Citations sur Très vite ou jamais (9)
- Certaines familles sortent grandies des épreuves qu’elles traversent, Jan. Tandis que d’autres volent en éclats. C’est tout l’un ou l’autre. Il n’y a pas une famille au monde où la vie continue normalement après un coup dur. Pas une. Et quand une famille ne reste pas unie dans le malheur, c’est en général qu’elle avait bonne chances d’imploser tôt ou tard.
Le coma, on en sort ou très vite, ou jamais. p.18
- Nils et Jan… quand vous étiez petits, vous étiez déjà inséparables. Ou indissociables, devrais-je dire ; de vrais siamois ! Je prévenais systématiquement les enseignants à la rentrée et leur recommandais de ne pas vous mettre l’un à côté de l’autre. Je le répétais tous les ans : « Ces deux-là, jamais à la même table ! »
Ça m’a scotché. Je lui ai demandé pourquoi elle s’était acharnée contre nous à ce point-là. On n’était pourtant pas méchants !
- Séparément, vous étiez inoffensifs, Jan. Mais dès qu’on vous mettait ensemble, c’était une catastrophe. Comme le glycérol et l’acide nitrique : aucun de ces deux composants n’est dangereux en soi, mais associés, ils donnent un mélange explosif !
Ce matin, je suis venu te voir dès les premières heures de l'aube (toi qui sait combien je déteste me lever tôt, tu imagines ce qu'il m'en a coûté) parce que je craignais, non sans raison, que ta chambre soit prise d'assaut dans la matinée. Je me suis assis à côté de toi, et t'ai lu les pages sport du journal, t'ai raconté ma semaine et t'ai massé les doigts, un art dans lequel j'ai fait des progrès. Vive la Vaseline ! En tout cas, tes doigts ne sont plus aussi raides ni aussi glacés. Parfois, j'ai l'impression que tu réponds à mes stimuli. Aujourd'hui, par exemple, j'ai cru que tu m'avais pressé la main. Je me suis penché pour regarder par dessous tes paupières. Hélas, tes yeux étaient aussi fixes que ceux d'une poupée ventriloque. Oui, Nils, une poupée ventriloque, c'est à ça que tu me faits penser : tu me parles, j'entends distinctement tout ce que tu me dis, mais tu ne remues pas les lèvres...
A travers l'étroite fente de tes paupières, je cherche ton regard, plonge le mien dans les profondeurs insondables de tes pupilles. Mais des mains me tirent en arrière. D'autres te soulèvent avec précaution. Ton sang coule lentement dans le caniveau, c'est ta vie qui s'en va, emportant la mienne avec elle.
- Au nom du ciel ! Pourquoi vous n’utilisez pas un cendrier, Jan ?
Moi :
- Parce qu’il est défendu de fumer, « tant à l’extérieur qu’à l’intérieur des bâtiments ».
Et là, tiens-toi bien, elle a sorti un paquet de cigarettes de dessous son habit !
- ça, c’est pour les résidents. Vous ne voudriez quand même pas qu’ils mettent le feu à la baraque ?
Du bout de ses sandales à lanières, la voilà qui récupère un petit cendrier discrètement caché derrière la porte et s’allume une clope. D’accord, elle ne l’a pas terminée, mais quand même !
Quand on est rentrés, elle a ajouté sans me regarder :
- C’est mon péché mignon.
J’en suis resté comme deux ronds de flan. Une religieuse aussi large que haute, en habit avec un énorme crucifix en travers de la poitrine, qui tire sur sa cigarette en t’expliquant que c’est son seul vice, ça vaut son pesant de cacahuètes, je t’assure !
Il a aussi ajouté qu'il n'avait pas prémédité de coucher avec Nelly, que c'était arrivé sans qu'il le fasse exprès et qu’il regrettait profondément. Moi, j'avais tout à fait prémédité de lui mettre mon poing dans la gueule; ce que je fait, ô combien exprès, et ne regrette absolument pas.
J’étais donc aux premières loges pour regarder ce qui se passait. J’ai fixé le vieux marronnier en attendant que la pièce commence. Ca a pris un peu de temps. Au bout d’un moment, quoique très timidement, Nelly s’est assise à côté de toi. A partir de là, tout est allé très vite.
Ce que j’ai sur le coeur, c’est simple, je ne peux en parler à personne. Alors il faut que je l’écrive. Il faut que j’évacue ce trop-plein de désespoir et de colère qui m’étouffe. Une colère de dingue, Nils, tu n’imagines même pas. La rage à l’état pur.