes horizons livresques.
Une fois de plus, je dois cette lecture à ses recommandations.
Une lecture différente, déroutante, et qui laisse clairement une impression durable. Pas mal pour un livre qui fait à peine une centaine de pages. Il est vrai que nous ne sommes pas en face d'un pavé mais plutôt de ce que l'on peut appeler une novella.
Le narrateur, qui se retrouver dans un lieu qu'il nomme l'antre semble être très isolé. Il semble être le dernier survivant de son espèce et avec juste quelques brides de souvenirs. Seul un terminal pas très performant est capable de répondre à ses nombreuses interrogations. Au fur et à mesure que le récit avance, nous découvrons avec le narrateur des parcelles de ses souvenirs, mais les pistes et les indices sont rares et nébuleux dans ce futur post-apocalyptique.
Finalement, à la fin de ce récit, plein d'interrogations subsistent, ca nous n'aurons clairement pas beaucoup de réponses. Et surtout, finalement, s'il ne fallait qu'en garder une, cela serait celle-ci que je retiendrais : qu'est-ce qu'un Humain ?

Challenge ABC 2023/2024
Challenge Mauvais Genres 2023
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Nous lisons un rapport. Un rapport rédigé par un être dont on ne sait pas si c'est un être humain ou… autre chose. Bipède conscient, mais plus ? La machine (l'ordinateur ?) qui lui sert de mémoire est en partie détraquée, usée par le temps. Et sa propre mémoire est défectueuse. Il sait juste qu'il ne doit pas sortir hors de son antre sans combinaison de protection sous peine d'une mort assez rapide.

Peu de survivants dans ce monde post-apocalyptique. En tout cas, dans ce court récit. On suit un narrateur, qui vit seul dans son antre. Et il rencontrera plus tard un humain. Car, sans vraiment gâcher la découverte car on le comprend assez vite, ce personnage n'est sans doute pas humain lui-même. de nombreux indices le prouvent. Dont son nom. Qu'il ignore. Il se rappelle juste qu'il doit commencer par X, car son prédécesseur se prénommait Wollem et ceux avant lui Vigus et Vagus. En plus, quand il interroge l'ordinateur qui semble la seule machine à peu près opérationnelle (pour combien de temps ?) de cet lieu, le terminal, celui-ci sème aussitôt le doute dans son esprit en lui demandant quelle définition il donne à « personne ». On est là au centre de cette novella : Qu'est-ce qu'une personne ? La conscience suffit-elle ?

Pour paraphraser Socrate et son célèbre « Je sais que je ne sais rien » (en grec, pour se la raconter un peu : ἕν οἶδα ὅτι οὐδὲν οἶδα, merci Wikipedia), on passe son temps en lisant ce texte à mesurer l'étendue de notre ignorance. Comme dans immobilité, roman de ce même Brian Evenson, paru en parallèle aux éditions Rivages, l'auteur prend un plaisir évident à nous placer, nous lecteurs, en position de total amnésique. Dans ces deux récits, le personnage principal ne se souvient de rien au début de l'histoire. Ni des raisons de la dangerosité de l'atmosphère et de sa toxicité. Ni de la raison de sa situation. Ni même de son identité ou de ce qu'il est. Dans les deux cas, le lecteur se trouve obligé de tout recomposer, de tout deviner, de tout mettre en doute. Dit comme ça, ça peut ressembler à une grosse prise de tête. Un truc d'intello, une expérience sans doute séduisante sur le papier, mais insupportable lors de la lecture.

Eh bien non ! Non seulement ce n'est pas agaçant ni frustrant, mais en plus, c'est une expérience extraordinaire. L'esprit est toujours en éveil, à guetter des indices. Et à émettre des hypothèses, confirmées ou infirmées par la suite. Et, comme je le disais pour immobilité, Brian Evenson présente un grand talent de conteur et une grand habilité à construire ses histoires. J'ai été dès le début pris dans le récit, me demandant où tout cela allait me mener. de l'action, il y en a. du suspens aussi. Et surtout, des questions.

