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Nathalie Peronny (Traducteur)
EAN : 9782381340340
400 pages
Marchialy (16/03/2022)
3.7/5   40 notes
Résumé :
Un soir de mai 2014, dans un petit village du nord de l’Inde, deux adolescentes, amies et cousines, sortent faire un tour dans les champs à proximité de leur maison. Elles ne reviendront jamais. À l'aube, leurs corps sont retrouvés pendus dans le verger derrière chez elles. Que s’est-il réellement passé durant ces quelques heures ? La vérité semble moins importante pour leur famille et les habitants de ce village que la rumeur qui enfle déjà. Il faut sauver l’honne... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (19) Voir plus Ajouter une critique
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Wow. Je ne m'attendais pas à trouver un livre comme celui-ci dans mon lot de « J'ai Lu » collection polars et thrillers !

L'auteur est une journaliste hindoue, comme son nom ne l'indique pas. C'est l'histoire, hyper documentée de deux adolescentes de 14 et 16 ans, qui vivent à Kadra, un village perdu et très pauvre de l'Inde, dans l'état de l'Uttar Pradesh, état pauvre déjà lui-même, dans le nord de l'Inde.
Padma et Lalli (prénoms changés conformément à la loi indoue), sont cousines et inséparables. Leurs maisons, plutôt des cabanes, sont accolées : leurs pères sont frères. Ils sont tous cultivateurs, la terre est transmise de génération en génération, aux fils. le père de Lalli cultive la menthe pour la revendre a l'usine d'extraction d'huile essentielle. le père de Padma cultive le tabac, et ils ont un verger familial qui longe leurs champs, essentiellement des manguiers. Ils n'ont ni eau courante ni toilettes, ni latrines extérieures, la seule chose qu'ils ont parfois c'est la télévision et des téléphones portables, basiques, qui permettent les appels, les textos et la fonction torche, bien utile le soir.

Les filles sont très surveillées comme partout en Inde, et ici encore plus : elles sont en âge d'être mariées. Et déjà les pères leur cherchent un époux. Il n'y a toujours pas de mariages d'amour dans ces villages reculés et même si les femmes éduquées existent et se marient avec l'homme de leur choix, ça se passe dans les grandes villes, et encore les notions de caste et d'honneur sont prééminentes. La moindre rumeur, le moindre désaccord peut ruiner toute une famille, car le déshonneur retombe sur chaque personne de la famille. Et la pauvreté aussi, car personne ne voudra plus ni leur parler ni faire affaire avec eux, ni épouser les autres enfants. Une, voire deux générations peuvent être perdues.

Ce soir-là, en mai 2014, les deux adolescentes partent ensemble aux toilettes, c'est à dire que comme tous les autres, hommes ou femmes, on fait ses besoins dans un champ, quasiment à la vue de tous. La nuit est déjà tombée, et c'est l'histoire d'une demi-heure au maximum, le temps nécessaire pour rentrer à la maison. Mais les filles ne rentrent pas. Or les filles, de tout âge, connaissent leur rôle par coeur : dès la petite enfance elles sont là pour seconder leur mère, aider au ménage, balayer la cour, faire à manger, s'occuper des grands-parents, s'occuper des plus petits, s'occuper des chèvres, broder ou coudre, repriser, et ensuite être mariées à un inconnu et continuer la même chose dans la famille de leur époux. Deux trésors de filles, qui ne rentrent pas, ce n'est pas possible. Les rumeurs courent, tout de suite : « Il y a des voleurs dans ton champ », « J'ai vu ta fille faire des signaux lumineux à un garçon », etc, tout le village se met à leur recherche, en pleine nuit. Qui sillonne les chemin avec sa charrette, qui avec sa moto, le moyen de transport le plus courant, et on s'y met à trois voire à quatre dessus, c'est normal. Ça dure des heures, tout le village est debout, les femmes pleurent, les enfants crient, toute la nuit on les cherche, à part le père d'une des filles, personne ne prévient la police, ça non, les policiers sont de la caste des Yadav, comme les gens du village d'à côté, comme pas mal de gens importants, jusqu'au gouvernement. Plus personne ne fait confiance à la police, ici chez les Shakya. D'ailleurs la plainte du père ne fera pas bouger les policiers. Au petit jour, on retrouve les deux filles pendues à un manguier. Et la famille étendue refuse qu'on les descende de l'arbre, en rejet des policiers Yadav. Bientôt le village entier est dans le champ de manguiers, la famille quasiment assise sous l'arbre, refusant de bouger.

