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Critique de Nastasia-B


Voici le volume 2 des mémorables Souvenirs Entomologiques de Jean-Henri Fabre regroupant les séries 6 à 10. Ce volume est encore plus épais que le premier mais demeure tout aussi exquis que son compagnon. Ces deux livres constituent probablement l'un des ouvrages les plus atypiques de ma bibliothèque, tous genres et toutes époques confondues.
C'est une sorte de savant mélange entre un propos docte et expert sur la condition d'insecte tout en ayant l'élan, la fluidité, la magnificence du verbe de la meilleure littérature du XIXème siècle.
Vous ne me croyez pas? D'accord, je vous le prouve. Jean-Henri Fabre n'est rien moins que l'instigateur, le créateur d'une science qu'on appelle aujourd'hui l'entomologie et qui se décline sous différents aspects, comme l'éthologie, l'écologie et la physiologie des insectes.
Il est le découvreur d'une myriade d'espèces d'insectes du sud de la France tout en étant l'initiateur de la méthode d'élevage des insectes qui permet de décrire les détails du cycle de vie de l'espèce, parfois incroyablement alambiqué.
À cet égard, il était le contemporain, l'admirateur, mais aussi et surtout le plus redoutable contradicteur des théories de Charles Darwin. L'histoire ne retient souvent que le gagnant d'un combat scientifique, or le fait que Fabre se soit hissé contre l'idée que l'évolution est le fruit d'une accumulation de minuscules changements régulièrement sélectionnés pour l'intérêt qu'ils procurent à leur détenteur, en fait, aux yeux des néophytes, un scientifique raté. Détrompez-vous, détrompez-vous, les arguments de Fabre ne furent pas battus en brèche du vivant de Darwin ni même de Fabre. Ce n'est que le développement récent de la génétique qui nous donne à comprendre les invraisemblances des cycles de développement des insectes, qui apparaissent clairement comme non adaptatifs (ce sur quoi Fabre avait raison). Ils sont le fruit de mutations génétiques (souvent une seule ou du moins un nombre très réduit) qui ont présidé à un changement adaptatif mais qui ont comme corollaires plusieurs autres changements, qui, considérés en eux seuls, sont des désavantages. le restant de ces traits manifestement non adaptatifs ou extrêmement bizarres sont des héritages d'adaptations anciennes mais qui n'ont plus aucun intérêt dans le mode de vie actuel de ces espèces (un peu comme le gène codant pour les dents chez les poules et que chaque génération se refile scrupuleusement de poussin en poussin depuis des millions d'années).
Vous suivrez donc, aux travers également des superbes dessins de la main de l'auteur, dans ce recueil de décennies d'observation rédigé en une vingtaine d'années vers la fin de sa vie, les péripéties de la bruche des pois, de la processionnaire du pin ou encore le minotaure typhée et de quelques autres non moins extraordinaires petites bestioles provençales.
Voilà pour le côté scientifique. La langue maintenant. Sachez que notre atypique instituteur, au demeurant détenteur d'un brevet supérieur, baccalauréat ès-lettres, licence de sciences mathématiques, licence de sciences physiques, licence ès-sciences naturelles, doctorat ainsi que de la légion d'honneur et d'un siège à l'académie française, maniait la langue comme fort peu peuvent s'en prévaloir.
À titre de curiosité ou, plus vraisemblablement, pour le plaisir de lire une belle langue tout en apprenant des choses étonnantes, je vous conseille vivement ces souvenirs entomologiques, mais ce n'est là que mon avis, c'est-à-dire, pas beaucoup plus qu'une ponte de larve au milieu d'une bouse... mais qui sait ce qui peut jamais sortir d'une bouse ?
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