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EAN : 9782375610527
352 pages
Mirobole (20/01/2017)
3.52/5   31 notes
Résumé :
La beauté du diable pour l’écriture, le génie du mal pour la construction… Anders Fager revisite les grands thèmes du fantastique pour créer sa propre mythologie contemporaine à travers des histoires qui font surgir un univers fiévreux peuplé de forces maléfiques, ou le monstre n’est jamais celui qu’on croit.

À Trossen, les résidents de la maison de retraite se regroupent au troisième étage pour des rites venus d’un autre age ; Les deux frères Zami et... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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Attention, voici un auteur qui devient culte, et une critique avec de vrais morceaux de cervelles et de Grands Anciens dedans... car Anders Fager revisite la mythologie lovecraftienne, tout autant qu'il lui rend hommage. Mais pas seulement à Lovecraft. C'est un corpus entier de l'horreur que Fager saisit à pleines mains. La Reine en Jaune fait référence à un livre de 1895 écrit par Robert W. Chambers, et désigne Hastur dont le nom apparaît pour la première fois sous la plume d'Ambrose Bierce en 1891.

Et le jeu de piste ne s'arrête pas là. Car Fager (ex-geek, ex-dyslexique, ex-punk, ex-rôliste... euh non, toujours rôliste en cheville avec White Wolf) a écrit pas mal de recueils de nouvelles, dans lesquels Mirobole puise pour composer les deux tomes actuellement disponibles. On peut supposer (vu les tonnes de mégalomanie et de misanthropie qui suintent de son site web) qu'Anders Fager a marqué son accord pour ce mélange. Cette attitude de l'auteur n'est pas sans rappeler James Ellroy, àmha.

Parenthèse... en 1991 paraît le jeu de rôle le plus glauque et malsain de l'histoire du JdR. KULT. Un jeu de rôle suédois. Fager ne semble pas y avoir participé, mais il a réussi à tirer un jeu de rôle, un roman graphique et une pièce de théâtre de son oeuvre.

Alors, faut-il avoir lu Les Furies de Boras, le premier recueil paru chez Mirobole, pour comprendre La Reine en Jaune? Non. Peut-être cela aide-t-il, mais ce n'est même pas certain, tant l'auteur aime brouiller les pistes.

En quoi consiste le recueil? 5 nouvelles entrecoupées de Fragments numérotés... mais dont certains manquent. Les Fragments forment une trame qui a des liens avec les nouvelles. Deux des cinq nouvelles concernent une galeriste qui tombe sous la coupe d'un cercle de riches vieillards adeptes des Grands Anciens (qui servent de base à la pièce de théâtre). Les trois autres sont indépendantes, mais il y a des évocations de certains personnages et/ou événements dans les Fragments. Les Fragments jouent sur l'ellipse, c'est au lecteur qu'il incombe de retracer ce qui se produit entre les textes.

Exprimé comme cela, on dirait que c'est un peu prise de tête. Mais pas du tout... C'est très fluide. Anders Fager a une écriture directe. Dure, tendue. Mais dépourvue de vulgarité et d'obscénité. Un sexe est un sexe. Et pas mal de scènes se déroulent sous la ceinture. Mais sans que Fager en rajoute. Eventration, décapitation, fellation, etc. tout cela est dit sans tourner autour du pot. Il y a une précision chirurgicale dans la manière dont il décrit les situations. Pas de recherche d'effets supplémentaires. S'il y a un truc qui se passe, Fager le décrit. Pourquoi, en effet, laisser deviner une éventration alors que l'on peut décrire la scène? L'horreur en pleine lumière est tout aussi abominable que dans la pénombre.

Ce souci du détail dans les nouvelles, couplé avec l'art de l'ellipse dans les Fragments et entre les nouvelles, fonctionne bien. Mais cela peut lasser aussi. Dans la dernière nouvelles où deux rejetons de Yog-Sothoth vont de Suède en Roumanie chercher leur Grand-Mère et la ramènent ne nous épargne aucun détail de la route, des stations-service, etc. J'ai trouvé cela un peu longuet. Même si j'ai bien compris qu'il s'agissait de construire la nouvelle comme s'il s'agissait d'une incantation, je suis resté un peu à quai. Cette nouvelle a quand même été primée.