La découverte et l'attitude de la famille vont s'étendre à une vitesse incroyable, entrainant toutes sortes de rumeurs, les gens des villages alentour, de la ville plus loin viennent voir, écouter, donner son opinion, à tel point qu'un journaliste s'en mêle, et quelques heures plus tard les plus gros médias et la télévision sont là, les pères donnent leur opinion, leur point de vue, les mères pleurent, voile sur le visage, les gens qui ont été là depuis le début partagent ce qu'ils pensent : ça serait un viol en réunion qui aurait fini par cette pendaison. Même des ministres se déplacent, et les infos traversent les frontières, même reprises par des médias français. L'image du manguier et des filles pendues est partagée à l'international.

Et c'est là que je me rends compte que ce n'est pas un thriller, c'est une histoire qui a secoué l'Inde et le monde. Les crimes sexuels en Inde sont monnaie courante, et pas un seul gouvernement ne peut rester sans réagir. En promulguant des lois punissant gravement les auteurs de viol, en alourdissant les peines, mais dans les faits, à part dans les grandes villes, on n'y peut rien. En moyenne il y a 100 policiers pour 100 000 personnes. Et pour des questions de corruption, énormément de choses et d'actes horribles contre les femmes ne donnent rien, à part la honte de la famille victime.
A force, la police réagit enfin, et seulement le lendemain les corps des filles sont emmenés, quatre homme désignés par un « témoin » sont arrêtés, l'enquête commence, les premiers interrogatoires, et enfin l'autopsie. Bâclée parce que les medecins légistes n'existent pas, dans l'Utter Pradesh. Toucher un cadavre rend impur, pas un medecin ne veut y toucher. L'autopsie est filmée et on se rend compte après coup que celui qui fait les autopsies est un balayeur de l'hôpital. Les médecins autour, sans y toucher, déclarent qu'elles ont été violées. Et la machine judiciaire qui essaie d'aller vite ne fait que s'arrêter en route, faute de multiples changements de juges corrompus. Un organisme indépendant, le CBI, reprend l'affaire et on comprend que vu les mensonges et les élucubrations des soi-disant témoins, les deux morts ne sont peut-être pas si simples.


Sonia Faleiro a passé quatre ans sur son enquête. C'est un état des lieux sociologique sur L'Inde actuelle, la condition des femmes, les crimes sexuels, les crimes d'honneur, mais aussi la corruption totale de pratiquement toute l'autorité politique et gouvernementale. Avec des chiffres, des noms, des scandales, des horreurs, et surtout la pauvreté qui règne partout. C'est ardu, c'est complexe, mais clair. C'est une découverte en forme de coup de poing.

Ma note : 5 sur 5
Lien : https://melieetleslivres.fr/..
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Je remercie la maison d'édition Marchialy ainsi que Babelio pour cette découverte.

