Ce tome est le premier d'une série indépendante de toute autre. Il contient les épisodes 1 à 5, initialement parus en 2014, écrits par Jae Ferber, dessinés et encrés par
Scott Godlewski, avec une mise en couleur de Ron Riley.
Il s'agit d'une histoire de science-fiction. Dans un futur éloigné où l'humanité a essaimé à travers les étoiles, et vit en cohabitation avec d'autres races extraterrestres. Dans ce contexte, Clara Bronson a accepté de prendre le poste de shérif dans Copperhead, une petite ville minière sur une planète à l'écart. À peine débarquée avec son fils Zeke, elle prend Budroxifinicus (son adjoint, un extraterrestre anthropomorphe très costaud) de haut.
Sa première intervention consiste à mettre fin à une dispute familiale dans une ferme un éloignée de Copperhead, où elle doit prouver qu'elle est capable de se battre physiquement. Ensuite elle reçoit la visite de Benjamin Hikory, le propriétaire de la mine, pas frocément très clair dans ses affaires. Enfin elle doit enquêter sur un crime.
Les auteurs placent le lecteur aux côtés de Clara Bronson et son fils Zeke pour l'arrivée en ville, lui permettant d'assimiler les informations en même temps que les nouveaux arrivants. Ainsi la narration suit à 80% Clara Bronson, et les difficultés auxquelles elle se trouve confrontées.
Jay Faerber utilise un mode narratif très efficace pour générer l'empathie chez le lecteur qui voit comment Clara Bronson s'adapte à chaque situation.
Dans un premier temps, la nouvelle shérif doit imposer sa présence. Elle se montre cassante et légèrement méprisante vis-à-vis de Budroxifinicus qui a assuré l'intérim. Elle l'affuble d'un surnom un peu railleur. Elle remet en cause la qualité de son intérim, et elle met en doute ses compétences. Évidemment à la première intervention, elle doit faire la preuve de ses propres compétences (y compris physiques) sous l'oeil critique, dubitatif et légèrement moqueur de Budroxifinicus.
Dans un deuxième temps, Clara Bronson doit s'installer dans un endroit qu'elle ne connaît pas, tout en assurant la garde et la sécurité de son fils. Non seulement le scénariste montre que ça n'a rien d'évident, mais en plus il montre qu'elle n'est pas une mère parfaite.
Jay Faerber se montre encore plus adroit en montrant que Zeke (son fils) n'est pas une simple poupée de chiffons qu'elle peut laisser dans un coin. Il a son propre caractère, il dispose d'une forme d'autonomie et il a assimilé une partie des valeurs morales de sa mère.
Dans le cours de l'intrigue, le scénariste installe un solide suspense, lié à l'enquête policière. Les dialogues des personnages comprennent un certain nombre de sous-entendus laissant deviner une situation politique découlant d'un historique troublé. Enfin, il n'oublie quelques touches d'humour, comme par exemple le propriétaire de la mine appelant le chef de la nouvelle shérif (chef qui se trouve sur une autre planète). À cette occasion, ce chef formule une réponse sans appel, sous la forme d'un sarcasme manipulateur.
Dès les premières pages, le lecteur constate que les dessins de
Scott Godlewski présentent 2 caractéristiques principales. Pour commencer il représente les êtres humains avec une morphologie normale. Clara Bronson n'est pas une bombe anatomique, ou un objet du désir sur patte. Elle apparaît comme une femme déterminée, endurcie, sans être insensible. Elle dispose d'un menton assez pointu, dans lequel il est possible de déceler l'influence de
Sean Murphy, ainsi que dans la manière de représenter les visages. Les extraterrestres présentent tous des variations sur une forme humanoïde (comme si l'évolution à l'échelle de l'univers ne pouvait valider que cette unique morphologie), avec assez de décalage par rapport à l'humanité pour être bizarres.
La deuxième caractéristique des dessins réside dans le niveau peu élevé de détails. Il suffirait qu'il y en ait un tout petit peu moins et les personnages évolueraient dans des décors en carton-pâte. Ici ils évoluent dans endroits dont le lecteur peut bien percevoir les dimensions, mais qui manquent légèrement de particularités pour que la dimension de science-fiction soit assez étoffée.
De séquence en séquence, le lecteur se rend compte que Godlewski dépasse le niveau de mise en scène minimaliste. Les scènes d'action se lisent toutes seules, avec une bonne impression des mouvements. Les scènes de dialogue comportent quelques alternances de champ et contrechamp, mais pas seulement, transcrivant le flot des paroles et les fluctuations relatives à qui a le dessus de l'échange.
Ce premier tome se lit avec plaisir et permet de découvrir un shérif professionnel faisant des choix pour réussir à s'imposer, y compris en prenant ses interlocuteurs à rebrousse-poil. L'intrigue est prenante dès le début et portée par des personnages substantiels. La partie graphique de la narration est fluide, mais manque un peu d'épaisseur.