En France, Quisling n'est pas très connu. Seule la crème des historiens amateurs (bien représentée sur Babelio) reconnaît en ce nom « le Pétain norvégien ». Cette biographie, l'une des premières en langue française, nous permet de découvrir ce personnage complexe. Comme Pétain, c'était un ancien militaire. Comme lui, il pouvait se targuer d'un passé glorieux – avoir sauvé des milliers d'ukrainiens pendant les famines de 1921-1922, grâce à son rôle dans la mission humanitaire pilotée par Nansen. Comme lui, il prit la tête d'un état fantoche asservi au régime nazi...
Là s'arrêtent les points communs. Contrairement à Pétain, Quisling n'était pas populaire, loin s'en faut. Avant la guerre, il était connu comme le chef du Nasjonal Samling, un parti d'extrême droite n'ayant jamais dépassé les 2 % aux élections, haï par la majeur partie des norvégiens pour son antisémitisme virulent, la violence de ses positions et la brutalité de sa milice, la Hird. Et ce fut lui-même qui, après l'écrasement de la Pologne, se rendit à Berlin, convaincre Hitler d'envahir la Norvège ! le projet était dans les cartons, mais son intervention la hâta. Suivi un débarquement éclair, Narvik, la fuite du roi Haakon VII... Dont Quisling tenta de profiter pour s'arroger le pouvoir. Humiliation suprême, dans un premier temps ce ne fut même pas à lui que les nazis le confièrent, tant ils avaient peu confiance dans leur allié !
Il est vrai que sa personnalité était si étrange qu'on a parlé « d'énigme Quisling ». Qu'on imagine un colosse de deux mètres à l'air perpétuellement renfrogné, un peu dans la lune, ne s'animant que pour délivrer d'incroyables philippiques. Extrêmement brillant, doté d'une immense culture et de grandes connaissances techniques, capables de très bonnes intuitions... Et à d'autres moments d'une naïveté confondante. Jamais il ne semble avoir réalisé l'ampleur de son impopularité. Ses directives ahurissaient parfois les nazis par leur manque total de réalisme. Après la victoire des alliés, son procès fut un moment surréaliste, où il rejeta tous les crimes dont on l'accusait, proclama s'être sacrifié pour le bien du peuple norvégien, se posa en prophète d'un monde nouveau.
La Norvège fut l'un des pays où l'occupation nazie fut la moins dure ; du reste on s'en rappel surtout pour la bataille de l'eau lourde. Politiquement, ce fut sans doute là qu'elle prit la tournure la plus étrange.
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Il y a quelques années, j'ai visité Oslo, magnifique capitale de la mystérieuse Norvège. Parmi les choses surprenantes que j'ai pu y découvrir, c'est que j'avais une drôle d'idée préconçue sur ce pays dans les années 40 qui était en réalité tout à fait fausse. En effet, la Norvège n'a pas fait partie de l'Axe mais a été occupée par l'Allemagne nazie.
Le pays des fjords et des trolls était un pays neutre et fier de l'être. Pourtant, l'ex-militaire et détaché politique Vidkun Quisling pétri de rêves de grandeur et récits d'un passé mythique (oui oui ça rappelle quelqu'un) voudrait voir la Norvège s'allier à l'Allemagne... Il rencontre Hitler et fait ainsi remonter à la surface le plan d'invasion resté dans led cartons du Reich qui mènera à une manoeuvre militaire remarquable mais impitoyable. Au lendemain de celle-ci, Quisling devient chef d'État secondé plus tard par le terrible Terboven car en fait le Norvégien n'aura jamais les faveurs du dictateur allemand. Éric Eydoux raconte la vie de cet étrange bonhomme et les conséquences désastreuses de ses actes sur la population norvégienne. Il n'oublie pas de laisser la place aussi à la Résistance surtout celle des enseignants et (étrangement) de l'Église et au travail du gouvernement légitime exilé à Londres.
La lecture d'Éric Eydoux est aussi intéressante qu'agréable. Elle m'a fait pensé à celle de Bart van Loo et son excellent «Les Téméraires» car au-delà de la recherche historique, l'auteur, écrivain et traducteur, apporte de la fluidité et une forme de narration qui nous changent de certains pavés indigestes du rayon Histoire. Ces quelques 400 pages dévoilent une partie d'un passé commun qu'il ne faut surtout pas oublier...
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Un dirigeant pro-nazi, un peuple qui refuse de se soumettre : Eric Eydoux revient sur un épisode méconnu de la deuxième guerre mondiale.
Lire la critique sur le site : LeMonde
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