Une lecture qui n'a pas été simple du tout. J'aime les thrillers, les policiers d'une manière générale, celui-ci ne déroge pas à la règle ce qui m'a perturbé je dirais c'est qu'il s'agit d'une histoire vraie. Bien entendu les prénoms, les identités ont été modifié, mais la vérité est écrite et elle fait mal dans tous les sens du terme. Deux jeunes filles de 16 et 14 ans sont retrouvées pendues à un arbre. Deux familles détruites par la perte de leur fille, mais c'est bien plus que cela. Deux clans qui se déchirent, des hommes et des femmes qui vont se battre pour découvrir un semblant de vérité que l'on voudra bien leur donner. Des personnes qui font leur loi, qui ne veulent pas d'aide policière, qui ne cherchent qu'à protéger ce qu'il reste de leur famille, de leur vie. Presque 400 pages qui démarrent sur la vie simple de deux jeunes filles dans un pays où la femme n'est pas considérée comme un être humain (j'y vais fort, mais c'est le sentiment que j'ai en fin de lecture) et qui se terminent sur un gout amer en bouche après toutes les explications de l'auteure qui connait très bien ce pays, y ayant vécu durant 25 ans et a effectué de multiples recherches pour les crimes qui sont indiqués dans ce récit.

J'ai mis du temps à le terminer, certains faits sont horribles. Pas de descriptions lourdes sur les actes sexuels forcé heureusement, mais les chiffres, les attitudes décrites, la manière de penser des hommes est tout simplement ignobles. La France est un pays développé (trop à mon gout pour certaines choses et pas assez à d'autres), mais nous avons une liberté de mouvement, de choisir le métier que nous désirons en tant que femme, d'avoir ou non des enfants, un mari, bref nous avons le choix de décider de notre vie d'une manière générale. En Inde ? la femme a une condition de vie qui ne dépasse pas le seuil de la maison de son mari, qui a bien entendu été choisi par ses parents et ce depuis des générations. Nul ne retrouve vraiment à redire. L'éducation scolaire ? Jusqu'au collège inclus, c'est déjà bien, au-delà... pourquoi une femme voudrait s'instruire plus, vu qu'elle va s'occuper des enfants de son mari, de la maison ? Je n'ai aucune haine en écrivant cette chronique vis-à-vis de ces hommes qui vivent encore ainsi. Ils ont eu cette habitude et pour le moment personne ne pense à changer cela. Une évolution du système qui se fera probablement un jour et je le souhaite de tout coeur dans une paix absolue. En attendant, les crimes sont perpétrés par de si nombreuses personnes qu'il est difficile de démêler le vrai du faux. Comment imaginer pour un pays comme le notre qui a aussi ses problèmes, qu'ailleurs la misère est si terrible que des êtres humains sont encore esclaves d'autres ? Qu'un viol n'est qu'un acte banal tout juste une tape sur la main et on voit plus tard ? Qu'une femme qui a subi n'importe quel type de violence se retrouve a être menacée elle et sa famille de mourir si elle continue à vouloir passer devant un juge !

C'est une histoire qui fait réfléchir et donne mal à la tête, c'est garanti. L'enquête sur la mort de ces deux jeunes filles en devient presque une comédie musicale, un crime ou un suicide ? Toujours est-il qu'il n'y a pas grand-chose à faire, elles sont mortes et le pays tout entier qui en parle va vite oublier, comme l'un des plus grands crimes qui avait déjà élu domicile quelques temps plus tôt. Deux pendus, deux êtres encore dans l'adolescence a qui ont a tout dérobé, jusqu'à la moindre dignité. J'ai été horrifié de certains passages, même mortes elles ne sont pas traitées mieux qu'un cochon qui part à l'abattoir. Les moyens sont bien différents, nous le savons, nous le sentons, mais l'auteure nous met le nez dans une réalité qui peut à la fois être dérangeante et rempli d'apprentissage pour tous. Padma et Lalli, nous les suivons dans leur vie, leur façon de vivre avec leur famille, leurs "amies", le travail ou plutôt les corvées qu'elles doivent faire tous les jours pour aider leurs parents. L'évolution pour ces familles qui n'ont que peu de moyens est vraiment à l'extrême, pas d'eau courante, pas d'électricité, encore moins de toilettes et pourtant ils ont tous (je parle des hommes essentiellement) un téléphone portable qu'ils peuvent, pour quelques roupies, le charger dans un magasin. Et puis nous les cherchons et les trouvons pendues. Qui a fait cela ? Qui les a laissé ainsi ? Et si la vérité était encore plus effroyable que ce que nous pouvions imaginer ?