On a parfois l'impression que si Fager estime qu'il faut dix minutes pour trancher une tête, il va écrire la scène de telle manière que cela prendra dix minutes au lecteur pour la lire...

Mais Fager peut aussi jouer le registre de la poésie. Dans la nouvelle éponyme, il y a de nombreuses images poético-macabres sur le jaune et sur les mouvements de My, la galeriste devenue la reine en jaune...

La première nouvelle est un choc, avec cette galeriste dépourvue de scrupules et qui veut créer de l'art éphémère, basé sur l'effroi et l'instantané. On se dit qu'il y a un message social... et puis les nouvelles suivantes diluent cette impression. Pour moi, Cérémonies, la nouvelle se déroulant dans une maison de repos où les pensionnaires se livrent à de macabres et sanglants rituels est encore meilleure, et le summum est atteint dans la troisième nouvelle où une opération commando sur une petite île scandinave fait long feu. Humour, dérision, cynisme, tout cela fait aussi partie de la panoplie de Fager.

A mon avis, l'écriture n'est effectivement pas sans rappeler Ellroy. le récit est plus important que la manière d'y arriver, mais le style contribue à l'effet produit. Tous les effets pompiers, les redites, les lenteurs de Lovecraft (qui m'avaient éloigné de l'oeuvre) ont disparu et laissent la place à l'horreur, mais celle-ci prend place dans la tête du lecteur, pas sur le papier. C'est bien vu. Et si on regarde toute la production en suédois de Fager, on se dit que l'on va encore entendre parler de lui longtemps. Tant mieux.
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Direction la Suède, où il se passe de drôles de choses, entre sorcellerie et lovecrafteries en tout genre (comme la couverture l'indique). Comme dans Les Furies de Borås , l'auteur entrecoupe ses nouvelles par des « Fragments », sorte d'interludes qui forment une trame de fond, et il fait référence au recueil précédent par des allusions judicieusement placées.

Le Chef-d'oeuvre de mademoiselle Witt raconte l'histoire d'une artiste d'art contemporain prête à tout pour la gloire et la notoriété. Ses « oeuvres » (chacun se fera une idée selon sa sensibilité) lorgnent de plus en plus vers la débauche, la pornographie et la violence, tandis que la réputation sulfureuse agit comme une drogue sur la jeune femme névrosée et aiguillonnée par une mystérieuse commanditaire. Une montée progressive dans l'horreur qui est bien vue, égratignant au passage le microcosme des artistes et leur entourage, les journalistes, blogueurs et critiques. Dommage que la fin soit un peu décevante, la conclusion aurait gagnée à être un peu plus choquante (sic).

Cérémonies nous plonge dans le quotidien d'une maison de retraite presque ordinaire. Vieillards gâteux, pertes de mémoire ou de fluides corporels (beurk), rien ne nous est épargné dans cette description précise, et glaçante, d'un futur possible pour certains d'entre nous, et hélas bien moins « imaginaire » qu'on ne peut le croire. Bref, tout n'est pas normal bien sûr dans cet établissement, sous un charme trouble puisque pensionnaires et personnel soignant se retrouvent pour des cérémonies païennes qu'ils exécutent « à l'insu de leur plein gré ». Un récit étrange, assez choquant et déstabilisant.

Quand la mort vint à Bodskär commence comme un récit de guerre, avec le débarquement d'un commando sur une petite île paumée où les russes feraient des tests sous-marins, ce que les suédois ne pourraient tolérer sur leur territoire. Sauf que les soldats ont ordre de tirer sur tout ce qui bouge, que les habitants de l'île sont étranges, qu'une masse énorme sort de l'eau et ne semble pas être un navire… Ajoutons à cela des soldats qui perdent un point de santé mentale par balle tirée et on devinera vite vers quel écrivain Grand Ancien lorgne cette nouvelle, au début très (trop) lent mais qui s'achève par une folie meurtrière, et un épilogue typique du Maître.