J'hésitais à entamer la lecture de L'Antre si peu de temps après celle d'immobilité. Peur d'une certaine lassitude. Ou d'une trop grande similarité. Mais non. Au contraire. La similarité des univers décrits est un plus formidable pour profiter au maximum de ces deux histoires. En plus, entre les deux, le point de vue change (un personnage est bloqué à l'intérieur, l'autre circule essentiellement à l'extérieur), ce qui permet d'enrichir la lecture précédente, de mieux la comprendre en lui offrant une autre vision. Une nouvelle vision. La 3D au lieu de la 2D, en quelque sorte…

C'est à se demander pourquoi Brian Evenson était si peu traduit jusqu'ici en France. Car son talent est immense et ces deux ouvrages, L'Antre et immobilité, ouvrent coup sur coup deux fenêtres enthousiasmantes sur son univers, ses représentations. Je vais me pencher sur les quelques romans déjà parus dans la langue de Molière (la dernière traduction d'une de ses oeuvres en français date de 2014 tout de même). Souhaitons que ces deux romans trouvent leur public et nous permettent, par leur succès, de découvrir d'autres textes de Brian Evenson.
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
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« L'Antre », (2023, Quidam, 120 p.) traduit par Stéphane Vanderhaeghe de « The Warren » (2016) vient de sortir. Cela faisait un bail qu'il n'y avait plus rien de traduit de Brian Evenson, depuis la fin de la collection de « Lot 49 » de Christophe Claro et Arnaud Hofmarcher. Donc, cette nouvelle comble le déficit, d'autant plus que parait également « immobilité », traduit par Jonathan Baillehache (2023, Rivages/ Imaginaire, Payot et Rivages, 256 p.). Et comme dit le quatrième de couverture : « Bienvenue dans la vie de Josef Horkaï ». Il est vrai que l'on est avec deux hommes en combinaison de protection, dans un monde qui a changé. La couverture du livre aussi a changé, peut être pas forcément en mieux.