L'auteure nous emmène dans un monde dont nous n'avions que des soupçons, impossible d'imaginer ce pire et pourtant il existe encore à notre époque et cela ne change guère. L'avenir des femmes n'existe qua dans la maison, le fait d'enfanter et de n'exister que si le mari est d'accord. Une jeune femme qui veut faire des études ? C'est possible, mais à quel prix ? Nous en avons des exemples qui font froid dans le dos. Sonia Faleiro ne reste pas l'enquêtrice d'un double crime affreux, elle montre et pointe du doigt les travers de sa société. C'est douloureux de penser que c'est la vérité et pourtant tout est bien là, juste des énoncés, des faits. Il n'y a pas le moindre jugement, c'est le lecteur qui le fait avec tout ce qui est décrit. La police qui boit, l'argent qui passe de main en main, les jugements des uns et des autres sur ces femmes. Viol collectif ? Enlèvement ? Torture ? Quand on lit la description d'une autopsie on se demande si nous ne sommes pas dans une comédie (je me répète, désolée, mais c'est ainsi). Quand je vois toutes les dispositions obligatoires en matière d'hygiène et que là c'est à la limite de la porcherie... La mort de ces deux jeunes filles entraîne la population Indienne dans de nombreuses spéculations. Jusqu'à ce que la vérité soit plus tragique encore.

Les us et coutumes de chaque pays sont ce qu'ils sont, je n'ai rien à redire dessus, seul la méchanceté, les crimes non punis, et l'horreur de ce que les femmes subissent ne devraient pas exister. Chaque communauté à ses règles qu'il faut respecter, les femmes ont un seul choix, celui de suivre celui de leur père ou mari et de s'y plier, autrement c'est la honte qui est jeté sur toute la famille et la communauté peut les rejeter, et aller même plus loin encore. Pour sauver, pour laver un honneur il n'y a pas beaucoup de solution, faire disparaitre le problème est l'unique. Ils font leur loi et celle de la police ou du CBI qui vient enquêter ne sert quasiment à rien. Ils ne veulent entendre que ce qu'ils croient dur comme fer. le déshonneur peut être établi de plusieurs manières, impossible d'y échapper. Les solutions sont toutes punissables par la loi, mais est-ce vraiment le cas ? L'auteure nous prouve par A+B que non, il n'y a que des mensonges, des envies de bien faire pour être bien vu par la communauté qui l'héberge. le travail est monstrueux pour l'auteur, encore plus que les agents d'enquête qui ont mis des années à comprendre la vérité si cruelle. L'enquête est complexe car les personnages nombreux et manipulables nous entrainent dans la plus grande noirceur existante : celle de l'être humain.

Le quotidien est bien différent du notre. J'admets avoir eu du mal à le terminer, je l'ai refermé à plusieurs reprises tant certains faits m'ont dégouté. Comment imaginez en plein bus un tel crime ? Car oui l'auteure nous offre les moyens de comprendre cette société sans pour autant y adhérer, loin de là. Les gens font leur loi, les hommes passent leur envie sans avoir de crainte d'être attrapés ou même punis, les traditions sont si fortes qu'elles passent par-dessus les enquêteurs qui de toute façon n'ont pas la confiance du peuple. Tout est corrompu d'une manière ou d'une autre, les menaces tombent, les crimes ne cessent, le déshonneur se doit d'être ôté et la mort semble la seule solution. Je ne m'attendais pas à ce que l'Inde soit ainsi, si loin dans le temps, si solidement ancrée dans un monde où seul l'homme à des droits. Nous comprenons aussi que par endroit les mentalités changent doucement, certaines femmes arrivent à s'en sortir avec le soutien de leur famille et c'est aussi un point qu'il faut relever. Je ne m'attendais pas à ce type de livre et s'il m'a fait mal pour tout ce qu'il y a à l'intérieur, il m'a aussi permis de mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons. La France n'est pas si mal quand on regarde ailleurs. J'ai cru comprendre que cette maison d'éditions publie quelques livres de ce type, je regarderais de plus près.