La Reine en jaune, titre éponyme donc du recueil, nous narre la suite de la première nouvelle. On retrouve My l'artiste, internée et subissant les exactions liées à sa condition de folle furieuse et violente. A moins que, gavée de médocs, elle n'invente une partie de ce qu'elle vit ? Toujours est-il qu'un échappatoire se présente à elle et lui permet de s'échapper et de poursuivre son chemin sanglant, sans doute en utilisant la géométrie non euclidienne… Un récit oppressant, manipulant le lecteur et comprenant un point d'orgue horrifique réussi (sic).

Le Voyage de Grand-Mère est le récit d'une épopée pendant laquelle deux jeunes hommes (quoique…) quittent la Suède et traversent différents pays pour aller chercher leur grand-mère et la ramener à la maison. Deux garçons bien étranges qui fricoteront avec la pègre et feront des rencontres étonnantes sur le chemin, sans être inquiétés par les polices ou douanes croisées (ce qui en dit long sur la passoire que peut être l'Europe, d'ailleurs…). On comprendra vite que les garçons n'en sont pas vraiment, et leur grand-mère est plus que spéciale, pendant ce road-movie « horrificomique » sur lequel l'ombre de Lovecraft fait plus que rôder puisque Yog-Sothoth y est largement évoqué (invoqué ?). Une belle réussite, avec là aussi un début un peu lent et une accélération progressive, trame que l'auteur semble apprécier (ainsi que les changements de temps pour accélérer le rythme de certains passages).

Des récits réussis, entrecoupés de petits interludes, les « Fragments », qui déroulent une trame de fond avec plusieurs factions qui naviguent de façon occulte autour de l'activité humaine depuis des siècles. Seul petit bémol, le côté frustrant de ne pas en découvrir assez sur ces individus.

Au final, un très bon recueil du suédois Anders Fager, n'hésitant pas à utiliser des détails sanglants ou choquants pour étoffer ses récits, lesquels sont variés, horrifiques et finalement cohérents, fragments d'une trame globale imprégnée d'occultisme et de lovecrafteries. A conseiller aux amateurs d'horreur contemporaine.
Lien : https://bibliosff.wordpress...
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Un recueil de nouvelles ... un auteur suédois que certains comparent à Stéphan King ... en plus sombre ... à John Ajvide Lindqvist .. en plus allumé ... à H.P. Lovecraft ... en plus horrible ... alors je m'attends au pire avec ces contes dits d'horreur.
Une construction bizarre ... Des fragments d'une histoire mettant en scène la messagère de la femme boursoufflée et Fredman ... en alternance avec de drôles de contes.
Un coup sur l'art nouveau ... la création d'un art vraiment autre ... jamais vu. Ça pourrait être un simple meurtre comme un règlement de comptes.
Un fragment qui embarque en haute mer, là où on pourrait croire sauter sur une mine ou découvrir une drôle de bête.
Ensuite allons à Trossen, où les petits vieux "vivent entassés dans des petites chambres remplies de photos de personnes mortes. Et ils meurent par trois. Toutes les dix semaines."
Puis le cauchemar suit, tout s'enchaîne, l'horreur, la guerre ou la fausse guerre, la prison ou l'asile et ses traitements inhumains, comment survivre en s'inventant une autre vie dans une autre dimension, la vengeance rêvée ou réelle.
Il faut du temps un certain temps pour accepter d'entrer dans ce drôle d'univers, il faut oublier le réalisme, il faut lâcher prise et s'envoler.
Ce n'est pas forcément évident certains doivent y arriver, d'autres pas, pour ma part je suis partie dans ce drôle d'univers ... mais je ne suis pas sûre de vouloir y retourner un jour !
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Bon, j'avoue dans un premier temps avoir été quelque peu rebutée par le caractère obscur du premier texte, intitulé "Fragment I" -auquel, sur le moment, je n'ai pas compris grand-chose- qui nous fait assister à un étrange rendez-vous entre deux individus que l'on comprend vaguement être les vétérans d'une énigmatique mais puissante organisation.