Il n'est pas simple de faire la bibliographie de Brian Evenson, car ses premiers titres ont été publiés à petit nombre, en édition limitée, et plusieurs de ses nouvelles se retrouvent dans différents ouvrages. Ceci est valable pour les éditions anglo-saxonnes, comme pour les françaises, voir par exemple « Désir et Digressions » (2009, Cherche Midi, 8 p.), que j'ai personnellement eu du mal à trouver (et fort chère, d'ailleurs). Finalement la réponse est que cette nouvelle (10 p.) est placée avec un mince catalogue (catalogue 2010) de la collection Lot 49. C'est un peu une analyse par Brian Evenson de ses oeuvres. « le réalisme littéraire repose sur une vision des Lumières selon laquelle les êtres humains peuvent, en principe, progresser ; cette perspective suppose que le libre arbitre et la pensée sont des affaires sans problème. Par conséquent, les personnages de fiction réaliste ont généralement la capacité de grandir et de changer pour le mieux, et même s'ils ne changent pas, il existe au moins une possibilité de changement - une prise de conscience, un moment épiphanique - présenté à un protagoniste ».
Drôle de parcours pour Brian Evenson, un peu comme ses livres d'ailleurs. Il nait mormon, en 1966, dans l'Iowa et dans une famille mormone depuis six générations. Il devient prêtre et enseigne à Brigham Young University (BYU), établissement confessionnel. Brigham Young était le successeur de John Smith, fondateur des mormons, en tant que président de l'Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours. C'est lui qui développe l'enseignement dans l'Utah, avec comme principale cible d'éradiquer les deux principales fausses prophéties que sont le Darwinisme (l'évolution) et le Marxisme (le communisme). Ou les remplacer par une autre. La BYU, située à Provo, Utah, compte en tout 50000 étudiants, dont certains dans les centres situés à Hawaii, dans l'Idaho, Paris et Jérusalem (on y reviendra dans « Prophets and Brothers »).
Tout allait bien jusqu'à ce que Brian Evenson publie « Altmann's Tongue » (1994, Knopf, 239 p.) puis réédité (2002, Bison Book, 278 p.) avec une introduction et surtout une nouvelle postface par l'auteur. Ce recueil de 26 nouvelles fit scandale à BYU et Brian Evenson est même menacé d'excommunication (ou alors il renonce à écrire d'autres pareilles turpitudes). Suite à ces pressions, il quitte l'Eglise, la BYU et doit rompre avec sa famille. Sa lettre de renoncement à BYU est un véritable pamphlet contre l'Eglise des saints des derniers jours. Tout y passe, la nécessité de l'église, les actions contre la liberté des femmes, la liberté universitaire, le mode d'évaluation tout à fait malhonnête, les faux témoignages. Bref « Il ne serait pas fier de rester à BYU ». On peut toujours aller voir le post sur ces nouvelles.
« L'antre » immerge le lecteur dans une fable post-apocalyptique, rien que cela. Il n'est même plus question de la survie de l'humanité. D'ailleurs, c'est elle-même qui est en jeu.
Sachant que la surface de la terre, ou d'une autre planète, est devenue inhabitable, le narrateur vit sous terre, dans une caverne, un antre. Tout commence par « la dernière conversation entre deux êtres humains, si tant est que lui comme quoi appartenions à la catégorie des humains ». Et du coup le narrateur débranche Horak, la machine humanoïde qui cause. Plus personne. le dernier était « Wollen, un nom choisi par le duo qui l'avait précédé Vigus et Vagus ». On voit que par la suite, l'auteur aura du mal à justifier des dialogues. Justement, il va être question de personnes. Bien que le narrateur soit seul, il communique via un terminal, sous intelligence artificielle. Décidément, il y en a partout, même chez Big Brother. Reste à définir les autres personnes. Ce à quoi le terminal répond « Bipède doté d'une pensée individuelle logée dans un corps issu de la fécondation d'un ovule par un spermatozoïde, se développant ensuite dans un utérus ». Ce qui est déjà une difficulté majeure, le narrateur étant le seul homme. Peut être a-t-il, lui ou Brian Evenson, lu Cavanna, à propos de ce dernier homme. « Il se tapera toutes les veuves ». Hélas, les veuves ont disparu, reste celle du ménage Poignet. Et cela dure « soixante-et-onze ans, onze mois, six jours et vingt-et-une heure » que cela dure.
Le narrateur se reprend. Et il questionne le terminal à propos de Horak. Horak décédé, Horak congelé. Mais Horak retrouvé. C'est le discours de l'Hôtel de Ville, mais le terminal, trop jeune, n'a pas connu.
C'est alors que survient le miracle. Horak se met à parler. Comble de malchance pourtant. le terminal se désactive. le protagoniste est débité en rondelles. du sang jaune coule de ses veines.
Le protagoniste se rappelle juste qu'il doit commencer par X, car son prédécesseur se prénommait Wollem et ceux avant lui Vigus et Vagus. Mais, effectivement W, cela ne fait pas un nom. Autant s'appeler « Personne » (« Οὖτις / Oûtis »), mais il y en avait déjà un. Nous savons aussi, si on a lu le livre, que les ancêtres de X ont également été formés par paires pendant un certain temps, partageant la même lettre alphabétique dans leurs noms. Ils s'appelaient Ture/Tore, Unnr/Uttr, Vigus/Vagus, puis le solo Wollem, créé seul par manque de matériau. Peut-être que Ture et Tore ont été les premiers humanoïdes à s'IMPRIMER, étant ainsi le premier couple à jamais graver leurs souvenirs dans les deux qu'ils créaient. de fait, « The Warren » est le futur moi d'« immobilité » avec Qatik et Qanik.
« Qui suis-je pour décréter que la personne que je pense être, cette personnalité parvenue à remonter à la surface telle de l'écume, est mon moi réel ? Ces autres remplissent plus d'espace en moi que je ne le fais. Peut-être que l'un d'entre eux est mon moi réel et que je suis l'intrus ». Autrement dit « « Qui suis-je ? - Dans quel état j'erre ? - Où cours-je ? ». Bon, il sort de l'Antre. Pour aller dans un autre ? L'antre deux ? ou l'antre pot ? on ne le saura pas. de toutes façons, il y a Horak. Pourvu que son prénom ne soit pas Ann.
« Un corps friable, amputable…et qui saigne jaune ». Après tout, il y aussi, sur la côte Est, près de New York, des limules, crabes en forme de fer à cheval, mais qui ont du sang bleu. Pas celui des nobles, mais celui où l'hémoglobine, riche en fer, est remplacée par de l'hémocyanine, de même structure, mais avec du cuivre, ce qui lui donne la couleur bleue. Pour le jaune, il faudrait de la bilirubine, celle que l'on trouve dans les urines quand on n'a pas bu du bleu de méthylène, qui fait pisser bleu. Voilà, c'était mon instant matinal tout en couleurs. Ou comment concevoir un roman post-apocalyptique ou pré-néantisation en modifiant les couleurs des fluides internes. Au besoin, en fonction des humeurs rencontrées.


