Le bienheureux
Charles Exbrayat (je l'appelle bienheureux, vu que, compte tenu des miracles de bien-être qu'il nous procure depuis des décennies, sa canonisation n'est plus qu'une affaire de jours), le bienheureux
Charles Exbrayat, donc, nous a offert le cadeau somptueux de deux détectives hors pair : le commissaire Roméo Tarchinini, que j'ai eu l'honneur, l'avantage, le privilège, le plaisir et le grand bonheur de vous présenter ici même, et Imogène MacCarthery. Imogène c'est … comment dire ? une femme ? … sans doute, sa fémininité, elle l'assume et la revendique, tout comme son âge (48 ans), moins toutefois que son caractère écossais : de la tête (rousse) (on la surnomme « the red bull ») aux pieds (qu'on imagine proportionnés à sa taille : 1m78, la taille, pas les pieds), en passant par le tartan, le haggis, la cornemuse et le parapluie à carreaux. Sans oublier le whisky (écossais bien sûr) qui ne la quitte pas. Cliché ? Bien sûr, mais c'est le but du jeu. Exbrayat veut un personnage excentrique : c'est bien simple, Imogène est excessive en tout : cette tornade dont l'impulsivité est une seconde nature dit toujours ce qu'elle pense mais ne pense pas toujours ce qu'elle dit, et de toutes façons, agit la plupart du temps avant de penser. Mais elle pense, car elle ne manque pas de jugeote, et elle est aussi capable de sentiments et de dévouement pour les causes qu'elle défend (à condition qu'elles n'aillent pas à l'encontre de ses convictions écossaises).
Pourtant « Imogène MacCarthery, vieille fille au coeur large, toujours amoureuse et toujours déçue, grand amateur de la boisson nationale, a ceci de particulier qu'elle est non seulement la terreur des criminels, mais aussi celle des policiers, ainsi que de la plupart des femmes qui jalonnent sa route, jalouses de son franc-parler, de ses allures de garçon manqué, et surtout de ce grain de folie celtique qui fait d'elle une meneuse d'hommes hors pair… » mais « ce sont ses carences, ses failles, qui la rendent sympathique : sa confiance toujours renouvelée pour le genre humain, son respect quasi religieux pour son père défunt, son goût inné de la bagarre, sa susceptibilité, sa propre conviction – que personne ne partage – d'être une femme fatale dont tous les hommes, nécessairement, doivent un jour ou l'autre s'éprendre… » [Alexis Lacaye : Préface à « Exbrayat : Intégrale Les Imogène » (Le Masque)]
Malgré ses idées radicales (les rois d'Angleterre, venus du continent, ne sont en rien légitimes), elle est secrétaire à l'Intelligence Department de l'Amirauté à Londres. Sérieuse et dévouée, elle est un jour désignée pour une mission de la plus haute importance par le directeur des services secrets : apporter en Écosse les plans ultraconfidentiels du Campbell 777, un avion à réaction révolutionnaire… Et c'est le début d'une grande aventure.
La saga d'Imogène compte sept titres : «
Ne vous fâchez pas, Imogène » (1959) « Imogène et de retour » (1960), «
Encore vous, Imogène ? » (1962), «
Imogène, vous êtes impossible ! » (1963), «
Notre Imogène » (1969), «
Les Fiançailles d'Imogène » (1971), et «
Imogène et la veuve blanche » (1975).
Inutile de préciser que ces titres sont hautement recommandés à tous, y compris et surtout aux plus dépressifs, aux mal-dans-leur-peau, aux revenus-de-tout et aux pisse-vinaigres en tous genres.
Les adaptations valent ce qu'elles valent, mais sont très loin d'avoir la puissance comique de l'original. Signalons pour mémoire « Imogène » une série télévisée de 1989 avec Dominique Lavanant et
Jean Benguigui. Les adaptateurs ont cru bon de transposer l'histoire en Bretagne, pas sûr que ce soit le bon choix. Et puis « Imogène » un film de 2010 d'Alexandre Charlot et Franck Magnier, avec Catherine Frot dans le rôle titre, pas très convaincant non plus.