Une nouvelle plus longue nous emmène ensuite dans la galerie d'art de My Witt, artiste spécialisée dans la photographie porno hard core, qui n'hésite pas pour les besoins de son art à se mettre en scène dans des postures extrêmes. Abordée par le mystérieux Comité de Carcosa, qui souhaite qu'elle repousse ses limites afin de créer une oeuvre encore plus remarquable que tout ce qu'elle a produit jusqu'à présent, elle sombre dans une macabre et sanglante démence...

Avec les titres suivants, nous poursuivons notre singulière et sinistre ballade dans les couloirs d'une maison de retraite qui se révèle être le théâtre d'occultes fêtes au cours desquelles résidents et personnel se livrent à des rites barbares inspirés d'ancestrales mythologies, puis sur une île perdue à l'est de la Suède, où se déroule une opération militaire ultra secrète, dégénérant en une sanglante confrontation.

Nous retrouvons ensuite My Witt à l'occasion de la nouvelle ayant donné son titre au recueil, puis partons, enfin, pour une singulière traversée de l'Europe en compagnie de deux créatures qui n'ont d'humain que leur apparence (et encore...), en quête d'une mystérieuse grand-mère qui doit partir en voyage.

Entre les récits, s'insèrent d'autres "Fragments" numérotés -certains étant manquants, on passe du II au IV, du V au VIII-, brefs interludes elliptiques où quelques allusions aux intrigues ou aux héros de certains textes, permettent -ou pas- au lecteur imaginatif de tisser entre eux des liens souvent ténus.

Vous l'aurez compris, chaque épisode de ce recueil est une curiosité, qui nous immerge dans son univers singulier, au coeur d'atmosphères glauques, poisseuses, oppressantes, parfois empreintes d'une loufoquerie sinistre. L'auteur y distille un humour macabre et cynique, mêle l'horreur au surnaturel, la crudité à la science-fiction. Tout y est dépeint -la violence, le sexe- avec une scrupuleuse minutie dénuée de toute emphase, sans volonté d'édulcorer ni de choquer, révélant la volonté de l'auteur d'exprimer événements et comportements avec sincérité et exhaustivité, sans tabou. L'association du style direct, factuel, à la dimension souvent énigmatique des intrigues, l'interpénétration entre réalisme brutal et fantastique déconcertent et frappent à la fois.

Malgré le caractère déjanté et/ou la dimension surnaturelle de ses histoires, "La reine en jaune" est riche de thématiques sociétales ou morales très concrètes. Les aventures de My Witt nous amènent à nous interroger sur le sens de l'art, sur ses mutations dans une société où l'omniprésence de l'image conduit à sa banalisation, sur la légitimité de l'oeuvre (est-ce la volonté de l'artiste ou le regard du spectateur qui la définit ?). le sort réservé à tous ceux qui sont devenus improductifs, dans notre monde régi par la rentabilité (fous, vieux, détenus...), est également évoqué. Mais ces textes sont aussi et surtout hantés par les dérives vers lesquelles la démence, ou simplement leur propension à la sauvagerie, entraînent les hommes.

