Si vous vous attendez à un thriller classique, vous serez déçu mais restez l'esprit ouvert, vous allez aimer ce roman social où le décor est plus important que l'intrigue.
Pigalle, mythique quartier de Paris, avec son lot d'artistes, sa faune cosmopolite n'est-il pas le meilleur endroit pour se perdre tout en existant.
Philippe s'y est installé pour panser ses blessures et ses états d'âme. Ses voisins lui conviennent, il ne fait pas comme tous ceux venus s'installer en quête d'exotisme, mais qui voudraient que ce quartier s'embourgeoise, un peu comme ces citadins qui s'installent à la campagne mais qui ne veulent ni le chant du coq ni l'odeur des vaches.
« Les deux mijaurées se consultent du coin de l'oeil et se retirent avec des airs outragés, sous les rires narquois de l'assistance.
- D'ici un an, elles auront transféré leurs cliques et leurs claques aux Abbesses, c'est le repaire des faux artistes et des intellectuels de pacotille depuis le succès d'Amélie Poulain, se moque Philippe. »
Dans ce petit monde où tous se connaissent et s'entraident, il se passe toujours quelque chose.
Oui mais là c'est un peu fort comme surprise, après une rixe qui laisse un Antillais entre la vie et la mort, Antoine trouve dans un meuble laissé sur le trottoir (un encombrant) une nouveau-née, dont il devient gaga et qu'il baptise Cerise. Les mauvaises langues se délient et le brigadier Muriel Hardy va être chargée par le commandant Golzan d'enquêter sur cette fantaisie. Cette dernière qui a de nombreux problèmes, n'est pas des plus diplomates et enquête crocs en avant.
« le bébé change de mains, Blandine tourne les talons et remonte vers l'arrêt du 67 au lieu de descendre à pied la rue Frochot, où patrouille l'ennemi.
- Ouf, sauvés ! se réjouit Antoine.
- Je ne crois pas que vous pourrez éternellement jouer à cache-cache avec la maréchaussée, lui prédit Pocahontas, pessimiste. »
Ces parties de cache-cache sont savoureuses par leur esprit burlesque et haut en couleurs.
Pourtant il ne faut pas croire que c'est la fête tous les jours chez les habitants du quartier chacun a changé de vie en adoptant un surnom, beaucoup n'ont pas envie de se souvenir du passé. En revanche, en cas de coup dur ils savent se solidariser et la petite Cerise va en bénéficier.
Crimes il y aura et le brigadier Hardy devra s'échigner à démêler cet imbroglio.
Jeanne Faivre d'Arcier nous régale de dialogues savoureux qui résonnent à vos oreilles avec toute la gouaille de l'endroit.
Son regard est généreux et rempli d'humanité pour « ces encombrants » ceux qui sont en lisière et c'est avec ce regard que vous lecteur vous lirez cette histoire originale.
Des personnages croqués sur le vif qui montrent combien l'être humain est fait de complexités et que les apparences sont trompeuses.
©Chantal Lafon-Litteratum Amor 10 juillet 2018.