Je retrouve des notes sur d'autres nouvelles, plus anciennes, que je rajoute.
« Désir et Digressions » (2010, Cherche Midi, p. 7-16) reprend « Desire with Digressions » une nouvelle parue dans « Fugue State » (2009, Coffee House Press, 208 p.). Mais en fait la traduction française est un petit bonus au catalogue 2010 de la collection Lot49. le narrateur part de chez lui, sa femme l'ayant quitté, d'abord en voiture, puis à pied ou en stop. Il aboutit à une taverne, et il y fait la connaissance de quelqu'un qui lui propose une affaire d'un jour ou deux, le temps de leur « fortune assurée ». Long et pénible trajet dans la montagne et la neige. Arrivé quasiment au bout, son étrange compagnon meurt de froid. Redescente dans la vallée, retour du froid, séjour en hôpital et amputation des bouts de membres gelés. le narrateur réussit cependant à s'enfuir, retourne à sa première maison, où sa compagne l'attend. Mais ce ne sont que ses os.
« Prophets and Brothers » (1997, Rodent Press, 54 p.) édition limitée à 250 exemplaires. Il s'agit de 4 nouvelles, essentiellement dédiées à l'Ouest américain et aux Mormons. Republiée plus tard dans « The Wavering Knife ». On y découvre un Mormon fondamentaliste, qui décide de déterrer le corps du prophète Ezra Taft Benson et de le ressusciter (bonne chance à lui).
Dans « Sanctified, in the Flesh », Brian Evenson raconte les problèmes automobiles que donnent lieu une rencontre entre les Trois Néphites et/ou un groupe de tueurs. Les Néphites, qui combattent les Lamanites, sont tous deux des descendants de Néphi ou de Léhi. Ce sont des groupements issus du peuple de Mormon, des sous-sectes. Léhi était le père de Néphi. C'est le premier prophète de son peuple dans le Livre de Mormon, environ 600 ans avant notre ère chrétienne. Il descend de Joseph vendu en Égypte. Léhi et ses fils construisent un bateau et se rendent sur le continent américain. Un peu comme Noé où il écrit son grand livre. « « C'est curieux chez les marins ce besoin de faire des phrases ». Ses descendants et lui s'établissent sur une nouvelle terre. Avant sa mort, il bénit ses fils et leur parle du Christ et de la parution du Livre de Mormon dans les derniers jours.
Il faut savoir que Joseph Smith (1805-1844), le premier président de l'Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, a reçu la visite de l'ange Moroni qui lui indique l'endroit, sur la colline de Cumorah, New York, où se trouvait le livre de Mormon, volume d'Écritures saintes complémentaire à la Bible. Mormon (311 – 385), chef militaire de l'âge de quinze ans à sa mort, a vécu sur le continent américain. Il aurait eu une quarantaine de femmes, ce qui explique sa mort jeune.
Vous saurez tout sur les mormons, après tout cela. Cela vous permettra de porter la contradiction quand ils viendront sonner chez vous. Ils sont facilement reconnaissables, allant par deux, en costume noire, chemise blanche, cravate et cheveux courts. N'hésitez pas à leur parler de sexe, cela les fera fuir.


