C'est un peu compliqué à expliquer, voyez-vous il s'agit d'une histoire d'amour – ça fait toujours rêver l'amour – passionnée. Euh...enfin, ce n'est pas du
Barbara Cartland non plus. C'est plus un récit d'aujourd'hui, une chronique sociale si vous voulez : le chômage des jeunes, le malaise des vieux, la crise... Ce n'est pas rébarbatif pour autant, c'est moderne et drôle aussi, il y a de la musique et ça bouge, le fun
quoi ! Ne bougez pas, je m'occupe de
la clôture et je vous raconte.
Le début de la lecture de
la Clôture a tendance à désarçonner tant la narration est dé-construite. Plusieurs petites scénettes sans rapport apparent s'entrecroisent de façon aléatoire, puis, peu à peu, une direction générale semble se mettre en place. le plus étonnant étant l'apparition de l'auteur qui, de fort méchante humeur, sèche sur la page planche. Deux niveaux de lecture se révèlent : des tentatives de début d'histoires et une partie autobiographique. Rien n'est moins sûr, Fabcaro sort pour prendre un peu l'air et croise physiquement ses personnages. le réel et la fiction s'entrecroisent. Quelle dose de réalité dans la fiction ? Quelle est la part de la fiction dans la réalité ? Que se passe-t-il quand
la clôture qui sépare ces deux mondes est brisée ?
Lewis Trondheim avait choisi la forme de l'essai dans
Désoeuvré pour traiter des mystères de l'inspiration et de la peur, terrible pour un créateur, de se retrouver un jour « à sec ». Dans
la Clôture, Fabcaro (Droit dans le mur) se met également en scène, mais il choisit une approche fictionnelle. le récit est en lambeau comme peuvent l'être les pensées qui défilent quand on laisse aller son esprit. Des morceaux de réalité glanés ici et là qui se suivent, s'emboîtent, s'entrechoquent et finissent par former le tissu de nos vies. Élargissant son récit au-delà de ses angoisses personnelles, Fabcaro parvient, d'une façon très originale, à décrire la face absurde du monde qui nous entoure.
Loin des canons classiques de la narration, le petit monde conçu par Fabcaro est néanmoins parfaitement huilé et logique. La lecture nécessite une attention soutenue, car chaque case possède un petit détail qui fera la différence à un moment du récit.
La Clôture est une bande-dessinée originale et complexe, admirablement réalisée et chaudement recommandable à tous amateurs curieux du 9e art.