Bon, cette fois c'est sûr : le mec a un grain.
Déjà ses romans foutraques ("
Le Discours", "
Broadway"...) m'avaient mis la puce à l'oreille, avant que sa BD-culte "
Zaï Zaï Zaï Zaï" ne vienne confirmer le diagnostic.
Avec
Moon River le doute n'est plus permis, Fabcaro est dingo.
Après ses délires de carte de fidélité perdue, de piscine verdâtre envahie d'insectes parasites (voir "samouraï"), d'histoires de couples complètement farfelues prétextes à sketches déjantés (voir "
Moins qu'hier (plus que demain)"), le voilà quoi nous plonge à présent dans une sombre affaire d'agression dans le milieu du cinéma hollywoodien des années 50.
La victime de l'infâme attentat - dont je vous laisse découvrir la teneur exacte, en avertissant toutefois les âmes sensibles que l'horreur du forfait a de quoi heurter - n'est autre que la célèbre Betty Pennyway. L'enquête est confiée au non moins célèbre inspecteur Hernie Baxter, dont la perspicacité m'a laissé pantois ! Pour démêler ce triste imbroglio aux répercussions indélébiles (les esprits taquins emploieront plutôt le qualificatif de "débile"), notre fin limier enchaîne les gags et les interrogatoires de suspects toujours plus loufoques, et nous régale de dialogues sans queue ni tête et de situations délicieusement absurdes.
Fabcaro insère par ailleurs dans l'enquête policière des saynètes complètement décalées, présentant par exemple des extraits du western ridicule en cours de tournage au moment du drame, ou se mettant lui-même en scène en plein de travail de composition de sa BD. À chaque nouvelle séquence, il change complètement de style (dessin sobre et bicolore pour l'enquête policière, traits plus grossiers et caricaturaux quand il intervient en personne dans ses planches, ou images très soignées et colorées pour les scènes du film), montrant ainsi l'étendue des techniques qu'il maîtrise. Ma préférence va peut-être au style adopté dans l'intrigue principale, lors des investigations de Baxter, et à ces personnages d'allure assez statiques, aux visages plutôt inexpressifs, mais qui par contraste rendent les dialogues encore plus percutants, les saillies comiques encore plus efficaces.
Cet humour pour le moins "particulier" ne parlera sans doute pas à tout le monde (c'est vrai, le gars est un peu dérangé, mais moi j'adore ! Peut-être faudrait-il qu'on aille consulter tous les deux ?). Néanmoins, pour qui apprécie le style carrément inclassable et le second degré ravageur de Fabcaro,
Moon River est la garantie d'un vrai bon moment de rigolade !