A lire !
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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Il est rare que je chronique un recueil de nouvelles.
Aujourd'hui, je vous parlerai de la Reine en Jaune de Anders Fager, paru aux éditions Mirobole.
Anders Fager s'est d'abord illustré dans le domaine des jeux de rôles et de plateaux dans les années 80', activité qu'il continue à exercer avec sa propre société, Gottick1. Il a également consacré quelques années au rock. Ses débuts littéraires remontent à 2009, année de parution de son premier recueil de nouvelles. Deux autres suivront, regroupés en omnibus sous le titre Samlade Svenska Kulter. En France, Mirobole éditions publie en 2013 une sélection de ces nouvelles sous le titre Les Furies de Borås. La Reine en Jaune en est la suite.
Pour ce qui est de donner un « genre » à ce recueil, c'est très difficile.
L'histoire de MY, artiste porno hardcore, serait plutôt dans le genre thriller, bien que l'histoire en elle-même est tellement noyée dans des description glauques de scènes porno qu'on ne comprend pas vraiment comment la fin est amenée, ou si on a raté quelques chapitres…
La/les nouvelles consacrées à Bodskär sont elles des nouvelles de SF, ambiance un peu « Alien ». Ce sont clairement celles que j'ai préféré.
Enfin les aventures se déroulant dans la maison de retraite de Trossen sont carrément loufoques et difficiles à classer dans un genre quelconque.
Le style d'écriture, mais s'agissant d'une traduction du suédois c'est difficile à affirmer, s'adapte à chaque genre abordé dans ce recueil, sans toutefois parvenir à m'accrocher.
La nouvelle qui aurait dû le plus ma plaire est celle que j'ai le moins aimé.
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Grand-mère va partir en voyage. Elle va se rendre dans le nouveau pays tout au nord. Elle va enfin rencontrer Armada et les enfants. Toute la nouvelle génération. Ceux qu’elle n’a jamais vus, mais auxquels elle manque néanmoins. À longueur de temps. Loshie et Kinda. Simon et Jan. Les petits de Zami. Toute la tribu. Ensemble, ils iront ensuite s’installer dans la maison que l’Oncle Tanic a achetée. Elle se trouve à la périphérie de Hammarstrand. Une bourgade au nord. Près de Gesunden. Ce nom ne signifie rien suédois, mais c’est un lac. On le voit depuis la colline près de la maison. Il s’étale dans un vallon de verdure telle une grande mer bleue. Le paysage est beau et paisible. Désert. Et le silence y règne.
La maison est grande. Grande et ancienne. Elle est marron, compte deux étages et dispose d’une cave, d’une grange, d’un garage et d’une pelouse. Il y a aussi de grands arbres dans lesquels les enfants pourront grimper. Elle pourra abriter toute la famille. Ils vont de nouveau être tous ensemble. Et plus personne n’aura à avoir peur. C’est l’intérêt principal du projet. Ils vont enfin pouvoir être réunis. Dans une grande maison. Loin de toute nuisance.
La famille est excitée. Ses membres sont nerveux et ne tiennent pas en place. Ils se querellent sans cesse pour des queues de cerise. Tous ont du mal à dormir. Tous pensent à Grand-mère. À l’Oncle Tanic aussi. Merci Oncle Tanic d’avoir organisé tout ça. Merci de comprendre cet affreux pays qu’est la Suède. Et merci Linecka de l’avoir aidé. Nous qui vivons dans les deux appartements ne nous en sortirions jamais sans vous. Nous mourrions de faim. Nous nous éteindrions. Sans vous deux, nous étions des prisonniers dans l’abominable Rosengård. Cernés de gens. Des gens dangereux et criards. Ceux qui haïssent. Ceux qui détruisent. Ceux que la famille n’a cessé de fuir.
(« Le voyage de Grand-mère »)
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C’est lors d’une nuit d’automne éclairée par un fin croissant de lune que la mort arriva à Bodskär. C’est une forme de mort inconnue qui s’y présenta. Elle était en acier et renvoyait des reflets métalliques. Elle avait été pensée dans les moindres détails, avait fait l’objet de nombreux exercices. La mort qui débarqua à Boskär était humaine et moderne. Elle arriva accompagnée de radars, d’embarcations pneumatiques et de moteurs si silencieux que les habitants de l’île ne les entendirent pas. Cette mort était vêtue de kaki, avait le visage camouflé de maquillage noir et se révélait redoutablement dangereuse. Elle voulait tuer tous ceux qui se trouvaient sur l’îlot. Personne ne devait en réchapper.
