Avec sa nouvelle d'anticipation, le magasin des bébés,
Leona Everhard nous offre une superbe critique du consumérisme actuel et des dérives d'une société néolibérale et ultra productiviste.
« À travers ses achats, elle touchait du doigt sa part du rêve mis en scène par les marques. »
Ce récit donne des frissons tant il nous rappelle des réalités bien ancrées dans notre quotidien et tant le personnage de Sandra, l'héroïne, nous semble familier. le futur n'est jamais aussi loin qu'il y paraît… et le magasin des bébés nous l'agite dans des perspectives qui interrogent profondément l'éthique.
« Elle s'approcha de lui tel un chat jouant avec sa proie. Arrivée au pied du canapé, elle se pencha en avant et souffla :
— Alors, achète-moi un bébé ».
Nous voici franchissant les portes de ce fameux magasin, accompagnant la quête de Sandra dans la réalisation de son fantasme du bébé parfait, de l'enfant surdoué à la future réussite prestigieuse. Aux côtés de son conjoint Julien qui porte un regard plus critique, nous découvrons non sans un petit filet glacial dans l'échine que ce n'est pas tant l'instinct maternel qui gouverne Sandra dans cette quête. Et puis, nous magasinons dans les dédales de cet « Ikea » des bébés et le lecteur est happé, comme les personnages, par les sirènes du commercial au physique de rêve. J'ai beaucoup apprécié la qualité du déploiement des discours et argumentations dudit commercial : superbe de crédibilité !
De même,
Leona Everhard nous offre de belles descriptions, des détails soignés qui rendent la lecture fort agréable. J'ai seulement regretté une ou deux longueurs et a contrario, un passage que j'aurai aimé être plus développé, son propos touchant au coeur de la duperie commerciale.
Le personnage de Sandra est très bien choisi et sa mise en place est fort habile. À mes yeux, elle est antipathique à souhait non par méchanceté, mais parce qu'elle incarne tout ce que je fuis : la superficialité et la recherche de popularité sans posséder de talent… qui n'est pas sans me rappeler certaines « stars » de la télé-réalité ou des réseaux sociaux.
Cette nouvelle, le magasin des bébés, s'achève sur une réplique finale particulièrement bien choisie : sa « banalité » symbolise la puissance d'un système irrépressible qui dévore les humanités… avec leur consentement. Et nous : allons-nous nous résigner ?