A la lisière du fantastique, « A la poursuite du fantastique » surfe avec subtilité et habilité sur la thématique de la possession. L'enfantôme, c'est en effet l'histoire d'une petite fille morte qui
Voudrait posséder le corps d'une petite fille vivante pour être aimée et vivre l'enfance dont elle été privée. Mais l'auteur évite les clichés de ce type de récits en empruntant une voie résolument réaliste et psychologique, le tout avec une grande sensibilité.
Le roman débute en douceur, nous projetant dans le quotidien compliqué de Laura, une jeune mère divorcée qui vient habiter Verveuil, petite ville normande, avec ses deux enfants, Jasmin et Charles son aîné, respectivement surnommés Jazz et Char. A travers les yeux de Char, on découvre leur nouvelle vie et l'on ressent la difficulté de faire le deuil d'un bonheur familial à jamais révolu, la colère, l'incompréhension, la difficulté à s'adapter à la situation et pour recomposer un équilibre familial.
Dans cette famille déstabilisé (ou parce que, justement, ce déséquilibre ouvre une faille dans le réel ?), l'effroi s'introduit bientôt : la petite Jazz fait des crises de somnambulisme inquiétantes, parle avec quelqu'un qui n'existe pas… Très vite, Char admet l'improbable : sa soeur a rencontré l'enfantôme. Il tait d'abord ses inquiétudes puis il enquête, malgré le scepticisme, la dénégation même, de leur mère. Pour cela, il s'aide d'une caméra et filme. Des personnages insolites et attachants croisent sa route : le projectionniste paternaliste du cinéma le Rex, une belle bibliothécaire, un poète morbide… Son besoin de savoir et de sauver sa soeur le conduira dans les décombres de la Deuxième Guerre mondiale…
Ce que l'adolescent filme est autant sa quête d'une réponse que sa quête intérieure vers l'âge d'homme. Car, en chemin, Char apprend à regarder différemment les autres, à les aimer aussi en comprenant que chacun vit avec des propres souffrances. le récit emprunte la trame fantastique pour mieux s'interroger sur l'histoire et sur le présent, et soulève au passage de nombreuses questions sur le sens des responsabilités, la folie destructrice des hommes.
Jean-Baptiste Evette ne sous-estime jamais ses lecteurs, au contraire il les aide à penser le monde. Il sait lui-même retrouver ses rébellions d'adolescent pour les partager avec une belle plume adulte qui offre une lecture agréable, de qualité et intelligente.