Le problème, c’est que la mort se trouvait déjà à Bodskär. Celle-là était noire et terrifiante. Elle était séculaire, boursouflée et empestait le poisson pourri, la graisse de phoque et le bois vermoulu. Et elle appartenait à un genre que peu d’hommes avaient jamais observé. Elle se tapissait dans les eaux poissonneuses, tout au fond de l’abysse au sud de l’îlot. Invisible depuis Högfjärden et avec vue sur le large depuis les récifs tout proches. Un secret. Dissimulé, isolé et invisible. Une cachette au milieu des rochers et des terres de Svenska Vallen. Ce vieux secteur de pêche était un endroit qu’on regardait de loin. Depuis le large, loin de la digue. On y repérait des toits et demandait : « Des gens vivent vraiment là-bas ? » Ils doivent être fous. Qu’est-ce que ça doit souffler. Et vous imaginez le froid en hiver ? À moins que les chalets soient à l’abandon ? Les maisons rongées par le soleil et le sel sont aussi grises que la roche. Elles ont l’air complètement érodées, comme si elles étaient sur le point de se fondre dans la falaise, exactement comme les pontons dans la baie paraissent s’enfoncer peu à peu dans les flots.
(« Quand la mort vint à Bodskär »)
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À présent, My Witt était seule au bureau et regardait les polaroïds du vernissage en buvant un verre de vin. Linda et elle avaient pris presque cinq cents clichés. Cela coûtait la peau des fesses, mais elle avait un plan. Elle pourrait réaliser une installation consacrée à la fête. Porn Star Party. Une installation avec des photos d’une fête. Puis en organiser une autre et la documenter aussi. Une fête avec des célébrités où les gens viennent pour voir des personnes connues. Il y avait quelque chose là-dedans. Une espèce de commentaire sur la jet-set. Une méta-plaisanterie à la Warhol. Il s’agissait juste de trouver le bon titre. L’angle d’attaque approprié. Un texte qui orientait dans la direction idoine. Peut-être était-il possible d’y mêler Internet d’une manière ou d’une autre. Commentaires culturels en temps réel. Il fallait absolument qu’elle en parle avec Webb-Christoffer pour voir si on pouvait tout poster sur http://www.mywitt.com. Un miroir déformant de la mafia de la culture. Une histoire de matriochkas. Avec le bon pitch, on peut vendre quasiment n’importe quoi. (« Le chef-d’œuvre de mademoiselle Witt »)
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Il sort sa lampe pour voir l'enfant humain qu'il a sauvé. Pour voir la vie dont il a assuré la rédemption. L'enfant qu'il va ramener chez lui en gage de son humanité. Il voit des yeux noirs. Un visage qui grouille d'anguilles autour d'une bouche béante dénuée de dents. Des mains qui n'en sont pas. Des pieds sans orteils.
Pendant le restant de ses jours, Larsson se demandera s'il a placé la grenade de Becirov dans le berceau et s'il a pensé à la dégoupiller avant de s'enfuir. (p.187)
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My Witt était satisfaite. Incroyablement satisfaite. La galerie n’avait pas désempli depuis six jours. Rarissime, pour une installation photographique. My n’avait jamais rien entendu de tel. Un défilé incessant de curieux. Des journalistes en pagaille. Tout le gratin du monde culturel. Et puis elle vendait bien. Porn Star était explosif. Controversé. Le truc de la semaine. Du mois même. Peut-être de l’année. On en parlait beaucoup sur les sites culturels et les blogs féministes. Certains étaient furieux et cela depuis des semaines. Bien avant le vernissage. Il y avait eu beaucoup de fumée avant même qu’on n’ait vu le feu. Beaucoup de cancans sur la galerie. Beaucoup de « tu es au courant ? » et d’exaspération mal dissimulée. De nombreuses controverses. Les gens se déchaînaient. My se régalait. (« Le chef-d’œuvre de mademoiselle Witt »)
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A l'occasion du festival "Imaginales" à Epinal, rencontre avec Anders Fager autour de ses ouvrages "La reine en jaune" et "Les furies de Boras" aux éditions Pocket
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