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critiques presse (1)
Bibliobs
06 février 2023
« L’Antre », fable post-apocalyptique de l’auteur américain, raconte la confrontation entre le dernier homme et un ordinateur. Qui est le plus humain des deux ?
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Pourtant qui suis-je pour décréter que la personne que je pense être, cette personnalité parvenue à remonter à la surface telle de l’écume, est mon moi réel ? Ces autres remplissent plus d’espace en moi que je ne le fais. Peut-être que l’un d’entre eux est mon moi réel et que je suis l’intrus.
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Je ne comprends pas vraiment le fonctionnement de ce corps, mais c’est bon d’en avoir un à nouveau, même empoisonné, voire mourant, plutôt que d’être englouti dans ce demi-sommeil et cet oubli vaseux, relégué à l’arrière d’une tête. Maintenant que je suis revenu aux avants-postes, là, juste derrière les yeux, il n’y a rien qui puisse me repousser vers l’arrière de cette tête.
Me lever m’a demandé un certain effort, or même la douleur engendrée par cette action m’a paru neuve, et je l’ai volontiers acceptée – du moins dans un premier temps. La combinaison sentait mauvais là où il avait vomi – là où j’avais vomi, devrais-je sans doute dire. Une fois debout, j’ai désanglé sa visière et l’ai soulevée tant bien que mal, tremblotant, jusqu’à ce qu’elle se détache et libère le haut de sa tête, avant de se fracasser au sol. Le corps était malade et j’en étais encore à apprendre comment manipuler correctement les bras, rien de tout cela n’était donc facile. Avec du temps, j’ai réussi à m’extraire du reste de la combinaison pour finir adossé contre un mur, exténué et tremblant.
Après un moment, je suis parvenu à me déplacer jusqu’à un miroir pour m’y regarder. C’était bizarre de voir quelqu’un qui me ressemblait comme deux gouttes d’eau mais n’était pas moi. Pas vraiment moi. Bizarre de voir sur ce visage les signes de la lutte que se livraient toutes ces mimiques, celles qui pendant longtemps l’avaient contrôlé et celles qui me venaient plus naturellement. Mais la chair apprendra bientôt à se soumettre à moi. Les traits qui l’animaient étaient grosso modo identiques, puisque nous avions tous deux été conçus à partir du même matériau sur la même tablature, mais le corps était constellé d’autres marques, d’autres flétrissures et cicatrices. Sur la poitrine, en plein milieu, se trouvait un tache de naissance qui ne ressemblait à rien tant qu’à une main. Sur un poignet, un bras, une jambe, des étendues de peau étaient abîmées, la chair se détachant au moindre contact pour révéler une couche de derme plus sensible, mouchetée de pus et de sang, à l’odeur faisandée.
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Je commencerai l’écriture de ce rapport en notant la teneur de notre dernière conversation – qui non seulement a été la dernière que j’ai pu avoir avec Horak mais sera, selon toute vraisemblance, la dernière que j’aurai avec quiconque. Et donc, sans doute, la dernière conversation entre deux êtres humains, si tant est que lui comme moi appartenions à la catégorie des humains. Apparemment cette question fait débat. Ou le ferait s’il ne m’avait abandonné. Faisait débat, devrais-je dire.
(Incipit)
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Je commencerai l’écriture de ce rapport en notant la teneur de notre dernière conversation – qui non seulement a été la dernière que j’ai pu avoir avec Horak mais sera, selon toute vraisemblance, la dernière que j’aurai avec quiconque. Et donc, sans doute, la dernière conversation entre deux êtres humains, si tant est que lui comme moi appartenions à la catégorie des humains. Apparemment cette question fait débat. Ou le ferait s’il ne m’avait abandonné. Faisait débat, devrais-je dire.
Je ne savais pas comment faire fonctionner la machine correctement, pas plus que je ne savais comment l’éteindre – ce n’est pas moi qui en premier lieu ai débranché Horak à l’intérieur. Les instructions pour le fonctionnement de cette machine se trouvaient dans un secteur qui s’avérait corrompu, les données irrécupérables. J’ignorais tout autant quelle séquence ou quel code entrer, et mes lents cafouillages ne m’ont mené nulle part. Finalement, voyant que mon temps serait bientôt écoulé sans que rien ne soit résolu, j’ai décidé que des mesures drastiques s’imposaient.
• • •
Depuis quand quelqu’un n’a plus quitté l’antre et combien de temps cette personne a-t-elle survécu ? – la question que j’avais posée un peu plus tôt au terminal, avant tout ça. Je connaissais la réponse : le dernier d’entre nous à être sorti de l’antre l’avait fait il y a cent quarante jours ; ce que je voulais savoir, c’était si le terminal possédait cette information ou si cette partie des données avait été infectée, elle aussi. Le dernier d’entre nous à être sorti s’appelait Wollem, un nom choisi par le duo qui l’avait précédé, Vigus et Vagus. Tandis qu’ils approchaient de leur terme, ils s’étaient chargés de leur copie dans le terminal puis s’étaient mis à l’assemblage de Wollem. Ils avaient espéré créer un nouveau duo, comme à chaque fois jusque-là, mais il restait si peu de matériau que, par prudence, ils avaient préféré n’en créer qu’un des deux, pour qu’à son tour il puisse en créer un autre, nous accordant ainsi ne serait-ce qu’un peu plus de temps avant un fin ultime. Il y a cent quarante jours, Wollem est donc parti à la recherche de matériau supplémentaire, sachant que cette décision entraînerait sa mort. Mais avec un peu de chance, il ne mourrait qu’après être revenu avec du matériau en quantité suffisante pour que d’autres soient formés et que nous perdurions un peu plus longtemps.
Il n’est pas revenu.
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Pourtant qui suis-je pour décréter que la personne que je pense être, cette personnalité parvenue à remonter à la surface telle de l'écume, est mon moi réel ?
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À l'occasion de la 33ème édition du festival "Étonnants Voyageurs" à Saint-Malo, Brian Evenson vous présente son ouvrage "immobilité" aux éditions Rivages.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2678777/brian-evenson-immobilite
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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