Pour en revenir au récit, nous ne restons pas sur Padma et Lalli, nous allons dans d'autres endroits pour avoir une vue d'ensemble qui rejoint la communauté dans laquelle elles vivaient. Il n'y a pas de véritable secret de leur mort, les détails reviennent petit à petit pour nous laisser des traces de ce qu'il s'est passé réellement. Cette honte qui ne cesse de revenir à la bouche de certains, ces fameux viols collectifs sont-ils bien réels ? Et puis elles n'ont pas d'autres choix que de suivre le destin tracé par leurs pères, pas vrai ? Et si elles avaient décidé de voir autrement ? de faire quelque chose pour elle ? Les petits secrets entre elles ne plaisaient à personne, il suffit d'écouter chacun une version de l'histoire pour comprendre que l'auteure a dû travailler d'arrache-pied pour réussir à avoir le fin mot de l'histoire. de plus apprendre qu'elle a vécu là-bas, fait ses études et a réussi à s'en sortir malgré la peur et ce qu'il pouvait y avoir dans son sac pour se protéger est une force supplémentaire.

En conclusion, je ne vais pas m'éterniser sur le sujet. La mort de ces deux jeunes filles a été un choc pour l'Inde tout entier. Sonia Faleiro a fait un travail immense pour déterminer ce qui s'est réellement produit et montre ce qui se passe vraiment sans pour autant tomber dans le glauque. Les mots sont forts, l'imagination fait le reste pour nous laisser un arrière-gout amer d'envie de secouer tout ce petit monde et leur faire comprendre que oui les traditions c'est admirable, mais elles doivent savoir s'arrêter là où la liberté de l'être humain est arrêté à cause de sa condition de femme. C'est un livre qui ne mâche pas ses mots sur un monde que je ne connaissais pas. La vérité est bien plus horrible que tout ce que j'ai pu écrire !

