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Critique de Woland


Woland
09 septembre 2014
Glitterscenen
Traduction (du suédois) : Anna Gibson

ISBN : 9782253162988


Il nous a été impossible de comprendre si, dès le départ, cette "Scène A Paillettes", qui nous donne enfin la clé de la mort de "La Fille Américaine", était prévue comme une "suite", un second tome, ou bien si elle ne l'est devenue que pour des raisons commerciales, à cause de l'ampleur du manuscrit original. Quoi qu'il en soit, renoncez à l'idée de lire "La Scène ..." avant "La Fille ..." Non seulement vous n'y comprendriez pas grand chose, mais en plus, vous auriez l'impression que Monika Fagerholm a usurpé sa réputation littéraire. Bref, vous auriez tout faux.

Même si nous sommes encore bien loin d'une construction classique, "La Scène A Paillettes" adopte un style moins concis, moins elliptique que "La Fille Américaine." En revanche, les retours en arrière sont toujours là et l'épilogue nous renvoie directement en 1969, aux jours de la mort d'Eddie de Wire. Sinon, l'action se situe pour l'essentiel dans les années 2000. Les adolescents qui tenaient la vedette dans "La Fille Américaine" ont grandi ou ont disparu. Certains parce qu'ils sont morts (Doris Flikenberg), d'autres parce qu'ils ont fui (Rita, l'une des soeurs de Bengt). Pour nous conter cette partie de l'histoire, ne restent en piste que Solveig, la jumelle de Rita, Suzette Plackèn, qu'elle a jadis sauvée de la noyade et Maj-Gun Maalamaa, la fille de l'ancien pasteur du Coin. Evidemment, ces personnages, le lecteur les a déjà aperçus : Solveig, présente, avec Rita - ou du moins, c'est ce qu'on nous a toujours dit - au moment même où Eddie de Wire est tombée dans le marais de Bule ; Suzette, qui a travaillé un temps dans le kiosque de glaces qui appartenait à Jeannette Lindström ; et Maj-Gun qui, au temps où elle n'était qu'une enfant aussi volontaire et aussi entière qu'elle, s'est prise de bec une fois avec Doris Flikenberg.

Au début, cette mise en valeur de personnages qui, jusqu'ici, avaient passé pour secondaires, déstabilise un peu le lecteur. Mais il s'habitue assez vite et s'aperçoit alors, toujours insensiblement, par de menus détails, de menues réflexions, que toute la vérité n'a pas encore été dévoilée. D'ailleurs, autour du marais de Bule et dans le Coin, la Mort et le Destin ne cessent - n'ont cessé - de rôder depuis les dernières pages de "La Fille Américaine." Ainsi, la "maison de la partie boueuse de la forêt" a sombré dans les terres marécageuses : ne surnage que l'escalier extérieur, long de quarante marches. Bengt est mort - suicide ou meurtre, le doute demeure et ne sera pas levé. A défaut des lieux, le spectre de la Fille américaine continue à hanter les esprits au point qu'il provoquera - indirectement - la mort d'une autre toute jeune fille, Ulla Bäckström. Celle-ci, fascinée par cette mort jamais tout à fait élucidée, avait écrit pour le lycée du Coin une pièce sur le sujet. Elle y tenait bien sûr le rôle principal, celui de la Fille américaine.

La Mort, dans ce deuxième volume, apparaît toute-puissante. Maj-Gun enfant joue avec un masque qu'elle a baptisé "l'Ange de la Mort "Liz" Maalamaa." Coïncidence ou non, ce masque est récupéré par Ulla Backström qui l'arbore lorsque sonne sa dernière heure. Et c'est quelqu'un que, dès sa jeunesse, on avait surnommé "Ange de la Mort" qui, dans une crise de folie, fait basculer Ulla, dix-huit-dix-neuf ans, par dessus le balcon de sa chambre et dans le néant. Mais, derrière la Mort, au fur et à mesure que se développe le récit, le lecteur voit se préciser la silhouette du Destin, appliqué à tisser et à retisser les fils de sa trame : chacun d'eux a son importance, aucun d'eux n'est superflu et si certains doivent finir sous le ciseau, n'est-ce pas, finalement, conforme à ce qui doit, à ce qui devait, être ?

A lire. Mais seulement si vous avez réussi à "entrer" dans "La Fille Américaine." Sinon, ce n'est pas la peine. Les deux livres forment un tout, un univers étrange, en apparence chaotique et pourtant redoutablement logique, qui baigne dans un onirisme et une poésie qu'il faut apprivoiser l'un et l'autre, avec des personnages hors-norme dont les pensées et les actes font songer, de manière irrésistible et troublante, à la fameuse tirade de "Macbeth" :

"Demain, puis demain, puis demain glisse à petits pas de jour en jours, jusqu'à la dernière syllabe du registre des temps ; et tous nos hiers n'ont fait qu'éclairer pour des fous le chemin de la mort poudreuse. Eteins-toi, éteins-toi, court flambeau ! La vie n'est qu'un fantôme errant, un pauvre comédien qui se pavane et s'agite durant son heure sur scène et qu'ensuite on n'entend plus ; c'est une histoire dite par un idiot, pleine de fracas et de furie et qui ne signifie rien..."

... Mais un rien somptueux, les amis ! Et c'est ça qui compte ! ... ;o)
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