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EAN : 9782751800030
420 pages
Mon editeur.com (30/11/-1)
5/5   1 notes
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Passé quand tu nous tiens
Madeleine EYNARD (PORTE)

Depuis plus de quarante ans j'ai été frappé de découvrir combien de personnes n'ont plus de passé. Certains, sous prétexte de retrouver leurs racines, accumulent dans l'ordinateur des noms péchés dans les registres paroissiaux. Heureusement d'autres, comme Madeleine Eynard, veuve de notre camarade Jacques, se contentent avec bonheur d'explorer pour leurs enfants et petits-enfants leur propre passé.
Ce livre est la mémoire de jeunes mariés d'avant la fin de la dernière guerre. Passé quand tu nous tiens, se lit avec un intérêt soutenu. D'évoquer les grands parents, comme le romancier qui nous instruit sur les origines familiales de son héros, permet de pénétrer dans l'intimité de la famille et de comprendre les raisons d'une migration de la Haute-Loire à Clermont-Ferrand puis à Pont-Saint-Esprit. Dans cette continuité apparente, on lit entre les lignes des signes de rupture de civilisation dont les petits-enfants seront ou ne seront pas les héritiers. Livre précieux pour les familles à une époque de mobilité, où elles ne vivent pas deux générations de suite au même endroit.

Trame cachée, à la fin du livre le lecteur s'aperçoit qu'il a été conduit jusqu'au bout au son du violon. le couple non seulement aime la musique mais il s'est bâti dès les classes terminales aux lycées du Puy autour du violon. Tout au long de leur vie d'étudiant et en marge de l'exercice de la profession de dentiste il joue ; il recherche des partenaires pour un quatuor et lie des amitiés en organisant des concerts. Dans la suite de la lecture ce goût se révèle transmis par les générations précédentes avec un grand-père qui, dès son plus jeune âge, faisait danser les noces au son du violon.

Les débuts de l'exercice du métier, alors que la Sécurité sociale n'existe pas encore, sont « héroïques », sans acrimonie à l'égard des déconvenues ni vaine gloriole dans la réussite. On suit le développement de leurs carrières, à la manière De Balzac, dans une richesse de rencontres, accompagnées de croquis, qui arrivent habilement sous la plume de Madeleine Eynard : de commerçants disparus de Pont-Saint-Esprit, d'ingénieurs liés à l'exploitation du Rhône et d'humbles ou riches patients. Des petits faits divers oubliés s'insèrent dans le quotidien : du domaine professionnel, des préoccupations de la mère de famille, des travers scolaires et des responsabilités associatives.

Le livre n'est pas politiquement correct. Toute cette vie, comme celle des parents et grands-parents, s'insère dans le cours de l'histoire de France. L'auteur ne craint pas de rompre avec la vision officielle du passé, pour retracer par petites touches, qui témoignent de l'état d'esprit de l'époque, les grandes crises subies par ce XXe siècle : laïcité et cléricalisme, bouleversements militaires et politiques, etc. Dans le désordre chronologique, au fil du récit, apparaissent des points historiques ou des réflexions. Par exemple, le Pain maudit de Pont-Saint-Esprit, où son témoignage est celui du vécu. Colonisation, Algérie, etc., dont elle n'esquive rien. La guerre de 14, celle de 40 avec la débâcle, puis le régime de Vichy, l'occupation de la zone libre et la vie de ses camarades juifs qu'elle préface par une évocation de la xénophobie collective des années 30.

Le Puy apparaît avec Simone Weil la philosophe. Jacques entre en troisième au lycée de garçons en 1938 où son père vient d'être nommé intendant. Avec ses camarades il réalise des émissions radiophoniques, grâce à un poste émetteur construit par lui-même, dans le cadre de la Ligue radiophonique lycéenne ou Ligue loufoque lycéenne, dont les membres se nomment « les élocubistes ». La création d'une troupe de théâtre, qui obtient des rôles féminins du Lycée de jeunes filles, où Madeleine est interne, pour donner Peau d'âne. Jacques accompagne des opérettes au violon alors que Wolfgang Simoni [Louis Saguer 1907-1991] tient la partie de piano dans des improvisations éblouissantes. lI est dénoncé au préfet du Puy par l'un de ses confrères musiciens. Une doctoresse au courant le fait transporter dans une clinique. Un chirurgien l'enveloppe dans un plâtre impressionnant dans lequel il se glisse a la moindre alerte. Madeleine Eynard écrit que Valentin, « ministre de la jeunesse » de Vichy lors de sa visite au Puy, fait chanter aux jeunes lycéens : « Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine » (1).

Les conditions de vie des élèves après l'invasion de la zone libre, alors qu'elle est interne au lycée de Lyon puis étudiante à la faculté de Strasbourg repliée à Clermont, régressent et reviennent au XlX° siècle. le froid dans les dortoirs se poursuit dans les salles de cours ou les amphithéâtres et la faim aggrave le déséquilibre physique. L'angoisse des conséquences des rafles des camarades juifs d'abord puis des jeunes domine la dernière année d'occupation.

Si les on-dit témoignent d'une mentalité et de l'évolution de cette mentalité, ils auraient dû être écrits au conditionnel car ils ne résisteront pas tous à l'analyse historique. Certains nuisent à la crédibilité de la relation (2). Pourquoi avoir ajouté des digressions à des faits historiques ? Dans le « Pain maudit de Pont-Saint-Esprit » se sont des pages d'authentiques historiens, qui vont du pape Gerbert à l'ordre des Antonins. Il en est de même pour la vie à Clermont-Ferrand sous l'occupation. Il aurait été préférable de les réduire en note ou de les ajouter en annexe, de façon à laisser le champ libre à l'autobiographie.

De ses souvenirs d'enfance, passée à la campagne, Madeleine Eynard raconte dans un très petit paragraphe l'histoire de ce paysan revenu du front en permission de convalescence et que les gendarmes trouvent mort dans son lit. Elle pourrait, sous sa plume précise et incisive d'excellent écrivain, rédiger pour ses petits-enfants une nouvelle dans l'esprit du poème d'Arthur Rimbaud le dormeur du val. Elle leur montrerait combien la guerre de 14 a pesé sur la mémoire de toute sa génération, dans un monde antédiluvien, bercé par les instituteurs et les béates.

Christian de Seauve

(1) Ne confond-elle pas Français Valentin. président de la Légion, venu en mai I942 donner au
Puy une conférence sur le maréchal Lyautey et Georges Lamirand secrétaire général à la jeunesse en visite au Puy le 22 février I94I ?
(2) Mgr Martin. évêque du Puy, déporté !
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