http://chroniqueslivresques.eklablog.com/the-good-girls-sonia-faleiro-a212342885
Lien : http://chroniqueslivresques...
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Ce livre parle des femmes dans l'Inde d'aujourd'hui. Mais il parle aussi de la pauvreté. »
Sonia Faleiro, journaliste indienne installée à Londres, livre dans ce récit le résultat d'une enquête de près de deux ans sur un fait divers sordide qui a particulièrement marqué l'opinion indienne.
Un soir de mai 2014, dans le petit village de Katra, perdu dans l'immensité de la province de l'Uttar Pradesh, deux jeunes filles disparaissent alors qu'elles étaient sorties pour aller faire leurs besoins dans les champs. Après une nuit de recherches vaines, on retrouve les deux cousines, pendues aux branches d'un manguier, côte à côte.
Quand Sonia Faleiro entend parler de cette affaire mystérieuse, elle retourne dans le pays qui l'a vu naître, et mène l'enquête, épluche les rapports, lit la presse, interroge les différents protagonistes, déconstruit les certitudes et dévoilent les vérités cachées. �n ressort un portrait peu reluisant d'une société indienne à deux vitesses, tiraillée entre une modernisation frénétique et un traditionalisme sclérosé. Entre ces deux extrêmes, ce sont les plus faibles qui paient le prix fort, les pauvres, les intouchables ou encore les femmes, condamnées à obéir ou à mourir.
Malgré l'intérêt indéniable de cette enquête sur la place des femmes en Inde et sur l'état de pauvreté dans lequel on maintient une large partie de la population, malgré le travail de documentation conséquent aussi, j'ai été gênée par l'accumulation parfois confuse de faits et de témoignages ainsi que par le style (trop) factuel de Sonia Faleiro, qui m'a tenue à distance de cette histoire pourtant tragique.
J'ai beaucoup aimé en revanche le dernier chapitre, la note de l'autrice, qui donne du relief à son investigation et aux motivations qui l'ont poussée à s'intéresser à cette histoire.
Une impression mitigée donc, mais une lecture qui me donne envie d'explorer le très beau catalogue des éditions Marchialy
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Voici un polar captivant, qui à  plus d'un titre, nous fait réfléchir sur la conditions de la femmes, des femmes un peu partout à travers le monde d'aujourd'hui.
Mais alors qu'elle est le début de l'histoire :
Un soir de mai 2014, deux adolescentes disparaissent dans un village du nord de l'Inde. Quelques heures plus tard, leurs corps sont retrouvés pendus dans un verger près de chez elles.
C'est l'histoire de Padma et Lalli, cousine mais aussi amie dans la vie, deux jeunes filles pleine de promesses.
Ici Sonia Faleiro, leur prête vie, elle leur invente un avenir pourtant déjà contraint. Elle adopte le point de vue de ces adolescentes et dresse leur portrait. Mais elle nous invite aussi à découvrir l'entourage de ces adolescentes.
Le meurtre de ces toutes jeunes femmes a ému l'opinion public indienne, celles des grandes villes surtout. On parle de viol collectif, un crime d'une horreur absolu et pourtant il n'en est rien, la vérité est bien autre et tout aussi horrible si ce n'est plus. Car la vérité est bien plus banal, plus cru encore.
On est là dans une communauté liée par la tradition et la coutume dans un petit village dans l'ouest de l'Uttar Pradesh où les femmes, où "la femme" doit faire preuve de modestie, de pudeur et éviter les attitudes qui pourraient menacer la réputation familiale. Une vie sociale régie par la culture de l'honneur où les jeunes femmes sont surveillées de près, et savent ce qu'on attend d'elles. Et cette culture de l'honneur prône le recours à la violence afin d'assurer la réputation de la famille et de la communauté toute entière.
On y pratique les crimes d'honneur, ces actes de violence, le plus souvent des meurtres, commis par les membres masculins d'une famille à l'encontre de ses membres féminins, lorsqu'ils sont perçus comme cause de déshonneur pour la famille tout entière. Et ces crimes sont commis en toute impunité, le plus souvent ils sont considérés comme normaux et ne sont pas puni par la loi. Pire, ils sont la loi !
Mais au-delà de cela, Sonia Faleiro nous concocte une intrigue complexe, où, bien sur il est question de ces femmes assujetties à des traditions criminelles mais pas seulement. Elle tisse une toile qui met en relief tous les cotés négatifs de la société indienne d'hier mais surtout d'aujourd'hui. Elle pointe du doigt la pauvreté dans laquelle vit ces communautés, des conditions insalubres de vie où se côtoient la technologie actuelle et le manque d'hygiène. On possède des smartphones mais on a pas accès à l'eau potable et courante. Les femmes peuvent s'éduquer et avoir accès à l'éducation mais pas à la vie professionnelle. Elle n'ont pas le droit de travailler. Mais elles contribuent à perpétuer cette hiérarchie de leur société patriarcale en inculquant ses traditions et ses valeurs à leurs fils mais aussi à leur filles.
Je vous le disais, notre autrice donne vie avec vigueur à ses personnages et on les suit dans leurs quotidiens avec une certaine fascination. L'écriture vive, tantôt onirique, parfois journalistique ou littéraire donne du rythme à cette enquête. Ce reportage littéraire, bien plus qu'une enquête sociologique est un témoignage passionnant, bouleversant. Un constat effroyable sur la la misogynie de nombreuses sociétés à travers le monde  et à travers le prisme de la société indienne contemporaine.
Un récit puissant et poignant. Sonia Faleiro reconstitue  avec minutie et finesse le déroulement de ce fait divers sordide. Une enquête parfaitement maîtrisé qui nous emporte avec elle et qui rend notre lecture addictive. J'ai dévoré ce pavé. Quatre cent pages d'une intensité folle qui m'a laissée pantelante à la fin.
Un véritable coup de coeur, un cri d'effroi et de colère aussi, un coup de point, un uppercut, vous ne sortirez pas indemne de cette effroyable histoire où le suspense vous tient en haleine jusqu'à la dernière page.
Et vous vous souviendrez longtemps de Padma et Lalli, elle vous hanteront je l'espère autant qu'elles m'ont émue.
Vous ne pouvez pas passé à coté de ce titre. "The good girl : un meurtre ordinaire" porte bien son sous-titre. C'est le bouquin qui  à n'ont pas douté, m'a le plus marqué en ce début d'année ! Et je me demande encore quel coût humain peut bien avoir la honte et le déshonneur, dans notre monde ? Je n'ose l'imaginer !
Lien : https://collectifpolar.wordp..
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Qu'écrire après avoir refermé ce livre ? On connaît tous l'Inde, ses saris colorés et ses traditions brillantes, un pays qui fait rêver et qui marque souvent de façon indélébile les touristes qui s'y frottent. On sait aussi que c'est un pays d'extrême : extrême richesse contre extrême pauvreté, tradition fortement ancrées contre occidentalisation accélérée. Je sais bien tout cela, mais ça ne me préparait pas du tout à cette lecture.
Me voilà propulsée en Uttar Pradesh, Etat du Nord de l'Inde, le plus peuplé et l'un des plus pauvres. Un matin de mai 2014, deux filles de 14 et 16 ans sont retrouvées pendues à un manguier. C'est un déchaînement médiatique et aussi une série de malfonctionnement qui résument à elles seules les pires démons de la société indienne.
En reconstituant par le menu les événements qui précédent ce drame et ceux qu'il déclenche, la journaliste engagée qu'est Sonia Faleiro nous montre les facettes les plus sombres du pays. le système des castes, la place des femmes dans la société, sans oublier un système politique clientéliste et corrompu, un système judiciaire défaillant… C'est une enquête minutieuse, presque trop parfois avec une accumulation de détails dans lesquels le lecteur risque de se perdre, mais qui reste passionnante du début à la fin, avec même un certain suspens qui affleure dans de nombreuses pages.
Beaucoup s'arrêtent au fait que les deux jeunes filles sont mortes en sortant de chez elles parce qu'elles n'avaient pas de toilettes chez elles. Mais cela me paraît (hélas) une situation répandue dans de nombreux pays. C'est peut-être choquant en Inde parce que c'est un pays en plein boom économique, mais c'est la situation de nombreuses femmes et de nombreuses hommes. Par contre, me dire que des femmes n'ont aucun droit, aucune existence par elle-même, ce sont des choses dont on parle sous les talibans, ou dans d'autres pays similaires, mais je crois que je ne m'attendais pas à cela. On a fait tout un plat de l'autorisation enfin donnée aux femmes en Arabie Saoudite de conduire une voiture (mesure qui était nécessaire, ne me faites pas dire le contraire de ce que je souhaite dire!), et certes cela montre une misogynie d'Etat, inscrite dans la loi. En Inde, ce n'est pas écrit dans la loi, mais les conditions de vie de certaines femmes sont au-delà de ce que je pouvais imaginer.
C'est donc un livre qui m'a ouvert les yeux, dont je suis ressortie avec un sentiment d'impuissance, mais aussi de meilleure compréhension du monde dans lequel je vis. Un grand merci, donc, aux éditions Marchialy, que je découvre avec ce livre alors qu'elles publient depuis 2016 des enquêtes approfondies réalisées par des journalistes venus de pays divers et variés. Je crois que je vais commencer à me plonger dans leur catalogue qui semble receler quelques titres bien intéressants.

Merci aux éditions Marchialy de m'avoir permis de lire ce livre, via netgalley.
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critiques presse (1)
LaLibreBelgique
04 mai 2022
Sonia Faleiro enquêté sur la mort de deux adolescentes dans le Nord de l'Inde. Un pays où la femme compte si peu.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Citations et extraits (33) Voir plus Ajouter une citation
La terre apportait la sécurité dont dépendait tout le reste — le daldans leurs assiettes, les vêtements sur leur dos. La terre, c’était aussi le pouvoir. L’assurance d’attirer une future épouse de qualité, avec une bonne dote, ce qui renforçait leur sécurité et leur statut social. Mais surtout, la terre était une question d’identité. Elle faisait d’eux des cultivateurs. Sans elle, les hommes étaient réduits à l’état de paysans nomades, condamnés à chercher du travail là où il y en avait, pour ce qu’on voulait bien leur payer en échange. Ils étaient comme les gardiens de bétail de la communauté Yadav, dans le hameau voisin, dont on disait qu’ils n’avaient pas de racines et n’étaient liés à personne.
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En 2014, pour la première fois, le National Crime Records Bureau, l’agence gouvernementale chargée de recueillir et d’analyser les statistiques sur le crime en Inde, publia les chiffres des crimes d’honneur. Vingt-huit cas avaient été signalés à travers le pays, or tout le monde savait qu’ils se comptaient en réalité par centaines, voire par milliers. Ces jeunes filles assassinées parce qu’elles s’étaient mariées hors de leur case ou de leur religion, mais le seul fait d’avoir des rapports sexuels avant le mariage était parfois une raison suffisante.
Par ces meurtres, les familles lavaient leur honneur ou, du moins, montraient aux gens du village qu’elles prenaient le problème au sérieux et avaient fait ce qu’il fallait pour réparer le mal. La Constitution indienne n’existait que depuis quelques décennies, alors que les croyances religieuses hindoues remontaient à des millénaires, expliqua un père accusé d’avoir tué sa fille.
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Si les Shakya avaient choisi d'agir ainsi, c'est parce qu'il ne s'agissait pas juste de la réputation de leurs filles. L'honneur de toute la famille était en jeu. Il faudrait bien qu'ils continuent à vivre au village.
Moins d'une heure après qu'elles se soient évanouies dans la nature, Padma n'était donc plus l'adolescente au caractère trempé. Et Lalli n'était plus sa fidèle acolyte? Ce qu'elles étaient et ce qui leur était arrivé étaient déjà moins importants que les circonstances de leur disparition sur le statut de leurs familles.
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La leçon tirée par de nombreux citoyens indiens, au lendemain du drame de Delhi, était que les manifestations avaient compté. Leurs protestations avaient eu un impact sur la loi. Et les villageois de Katra l'avaient bien compris, plus terrible que l'agression de Delhi : leurs enfants n'étaient pas mortes dans une grande ville lointaine, où elles avaient fait fi des limites imposées par la société et affirmé leur indépendance. Elles n'étaient pas mortes en allant voir un film anglais en compagnie d'un garçon et en prenant les transports en commun à la nuit tombée. Elles n'étaient pas mortes en faisant quelque chose que des filles comme elles n'auraient jamais dû faire. Elles étaient mortes là où elles étaient nées. Elles étaient mortes en allant faire pipi dans un champ.
Mais Dlhi, théâtre de cette affaire de viol si médiatisé, où vivaient les politiciens les plus puissants du pays, et où les grands groupes de médias avaient de beaux bureaux climatisés, se trouvaient à des centaines de kilomètres de chez eux. Les habitants de Katra n'avaient aucun moyen de s'y rendre.
Et si c'était aux gens de Delhi de venir jusqu'à eux ?
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Un vent léger se mit à souffler à travers le verger, emportant la poussière du sol. Il souffla les feuilles mortes et les branches des arbres. La brise souleva les tuniques des filles qui se balancèrent tout doucement, l'une près de l'autre, comme pour se chuchoter un dernier secret : "Sunno, écoute ! J'ai quelque chose à te dire ...".
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